- Bonjour ! Où étiez-vous passés ? J'ai téléphoné vendredi soir de 19 à 22 heures, rien, personne. Comme je sais que tu ne consultes pas ta messagerie, je n'ai pas pris la peine de laisser un message inutile. Idem avec vos mobiles. Vous étiez entrés en clandestinité ou quoi ?
- Vendredi soir, on était allé manger nos sandwiches à Bagnères...
- Bagnères de Bigorre ?
- Eh oui !
- Tu te fous de moi... Manger vos sandwiches à une heure de route de Pau...
- En fait, on est allé manger nos sandwiches sur le parking de la halle aux grains
- J'ai compris : il y avait un concert
- Tout juste et c'est pourquoi on avait mis nos mobiles en mode silencieux.
- Prétexte pour justifier que vous vouliez couper les communications
- Tu nous connais bien
- Et ce concert, c'était quoi ?
- Hervé Suhubiette et Pulcinella, "Récréations Nougaro"
- Je croyais que tu n'appréciais que l'instrumental, pas les chansons
- Oui, de manière générale, mais je fais des exceptions, par exemple pour "Barbara" avec Bruno Maurice à l'accordéon ou pour cette relecture-recréation de Nougaro. Je peux te dire que c'est un spectacle très réussi. J'y reviendrai, mais d'abord, juste un mot, on a fait la route accompagnés par le premier disque d'André Minvielle :
"Canto", disque de 1998. un beau travail sur le langage avec Perrone au diatonique, Lubat au piano ou à la batterie et Minvielle - je cite -,
"chant, porte-voix, batterie maigre, trompette de l'est, percussions, sampleurs". Le livret est une sorte de manifeste du jazz gascon. Il préfigure les disques ultérieurs comme
"La vie d'ici bas" ou "
Follow / Jon Hendricks... If you can !!!".
http://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Minvielle
http://www.musicme.com/#/Andre-Minvielle/albums/Canto-0794881435029.html?play=0794881435029-01_01
Dans la nuit noire avec -2°, d'abord sur l'autoroute, puis ensuite en traversant la file ininterrompue de villages entre Tarbes et Bagnères, ce disque était une bonne préparation au concert. Nougaro était de Toulouse, Minvielle est né à Pau et habite dans la région, leur ancrage linguistique est clairement dans le sud-ouest, mais chacun à sa façon, fidèle à ses origines, exprime, si j'ose dire, quelque chose d'universel.
Mais je reviens à notre concert.
http://www.myspace.com/recreationsnougaro
Bien entendu, on est arrivé très en avance. Vers 19h45 pour 20h30. On a mangé nos sandwiches, surveillé l'arrivée des premières personnes du public et donc, à 20 heures, on a pris place en attendant, au chaud, l'ouverture des portes. C'est comme ça qu'on a vu arriver les Pulcinella, dont Florian Demonsant. On a échangé quelques mots ; il nous a parlé de ses projets ; ça donne envie... C'est sûr, on va surveiller son myspace et les courriels qu'il doit nous envoyer. Du coup, on a parlé de zizanie...
- De quoi ? De zizanie ? Qu'est-ce que ça vient faire ici ? C'est quoi la zizanie ?
- Une mauvaise herbe, ce qu'on appelle aussi l'ivraie. Tu connais "séparer le bon grain de l'ivraie" ?
- Oui, et alors ?
- Alors, qui dit zizanie, dit "semer la zizanie", autrement dit "mettre le bazar, introduire le désordre dans un ordre trop bien installé, bousculer les conventions". En d'autres termes ou dans un autre registre :"Foutre la merde" : ça ne rappelle pas un peu le free jazz ?
- Je vois
- Bref, "La zizanie" ou "Les semeurs de zizanie", pourquoi pas le nom d'un trio de jazz , d'un quartet, d'un quintet ou plus si affinités ?
- Faut voir !
- Et écouter surtout !
- Bon, et ce concert ?
- Très bien ! Tout très bien. D'abord, Suhubiette ne cherche à aucun moment à imiter Nougaro : il a su éviter l'écueil. Idem pour Pulcinella avec les arrangements. Je trouve même le quartet de plus en plus équilibré. L'inspiration vient de Nougaro et de son univers, mais il s'agit bien d'une re-création, d'une création originale à partir des chansons de Nougaro. L'alternance entre morceaux connus et moins connus, voire non connus, est très réussie. Du coup, le rythme est parfait. Je n'ai évidemment pas retenu les noms de tous les morceaux, mais je me rappelle
"Je suis sous", "
Amstrong", "
Deux boules de cuir" (ce n'est pas le titre, mais il est question d'un boxeur k.o.),
"Jalousie" (Othello quoi !), "
Trapéziste" et, au milieu du concert et du public, tous les cinq
a capella, qui chantent
"Rimes". Sans oublier
"Cécile" en duo saxophone - contrebasse. Une interprétation très intimiste. Et puis,
a contrario, il y a aussi un twist endiablé...
- Le twist est toujours endiablé
- Oui, un twist qu'ils reprennent en rappel.
Après le concert, quelques mots avec les musiciens, puis retour à la maison. Avant d'aller nous coucher, on a fait quelques tranches de pain grillé sur lesquels on a laissé fondre lentement des rillettes d'oie. Avec un canon de Médoc, ça finit bien la soirée.
- Tu as fait des photographies ?
- Bien sûr ! J'en ai retenu cinq de l'ensemble et cinq, cinq photonotes de Florian, que je publierai tout de suite.
Il est 20h55. On voit bien la disposition des cinq artistes. On peut remarquer, devant le plancher qui tient lieu de scène, une sorte de glacis, qui introduit une très grande distance avec le public. Ce pourrait être une condition d'écoute défavorable. En fait, il n'en est rien, car ce glacis reflète les lumières de la scène et du coup il y a comme un espace transitionnel, un espace intermédiaire, qui situe Pulcinella et H. Suhubiette en quelque sorte dans un monde imaginaire.
Il est maintenant 21h11. Tout est bien en place. La mécanique de "récréations nougaro" tourne rond. Un monde s'est installé.
21h31. Le moment
a capella. Sur les marches, au plus près des gens.
21h49 : ça chauffe !
22h33. Le concert s'achève sur le rappel d'un twist endiablé... Oui, je sais, le twist est toujours endiablé. Du coup, les gens se lèvent... Il parait que sous l'espace entre les fauteuils et la scène, il y a une fosse vide. Un twist, ça va... Deux, bonjour les dégâts, comme aurait pu le dire un certain ministre.