mercredi 22 avril 2020

mercredi 22 avril - magré tout, des couleurs...

Mercredi matin. Je sors de la maison à 09h58 suivant l'indication de ma fiche numérique de dérogation de déplacement. Je me sens tracé et traqué. Il pleut depuis plusieurs jours ; le fond de l'air est frais. La montagne proche. En tout cas, c'est inattendu quant à la température ressentie. En route vers Berlioz je prends le temps de jeter des bouteilles vides dans le conteneur ad hoc. Elles explosent dans un grand éclat sinistre. Je ne sais si mon geste est conforme. Je me sens traqué. Je repars ; il est temps de rejoindre le coeur de Berlioz et ses baguettes tradition. Et de grignoter une tradition dodue.

En parcourant la place centrale du quartier je vois avec quelque étonnement à quel point les gens  sont tristes. En tout cas, nul ne converse avec ses voisins, ni avec son mobile. Masques obligent ou servent de prétexte. Chaque boutique fonctionne à sa façon, dans son espace. La pluie obstinée et tenace donne une drole de couleur à cet environnement humide et matinal. A propos de couleur justement tout à coup mon regard s'éclaire. Chaque boutque finalement a sa signature, sa marque de couleur, son identité.Tout ça est moins triste finalement que je ne le voulais m'en persuader, tout entier à mon spleen. Changement de focale chromatique, si j'ose dire.

L'épicerie d'abord est une sorte de couloir assez étroit  mais traversant de part en part; Des étagères d'un côté, la caisse de l'autre côté. La carte… sans contact. Le progrès. Des bouteilles et des paquets décorés de multiples couleurs vives et violentes. Basiques. Des étagères de bonbons, de chocolats ou de biscuits. En face, jouxtant la caisse, l'armoire réfrigérée des laitages et autre fromage blanc. On de crème fraiche. Un univers tout de candeur.

Juste à côté, de longues files d'attente  - disons dix personnes sur le trottoir : presse, tabac, jeux de grattage et de hasard. Des revues, encore et encore. Une sorte de caverne aux multiples couleurs violentes et agressives. Le contraste est frappant avec l'épicerie. Ici, sous la houlette d'un couple monté sur un hyper voltage, tout s'oppose à l'univers monochrome de l'épicerie. Leur enthousiasme contraste aussi avec l'air plutôt gris de leurs clients. La fortune n'a pas encore frappé à Berlioz.

Et puis un local triste. Qui autrefois hébergeait un salon de coiffure pour hommes. Vide avec entassés des meubles professionnels. Figé par quelque catastrophe comme à Pompéi. La poussière a bien entamé son œuvre. Le courrier semble collé au sol. Contraste avec le blanc impeccable de l'épicerie et avec la mosaïque excessive du presse tabac. Solitude.

Juste à côté, symétrique du tabac presse et autres jeux populaires, la boulangerie. Une harmonie de blancs et de vitres transparentes chargées de gâteaux dorés et de pains bruns ou roux, c'est selon. Lumières, lumières, lumières… a giorno ! Les deux serveuses sont équipées de pied en cap ; le virus en est pour ses frais. Masques, gants, charlottes, etc... etc... Sans contact. On se sent déplacé et tout nu si l'on manque à tous ses attributs.

Quelques pas à côté, une longue file d'attente qui espère sa baguette en prenant patience devant l'atelier de couture. Discrétion. Mais aussi des toilettes aux formes inattendues ici à Berlioz. et aux couleurs aussi. Couleurs et joie de vivre. Dansons  sous la pluie ! Un espace qui donne envie de chantonner. Des couleurs d'aquarelle. Un monde aimable et apaisé ; volontariste aussi… Malgré tout !

Mais continuons. Un monde de couleurs franches disposées pour nous faire saliver. Pavlov : pommes, poires, kiwis, bananes, fraises, citrouilles, courgettes, aubergines, endives, mandarines, citrons, avocats, patates douces… etc... etc...J'en oublie ! Profusion de couleurs ! A mon retour du marché largement local - et sans contrôles - l'arrangement de tous ces beaux produits me fait penser à un Arcimboldo. J'essaie d'en ajuster deux ou trois. Une fête de couleurs ! Nature / culture.

Déplaçons nous quelque peu. Une couleur, une seule, mais déclinée selon toutes ses variations possibles. On est chez le boucher et son fils qui apprend le métier. Du rouge bordeaux, quasi violet, au rose délicat du foie de canard. Explosion de couleurs pour les yeux, promesse de saveurs subtiles.

Contraste ! Tout à côté le local vide de la boutique d'informatique. Un univers comme dévasté. Désolation. Gris et triste. Il pleut sur Pau. Le salon de coiffure pour hommes est d'une rigueur janséniste. Leurs habits aussi. Une présence discrète fort bien implantée. Les clients, nombreux , viennent d'évidence du Maghreb.

Juste à côté, la cordonnerie, en fait une boutique dédiée à la montagne. Des couleurs sombres, du vert au marron. Des verts aux marrons.  Un univers de passionnés. Un univers à rêver ; un univers de passionnés des projets plein la tête.

Enfin, pour boucler notre tour, un cabinet médical et une pharmacie : du verre, de l'alu, des couleurs de bon ton. On ne plaisante pas avec le matériel médical. Il faut pour cela des couleurs rassurantes et les promesses de la technologie. Ici, la couleur est comme découpée au laser. Chirurgicale. Tout est, comme il se doit, nickel.

Ainsi se trouve bouclé notre tour du cœur du quartier Berlioz. Curieuse impression. Toujours pas de bruits ni de circulation, ni de contrôles jusqu'à notre retour à la maison. On croirait avoir traversé quelque miroir improbable. Pour réduire notre incrédulité, on reviendra, c'est certain, au quartier Berlioz !






       

lundi 20 avril 2020

lundi 20 avril - ...le coeur du quartier berlioz...


Sept heures du matin. Le fond de l'air est frais et pluvieux. Le boulevard est désert. L'absence totale de bruits est tout simplement angoissante. Combien de temps durer sans disjoncter dans cet espace indifférencié ? Pour me sortir de cette immobilité, je décide d'aller faire mon marché tout au bout de l'avenue, à cinq cents mètres, au quartier Berlioz que je traverse chaque jour et que cependant je ne connais que très superficiellement. Mon panier, mon sac, mes adidas aux pieds, mon masque et ma dérogation numérique. Bizarre impression : des représentants de l'ordre partout… Visibles ou non, en tout cas présents. Je me sens épié malgré l'absence présentement physique de qui que ce soit. Paradoxe. Ici ou là, quelques témoignages. Vous avez dit bavures ?  Le virus venu de l'est serait-il un animal politique ?

Le cœur du quartier Berlioz à Pau est composé de douze pièces qui fonctionnent, tous âges confondus, comme un ensemble d'éléments en interactions  dynamiques pour la satisfaction simple de ses habitants. Un lieu paisible composé sur trois faces de boutiques diverses et complémentaires, la quatrième étant une petite place avec ses glycines, ses arbustes et ses bancs pour discuter à l'abri des vents mauvais.  Les générations et les pouvoirs d'achat, divers, se croisent en toute quiétude. On peut traverser la chaussée sans même vérifier que la marche d'ici à là et de là à ici est sans danger. Le bonheur des enfants et, comme on doit dire, de nos ainés.

Vous avez dit que douze pièces composent cet ensemble paisible et harmonieux..

-  épicerie : produits de base, fromages, pastilles lave-vaisselle, chocolat, biscuits, vins, café, thé...
-  presse tabac et, si possible, tiercé, timbres
- local vide, ex. coiffure femmes
- boulangerie avec ses vendeuses dans leur scaphandre, gestes-barrières obligent
- atelier couture, création et formation
- fruits et légumes, la fraicheur même : ramassage, cueillette, la veille au soir
- boucherie charcuterie, la viande du sud-ouest, le champ d'à côté
- Berlioz informatique, vente, dépannage et formation
- coiffure hommes, un local vide, le courrier jeté au sol
- cordonnerie, artisan montagne, la passion d'un métier
- cabinet médical sur et sans rendez-vous, trois médecins
- pharmacie, matériel médical, toujours sans masques ni gel… Demain la veille

En face, quatrième élément qui ferme l'espace, la MJC Berlioz, ses immeubles, sa fontaine d'eau claire, son parking pour dix voitures . Dix, c'est assez, c'est pas trop. "Rien de trop" disaient les sages  de l'antiquité. Un monde harmonieux qui préfigure peut-être un arrangement futur. En tout cas, une dimension possible de notre sociabilité.

Je découvre un monde que je croisais sans y donner plus d'attention. Je suis épaté par l'efficacité de cette organisation, par l'intégration de chacun à sa place. Et par la qualité des produits.

A suivre… si notre enfermement nous laisse en peu respirer. Si les contrôles se font intelligents, moins tatillons.


lundi 13 avril 2020

lundi 13 avril - ...d'une guerre à l'autre....

Il était une fois un virus venu de Chine, un virus nommé Coronavirus ou en langage codé  COVID-19. Un vrai  malfaisant qui nous a fomenté un scénario malfaisant, s'il en est. Un citoyen passe-frontières ! Un avatar de citoyen du monde : un acteur de la mondialisation qui, après un tour d'est en ouest se donne des libertés d'auteur. Tournez manèges ! Un auteur de ses propres pérégrinations telles qu'il en a fomenté le scénario pour un nouveau tour de pistes, un vrai mutant. On est parti pour un autre tour, mais en pire, avec de moins en moins de participants.

Mais le pire, du moins selon moi, c'est le discours des savants et les atermoiements des politiques. Les mensonges, les contradictions, les délires de ceux qui ne sachant que peu sur ce virus n'en parlent pas moins comme si… Ce discours, je l'avoue, me glace le sang, me pétrifie déjà… Il consiste en effet in fine à suggérer avec insistance à nos chers ainés que pour maintes raisons ils devraient  songer à quitter ce monde. En tout cas, il est temps...Citoyens aussi, mais d'outre-tombes, d'outre monde. Une autre façon de vivre avec son temps.

Mais, on l'aura compris, je parle ici de cette génération née entre 1943 et 1950. Des naïfs qui croyaient bien échapper à quelque guerre. Naïfs, trop naïfs ! Il vous reste quelques années pour savourer cette autre expérience !