Dimanche, lendemain d'un samedi 12 et d'un vendredi 11 novembre printaniers. Les jours se suivent et se ressemblent. Midi : 23° à l'ombre sur la terrasse. Forcément, on déjeune dehors. On décide même, vu le temps, d'étendre le linge, que l'on vient de laver, sur l'herbe déjà chaude. Les nappes, les draps et les serviettes seront autant de refuges pour les trois chats des voisins à la recherche d'un endroit frais.
Forcément, pour accompagner notre déjeuner, on écoute
"Sup Dude". Quoi d'autre sinon "
Sup Dude" ? D'écoute en écoute et de commentaire en commentaire, on commence à prendre des repères. On commence à avoir le plaisir non de la découverte mais de la reconnaissance. Des comparaisons nous viennent spontanément à l'esprit soit entre morceaux de l'album, soit avec des morceaux d'autres albums. Je pense par exemple à l'inspiration "latino" comme un fil rouge d'album en album.
Mais, vers trois heures, il fait trop beau. On décide d'aller faire un tour du côté des vallées d'Ossau et d'Aspe : col de Marie Blanque (1300 mètres ; à 16 heures, au sommet, il fait encore 16 degrés !), descente vers Oloron, retour à Pau par le bois du Bager. Une centaine de kilomètres. Les couleurs de la montagnes et des vallées sont dans des tons pastels. Douceur et vibrations. Le ciel est d'un bleu transparent. Une image de l'infini. Entre tous ces éléments, une harmonie magique ou religieuse, c'est selon. A chacun sa foi et ses références. Les arbres sont une explosion de couleurs : du vert au jaune, de l'orange au rouge ou, plus exactement, tant les gradations de la palette sont innombrables, des verts, des jaunes, des oranges, des rouges et combien d'autres nuances encore... On pense à des tableaux de Riopelle ou de Tobey : le même frémissement.
Au bas du col, le village d'Escot. A la sortie d'un virage, l'église. Blanche, immaculée. Elle se dresse sur un fond sombre, quasi noir. Sa géomètrie est violente. On pense à un Nicolas de Stael.
A notre retour, après avoir levé le linge, qui a séché sur l'herbe tout l'après-midi et qui s'est chargé d'une odeur de foin, on se prépare du thé, des tranches de pain grillé, du fromage et de la confiture de marrons, et l'on s'installe pour écouter... "
Sup Dude". Quoi d'autre ?
Je prends quelques notes au fil de mes impressions :
- Dès le premier morceau, la guitare électrique apporte sa sonorité particulière. Elle donne une couleur supplémentaire au trio, dont elle élargit la palette, sans pour autant lui faire perdre son identité immédiatement identifiable.
- Dès ce premier morceau, curieusement j'ai entendu des échos de Clifton Chenier, mais dans un registre retenu, en demi-teinte. "Rien de trop", suivant l'expression des philosophes de l'Antiquité. "Rien de trop", je trouve que l'expression convient bien à cet album. Souvent, on n'est pas loin de la ballade.
- Bon ! Il y a aussi le son du Pigini de Jacques. Un certain phrasé immédiatement identifiable, comme une signature. Un jeu reconnaisable quelles que soient les sources d'inspiration : ballade irlandaise, bossa, samba, tango, etc... Unité et diversité. Une identité forte par delà toute la variété des genres ou des types de musique. Pour moi, cette qualité "classe" Jacques Pellarin dans la même famille que R. Galliano, J.-L. Amestoy, D. Mille, L. Suarez, V. Peirani, T. Florizoone et quelques autres... Ils ne confondent jamais l'éclectisme avec les métamorphoses du caméléon. Tout au contraire, ils imposent leur style et leur marque à "tout ce qu'ils touchent".
- A plusieurs reprises, j'ai nettement perçu une parenté entre tel thème ou telle phrase déjà entendue dans un album précédent et un thème ou une phrase de celui-ci. Cette continuité, c'est aussi, à mon sens, le signe d'une inspiration très personnelle. Il me semble en effet que tous les créateurs authentiques ont ainsi quelques formes qui les obsèdent et qui ressurgissent fatalement à plusieurs reprises d'oeuvre en oeuvre.
- En 5, "
CML Song", il m'a bien semblé reconnaitre un salut discret, mais amical, à Jean-Sébastien...
- En 2 et en 4, respectivement "
Le temps de souffler" et "
Stevenson Bossa", j'ai reconnu plus qu'une relation de parenté avec Art Van Damme, Jo Basile et F. Marocco, qui sont pour moi de très grands mélodistes. D'autre part, en ce qui concerne particulièrement le titre 2, dont le rythme est sud-américain, j'ai bien apprécié les distorsions de la guitare, venues directement du rock, mais aussi le saxo sexy.
- Dernière note enfin, l'ensemble de l'album se situe pour moi dans une catégorie que je qualifierais volontiers d'intimiste ; dans mon imaginaire, le quartet a sa place naturelle dans les clubs d'amateurs de jazz. Une musique pour passionnés raffinés... Et toujours l'ancrage à Champlong (titre 8. - "
Live at Champlong").
- Quoi d'autre ?
- Je publie ce post. J'envoie un courriel à Jacques Pellarin, histoire de lui dire combien j'ai eu plaisir à écouter son dernier opus et j'écoute "
Sup Dude", qui bien sûr m'accompagnait tout au long de ce petit travail d'écriture.