mardi 28 février 2012

mardi 28 février - à propos de "polis"



"Polis", le dernier opus du Guillaume Saint-James Sextet / Jazzarium, est le type même d'objet artistique qui suscite immédiatement mon intérêt. D'abord, un objet matériel : une pochette élaborée du point de vue plastique et, à l'intérieur, un dépliant qui donne d'emblée une image du projet ou, si l'on voulait faire anglo-saxon, du concept qui fonde cette création. Je dis bien création, car, de toute évidence, l'ensemble visuel et musical est le résultat d'une longue réflexion. L'articulation entre les dix titres en atteste.

Mais revenons à l'objet "Polis".  En couverture, un homme, jeune, Guillaume Saint-James, je suppose, est entortillé dans un long serpent rouge vif : il s'agit d'une de ces gaines plastiques de couleur vive, où circulent les flux de fluides qui sont les éléments vitaux des villes. Même s'ils sont enterrés et invisibles. Il ne parait pas inquiet ; il parait même serein et confiant, absorbé par ses rêves. Du coup, on ne sait pas s'il essaie d'émerger de ce tube serpentin ou s'il s'y immerge avec délice. Cette image traduit bien l'esprit du disque même : une plongée et une déambulation au coeur de l'agitation colorée et sonore d'une ville plus ou moins imaginaire ou fantasmatique. Plutôt que ville d'ailleurs, c'est le terme de "polis", c'est-à-dire d'organisation matérielle et sociale, de mise en ordre des énergies, sans les étouffer, qui parait en effet le mieux approprié.




Pour renforcer cette impression, un plan, rouge vif, où coexistent un morceau de plan à l'allure de quadrillage géomètrique : la ville au carré, et un autre où se déploient avec nonchalance des avenues, des rues au tracé improbable : la ville comme assemblage de pièces et de morceaux. Ville de technocrates ou d'ingénieurs vs ville mosaïque et juxtaposition de lieux associés de bric et de broc au fil des hasards.

"Polis", plongée dans une métropole. On n'oublie pas que la métropolis, c'est la ville-mère. On pense au tuyau de la couverture : il est rassurant et protecteur, comme un doudou démesuré, comme un retour au sein maternel.

Paradoxe ! Je me rends compte que je suis très sensible à la matérialité de ce cd et à l'importance du graphisme, des mots et du plan - Polis Phonic Map - qui en sont comme une introduction et son environnement de significations. On est aux antipodes du téléchargement et de la musique immatérielle, comme un fluide sans origine ni terme ni pause. Flux sonore multiple et incessant. Le paradoxe, c'est justement que ce disque qui est comme une traduction ou une évocation des fluides vitaux de la ville se présente comme un objet concret, manipulable, pliable et dépliable quant au plan qui l'accompagne.

Quant à la musique même, je me suis laissé envelopper par celle-ci d'emblée. Dès le premier morceau. Une écoute en immersion. Des compositions de Guillaume Saint-James très construites mais qui, d'évidence, laissent une grande marge d'interprétation à ses collègues. Des mélodies, des espaces de liberté : une dialectique qui fonctionne.

Dans cette déambulation au coeur ou dans le ventre de la ville, un moment surprenant, le titre 6 :"Iruten Ari Nuzu", un morceau traditionnel basque, un solo de Didier Ithursarry. Un moment plein de finesse et de charme. Comme si, tout à coup, poussant une lourde porte, on se trouvait plongé dans le calme inattendu d'une cour intérieure, à l'abri des agressions sonores de la rue. Un morceau court d'une durée de 1:54, alors que les cinq précédents duraient 6:50, 7:40, 6:35, 4:08 et 6:13. Le contraste n'en est que plus vif. En titre 7 et 8, on revient à des durées de 5:51et 6:34, puis, à la fin, deux morceaux courts, 2:21 pour le 9 et 1:44 pour le 10. Le 9, "Speed for Spike", est un exercice de style, une sorte de transmutation des bruits en sons et des sons en création musicale. Virtuose certes, mais pas gratuit. Une sorte d'initiation à l'écoute de notre environnement sonore.

Pour l'heure, j'en suis encore,  malgré plusieurs écoutes, à la phse de découverte. Qui est loin d'être achevée. C'est ainsi, par exemple, que d'écoute en écoute, je perçois mieux la présence de Didier Ithursarry. D'abord quasi subliminale, elle se manifeste avec de plus en plus d'insistance, elle devient indispensable. Curieusement, la photographie du groupe montre Didier Ithursarry au second plan, en partie masqué par Guillaume Saint-James, mais clairement identifiable. Position symbolique donc. Et si l'on y regarde de près, derrière lui, on aperçoit comme un clavier d'accordéon. Subliminal !

1. "Balkanic Station / Tout le monde se croise sans se rencontrer et personne n'écoute". Une entrée en matière, bille en tête, comme un coup de poing dans la gueule. Des accents de jungle urbaine. Une polis pas très policée. Les cuivres s'en donnent à coeur joie. Et déjà, la batterie... puis, la basse. Un morceau tout de pulsations. Ordre et désordre. L'ordre procède du désordre.
2. "Un papillon pour Maria". La trompette suit le mouvement du papillon à la trace. Libre, mais pas si erratique que ça. Et puis se lève une légère brise pleine de parfums délicats. C'est à peine si les feuilles bougent. Un air de ballade. Et toujours la batterie.
3."Pursuit". Un morceau qui sonne comme un big band. Je pense au Brussel Jazz Orchestra. Avec des stridences de poursuite de voitures dans un polar noir, dans les rues vertigineuses de San Francisco. Et le trombone qui ramène tout le monde à la raison. Pour un temps...
4."Rumba Baloo". La mélodie reprend ses droits. Le feu sous la glace. Tout le monde participe à l'harmonie générale.
5."Start Pilote". De plus en plus mélodique. Avec l'orgue Hammond qui baigne tous les sons dans une sorte de halo d'incertitude. Et toujours la batterie.
7."Ceux qui restent". Pour moi, à l'heure actuelle, la composition la plus complexe. Un moment méditatif. Une autre parenthèse de paix, de calme et de sérénité après le traditionnel basque.
8."Taxi +". En taxi, on est au coeur de la circulation, sans en affronter ni les dangers, ni les risques. Il suffit de se laisser porter par le flux, de lâcher prise et de regarder et d'écouter...

Bon ! J'enregistre ce texte et je remets "Polis" sur le lecteur. Les pieds sur mon bureau.     

lundi 27 février 2012

dimanche 26 février - à propos de "haute mer", "mer"...

J'ai dit, il y a peu - jeudi - comment j'avais été amené à commander à Paris Jazz Corner un disque signé de Daniel Goyone : "Haute Mer", un Label Bleu de 1998, en raison de la présence avec celui-ci, dont j'apprécie beaucoup l'inspiration, de Daniel Mille et de David Linx.

Depuis lors, Charlotte et Camille ont investi la maison, pendant que Nadja et Sébastien se payaient une escapade à Barcelone pour y courir le semi-marathon. Et quand je dis que les filles ont investi la maison, ça veut dire que d'heure en heure il devient de plus en plus problématique de vouloir se déplacer de pièce en pièce. Mécanisme de vases communicants : les placards de jeux, de jouets et même de poupées ou de poupons se vident et leur contenu monte, monte, monte, comme la marée haute. Dans ces conditions, vouloir écouter quelque musique que ce soit serait illico voué à l'échec. On remettra l'écoute de "Haute Mer" à plus tard.

De retour à Pau, après avoir raccompagné les filles à Toulouse dimanche en fin d'après-midi, il nous reste à rendre visage humain à la maison. Entre temps, petit détour par Nay pour rendre visite à mes hyper-vieux parents. On remettre l'écoute de "Haute Mer" à un peu plus tard. Mais, en consultant mes courriels, un message attire tout de suite mon attention. Un message amical qui me recommande d'aller sur
http://www.youtube.com/watch?v=JY8LN3qck3g pour écouter le morceau "Mer", adapté en chanson par Claude Nougaro, ce que j'ignorais absolument, avec Daniel Goyone au piano, Catherine Delaunay, saxophone soprano, Jacky Lignon, accordéon, et Richard Galliano, accordina. Dans le cadre, en 2000, d'une carte blanche donnée à R. Galliano. On remettra les rangements et autres mises en ordre à plus tard.

Il faut écouter ça ! C'est beau et complexe comme une aquarelle. Toutes affaires cessantes, 5 minutes de bonheur. Ailleurs !

samedi 25 février 2012

samedi 25 février - le dernier opus de jazzarium : polis


Midi. Claquement du volet de la boite à lettres. Parmi plusieurs lettres annonciatrices de démarches à faire et de facures diverses, au milieu d'un tas de publicités, une grande enveloppe blanche. Je sens une forme carrée, dure sous mes doigts : c'est un cd. Oui, mais lequel ? Un cd et une fiche dscriptive fort bien faite :

- "Guillaume Saint-James Sextet / Jazzarium", Plus Loin Music, 2011. Titre de ce cd : "Polis".


Le sextet : Guillaume Saint-James, saxophones, compositions ; Geoffroy Tamisier, trompette ; Jean-Louis Pommier, trombone ; Didier Ithursarry, accordéon ; Christophe Lavergne, batterie ; Jérôme Seguin, basse électro acoustique ; Emmanuel Bex, orgue Hammond B3 ; Ezra, Human beat box.

Bon ! D'accord, il faudra élucider un point de détail : il est question d'un sextet, mais la liste des musiciens comprend huit noms.

Je n'ai pas eu le temps d'écouter attentivement le cd de Daniel Goyone, ni celui d'Emilio Solla, que j'ai reçus il y a peu, mais je prends quelques instants pour découvrir ce nouvel album. Première impression visuelle : c'est un bel objet, un objet culturel, dont on sent qu'il a été mûrement pensé et réalisé avec le plus grand soin. Première impression d'écoute : même impression de compositions et d'arrangements très élaborés. "Polis" : la ville. On comprend tout de suite qu'il s'agit d'une sorte de parcours urbain, de déambulation dans une jungle urbaine. De l'énergie, qui semble directement venue du free jazz, mais organisée, canalisée, mise en forme. Forcément, j'ai envie d'en écouter plus.

Avant de refermer ce post, un petit détour par les commentaires que j'avais écrits à propos de l'opus précédent de Guillaume Saint-James et de Jazzarium : "Météo Songs". J'ai plaisir à y retrouver l'expression de mon enthousiasme. Après la météo et ses phénomènes naturels, la ville comme une jungle excitante.

http://autrebistrotaccordion.blogspot.com/2009/08/vendredi-28-aout-jazzarium.html

http://autrebistrotaccordion.blogspot.com/2009/08/vendredi-28-aout-propos-de-jazzarium.html

A noter, une vidéo de présentation de "Polis", sorti début février, sur YouTube et un certain nombre d'autres vidéos du sextet à partir de celle-ci.

http://www.youtube.com/watch?v=XT_dAFRlCgA

jeudi 23 février 2012

vendredi 24 février - feuilleton de l'hiver [5] : le festival "bouteille en bretelles"

On est donc à J-30 de l'ouverture du festival "Bouteille en bretelles" à Bourg Saint-Andéol. Je rappelle que les réservations sont possibles jusqu'au 16 mars. Il reste donc encore bien du temps, mais pas trop, pour réserver. Et pour se convaincre de l'intérêt et de la qualité de ce festival, il suffit d'aller faire un tour sur le site officiel.

http://www.bouteilleenbretelles.com/

Autre rappel : les réservations se font par l'intermédiaire de l'Office de Tourisme dont l'adresse se trouve en rubrique "infos pratiques" sur le site.

Bref ! En un mot, on espère se retrouver nombreux ! A bientôt !

jeudi 23 février - encore un envoi de paris jazz corner

Ce matin, 8h01, exactement, deux coups de sonnette. Je tombe du lit. C'est la dame de la poste, qui me tend une feuille. "Vous signez là !". Contre ma signature, elle me remet un colissimo, que je reconnais facilement : c'est le dernier envoi de Paris Jass Corner. Toujours rapide, efficace, exact au rendez-vous.

Cet envoi contient deux cds : l'un d'Emilio Solla, l'autre de Daniel Goyone. Toujours le même plaisir à découvrir les objets de mon désir et, dans un premier temps, à les poser sur mon bureau.


Le premier de ces deux cds a pour titre : "Emilio Solla y Afines / Conversas (Al Lado del Agua)", World Jazz, 2007. La formation est un quintet : saxo ténor et flûte, bandonéon, piano et fender rhodes, contrebasse, batterie. Et en invités, percussions, voix et l'orchestra Tomorrow.


L'autre a pour titre "Haute mer / Daniel Goyone", Label bleu, 1999. Avec David Linx, voix, Laurent Dehors, clarinettes, saxophones, Chris Hayward, flûtes, percussions, Daniel Goyone, piano, Daniel Mille, accordéon, Ray Lema, percussions, Idrissa Diop, percussions.


Pourquoi ai-je commandé ces deux cds ? Le premier, parce que je ne connais aucun des musiciens qui y participent et, en particulier Carlos Morera au bandonéon. Tout est à découvrir. Le second, parce que j'ai toujours apprécié les productions de Label Bleu et dès que je peux encore en commander, je me précipite, les yeux fermés, en toute confiance. Ensuite parce que je n'ai jamais été déçu par les cds de Daniel Goyone. Enfin, parce que Daniel Mille est à l'accordéon et que David Linx est aussi présent, et que j'aime beaucoup sa voix.

Bon ! Reste maintenant à écouter les deux albums et à en faire le compte-rendu. Mais pour l'heure, mon ordinateur a été pris d'une sorte de langueur ou de crise de lenteur. Je vais de ce pas le porter à "nettoyer" pour lui donner une nouvelle vivacité. A bientôt !

lundi 20 février 2012

mardi 21 février - pascal contet aux victoires de la musique classique

Lundi 20 février. La soirée, sur FR3, est consacrée aux Victoires de la musique classique. Pascal Contet fait partie des solistes du dernier carré. Vers 21h20, il se présente en jouant un enchainement où l'on reconnait Bach, le Boléro de Ravel, un clin d'oeil : quelques mesures de "Mon Amant..." et d'autres références que j'ai oubliées. Forcément, le présentateur n'a pu s'empêcher de signaler que cette présence d'un accordéoniste est inattendue dans une telle cérémonie. Même si l'accordéon n'a plus depuis plusieurs années l'image d'un instrument exclusivement populaire et ringard, on mesure le chemin encore à parcourir.








Finalement, comme on pouvait s'y attendre, c'est Alexandre Tharaud qui est élu. Pour autant, on n'est pas déçu, car on voit bien le rôle de défricheur que Pascal Contet a assumé. Et l'on est surtout admiratif en voyant à quel niveau de reconnaissance il vient de porter l'accordéon dans le monde de la musique classique. Même si l'on n'en est pas étonné, on lui sait gré d'avoir joué ce soir le rôle d'un pionnier.

lundi 20 février - pourquoi je fais des photographies de concert...

Il m'arrive habituellement de prendre trente à quarante photographies lors des concerts auxquels nous assistons. Cette pratique surdétermine, si j'ose dire, cette autre habitude que nous avons d'arriver une heure avant l'ouverture des portes. Faire des photographies implique en effet de prendre place au premier rang, sinon ou bien la chevelure du spectateur assis au rang précédent masque une partie du cliché ou bien il faut faire des contorsions pour bien viser entre les têtes des spectateurs du rang de devant. Ainsi, prendre des photographies donne un semblant de justification rationnelle à notre rituel.

Mais la question reste entière de savoir pourquoi m'est venu ce désir de faire des photographies tout en écoutant la musique et en observant le comportement des musiciens, en particulier de l'accordéoniste. Si je réfléchis à cette question, j'y vois trois réponses :

- en première intention, le désir de garder traces de notre présence. Une façon d'objectiver le compte-rendu écrit de ce qui s'est passé, de ce que nous avons vécu et éprouvé. Il ne s'agit pas de retrouver la réalité, mais simplement d'en garder traces, à partir desquelles le travail de mémoire peut construire des souvenirs, ce mixte d'observation et d'imagination. Il ne s'agit donc pas pour moi de fixer un fragment de la réalité, en vue de la retrouver identique à elle-même, mais très exactement de pouvoir l'évoquer. Il ne s'agit pas de revivre ce qui a eu lieu, mais simplement à partir de ces traces de vivre un autre plaisir, autre mais tout aussi intense.

- en deuxième intention, le projet de fabriquer une représentation, plutôt abstraite, je veux dire sans aucun souci de réalisme ou de représentation concrète, qui fixe ou rassemble en une seule image une attitude disons emblématique de l'accordéoniste. Quelque chose comme le résultat d'un travail de distillation. Exemple : l'image ci-dessous de Raul Barboza, au Bijou à Toulouse, en 2010. Sa posture, le micro, la lumière dans sa chevelure et dans le soufflet de son accordéon, soufflet à la fois rouge intense et ici quasi transparent, ses doigts sur les claviers, etc... Tous ces éléments, chacun pris séparément et leur interaction, l'un faisant écho aux autres, tout cela correspond bien à une certaine image qui me rappelle ce qu'a été, ce soir-là, la prestation de Raul Barboza au Bijou.    


- en troisième intention, il y a pour moi une certaine manière d'être "actif" durant le concert. Ecouter et voir sont en effet deux sens qui fonctionnent à distance, sans contact avec l'objet perçu. Ce sont ceux que l'on mobilise en assistant à un concert. Faire des photographies est pour moi une façon d'y participer. Viser, cadrer, saisir l'instant crucial où déclencher, toutes ces opérations, loin de distraire mon attention, tout au contraire la focalisent. Viser, cadrer, déclencher, paradoxalement, aiguisent mon attention à la musique et construisent mes attentes. Et puis, j'en suis conscient, il y a, outre le plaisir de l'écoute et de la vue, je le répète, qui sont des sens à distance, et en ce sens abstraits, le plaisir du toucher, de l'index sur le déclencheur. Qui n'est pas sans ressembler à celui du chasseur, le doigt sur la gachette. Le concert comme une partie de chasse ? J'avoue que je n'y avais pas pensé d'abord, mais à la réflexion, le rapprochement ne me parait pas si absurde : chasser comme assister à un concert, c'est bien une affaire d'instant crucial à ne pas rater. L'instant perdu ne se retrouve pas ! La photographie de concert comme pratique épicurienne...     

dimanche 19 février 2012

dimanche 19 février - l'accordéoniste et son accordéon : un duo énigmatique

C'était au cours d'un concert récent en duo de Wu Wei et Pascal Contet. Comme j'écoutais celui-ci tout en observant sa posture et ses mouvements, je pris conscience que son attitude ne laissait rien percevoir du travail d'improvisation et donc de création continue qu'il était en train d'accomplir. L'adjectif  "énigmatique" me vint alors à l'esprit. Quelque chose en effet d'insondable et sans doute d'inexplicable, en cet instant, avait lieu. Enigmatique, insondable, inexplicable, trois manières de dire qu'on a affaire au mystère de la création. Trois adjectifs traduisant d'une certaine façon ce sentiment que Pascal Contet, tout en étant entièrement impliqué dans son jeu, conserve une certaine distance et donc une maîtrise certaine par rapport à ce qu'il est en train de "fabriquer". Distance et maîtrise manifestent dans sa posture. C'est pourquoi - énigmatique, insondable, inexplicable, distance, maîtrise - il ne faut jamais poser trop de questions à l'artiste, ni sur son instrument, ni sur sa technique, ni sur ses intentions, encore moins sur ses procédés de "fabrication". Tout cela, c'est la partie immergée de "l'iceberg".

Mais en même temps que je me faisais ces réflexions, une autre observation me frappa : l'accordéon lui-même m'apparaissait comme un instrument énigmatique. On croit le connaitre parce qu'il exhibe ses claviers et son soufflet. Que son look soit sombre, gris ou noir, et même janséniste ou qu'il se montre décoré de mille couleurs criardes comme un Auguste de foire trop maquillé, dans tous les cas il avance masqué. On croit le connaitre et l'on oublie de s'interroger sur son fonctionnement. On l'appelle piano à bretelles et l'on croit avoir tout dit. On le croit sans mystère, alors qu'en son corps s'agitent et s'articulent des milliers de pièces. Encore une question d'iceberg. La partie visible - ce qui saute aux yeux - occulte la complexité de sa vie, terme que je préfère à celui de mécanisme. Il s'agit de souffle, d'animation, en un mot d'âme. On pense au beau titre du concerto de Bruno Maurice : " Cri de Lame", qu'on entend évidemment aussi comme "Cris de l'âme". Lame ou l'âme, c'est toujours affaire de vibrations. Lame ou l'âme, c'est le souffle vital, essentiel alors même qu'il n'est pas vital.

L'accordéoniste et son accordéon sont plus énigmatiques qu'il y parait d'abord. C'est pourquoi ils nous fascinent.  

jeudi 16 février 2012

samedi 18 février - à propos de l'arlésienne

Dans un post daté du 21 janvier, j'avais dit comment j'avais trouvé, dans le numéro 115 d' "Accordéon & accordéonistes", une référence, qui avait retenu mon attention, sur la sortie d'un double cd,  sous le titre "Cordes et Lames". Parmi les instrumentistes, Dominique Cravic, Didier Roussin et Francis Varis. La référence précisait : collection "Jazz in Paris" / Hors Série 11 / Universal.

J'avais intitulé mon post "L'Arlésienne", car toutes mes recherches étaient restées vaines, y compris une demande de renseignements auprès du secrétaire de la revue, et ce malgré une réponse rapide, dont je le remercie.

Et puis, voilà que l'auteur de l'article, Francis Couvreux, m'a écrit pour me dire que la sortie de ce double cd avait été différée, mais qu'il me tiendrait au courant. Et en effet ce matin j'ai reçu un courriel annonçant la sortie imminente de l'objet de tous mes désirs : on est dans la dernière ligne droite. Avec cette information, en pièce attachée, la couverture et le livret, fort complet, de présentation.

Muni de cette information, j'attends patiemment de pouvoir commander ce double cd et bien entendu je remercie ici Francis Couvreux de m'avoir tenu au courant, comme il me l'avait promis. Au plaisir maintenant de le lire dans "Accordéon & accordéonistes".

samedi 18 février - "le meilleur pour la fin"

J'ai noté maintes fois la présence d'une rubrique que je trouve fort étrange dans la revue "Accordéon & accordéonistes". Elle est intitulée : "Le meilleur pour la fin".  Maintes fois, c'est-à-dire à chaque livraison. C'est la dernière évidemment. Pas question de faillir à la tradition. Je prends le risque de l'obstination. Ce titre en effet me parait fort étrange, mais bien plus encore fort maladroit. Que penser en effet de tout ce qui précède ? C'est d'une délicatesse rare. On ne peut mieux s'y prendre pour dévaluer les entretiens, portraits et autres interviewes.

Mais, à y regarder de près, on se rend compte qu'en fait de meilleur pour la fin, c'est plutôt : " Il fallait bien trouver quelque chose pour boucler la revue " ou " Voyons, qu'est-ce qui nous reste ? ". Dans tous les cas, c'est maladroit.  

samedi 18 février - un entretien de david venitucci

J'ai signalé, il y a quelques jours et encore dans mon post précédent, l'entretien de Françoise Jallot avec David Venitucci dans le numéro 116, le dernier, de la revue "Accordéon & accordéonistes". Un entretien fort intéressant où il décrit l'origine de son goût pour l'accordéon, sa manière de jouer, ses expériences musicales, où il explique pourquoi il s'est orienté vers l'accompagnement et le plaisir qu'il prend à tenir ce rôle. Il explicite sa participation au monde du cirque. Il revient en détail sur son duo avec Annick Cisaruk, sur leurs projets, et sur sa collaboration ave Renaud Garcia-Fons et là aussi sur ses projets, notamment une création avec le ballet de l'opéra de Limoges. Sans compter d'autres projets encore en trio avec D. Leloup et Ch. Marguet, en trio encore avec Hradcany, en duo avec la harpiste Isabelle Olivier et quelques autres enregistrements.

Bref, à la lecture de cet entretien, on a l'impression que "ça marche pour lui", et on s'en réjouit. Tout ça en effet, ça annonce des concerts ou des cds.

Mais, de cet ensembl d'informations, je retiens ce passage surprenant, au moins pour moi :

" [...] j'ai eu la chance de travailler avec un grand pédagogue, André Thépaz. J'ai énormément appris avec lui. Il considérait l'accordéon comme un instrument à vent, parlait de compression. Il faisait un parallèle entre la vitesse d'archet des violonistes et le maniement du soufflet ".

Et cet autre passage, moins surprenant :

"  J'essaie de trouver mon propre langage. Le fait de jouer avec ce système de main gauche à basses chromatiques m'aide beaucoup à développer un jeu plus personnel ". Ce propos, je le confirme en effet : cette présence de la main gauche nous a frappés chaque fois que nous avons écouté David Venitucci, que ce soit dans le cadre de "La Linea del Sur" ou de Hradcany.    

vendredi 17 février - deux pôles de l'accordéon

Après avoir pris connaissance, chaque mois, au moment de sa livraison, de la revue "Accordéon & accordéonistes", je laisse le numéro sur le coin de mon bureau, à portée de main, et j'y reviens de temps en temps. C'est ainsi que, comme d'un oignon dont on enlève l'une après l'autre toutes les pellicules, j'en parcours les pages et à chaque lecture je découvre un sens sinon caché du moins latent.

En parcourant le dernier numéro, 116, de février, j'avais lu l'entretien de Françoise Jallot avec David Venitucci, pages 24 à 27, et forcément j'avais bien apprécié son portrait signé Raphaël Rinaldi, dont j'ai déjà dit maintes fois combien j'admire ses photographies d'accordéonistes. Je me rappelle encore des images de Marc Perrone dans "Accordéon & accordéonistes" et l'exposition à la médiathèque de Tulle pendant les "Nuits de nacre".

J'avais aussi parcouru d'un regard plus distrait, je l'avoue, les pages de la boutique et sa série de vignettes représentant les couvertures des cds mis en vente. C'est toujours avec un certain amusement que je regarde ces images pleines de couleurs vives et de sourires, comment dire ?... Disons aguicheurs. En tout cas, invitation à la fête : danses, chansons, refrains repris en choeur, airs connus-de-ma-jeunesse...

Mais, aujourd'hui, je ne sais quel hasard m'a fait faire un rapprochement entre ce portrait de David Venitucci et les cds de la boutique.  



Du coup, je les ai perçus comme deux pôles du monde de l'accordéon. Deux pôles et pas les deux pôles, car d'évidence le monde de l'accordéon est multi-polaire, je veux dire plus complexe qu'un monde binaire. D'un côté, le portrait de l'accordéon de David Venitucci et de lui-même en noir et blanc. On n'imagine pas celui-ci en couleurs, surtout si celles-ci étaient violentes, contrastées et sans nuances. Le noir et blanc, par définition, est moins réaliste, plus abstrait, que la couleur, mais plus significatif quant à la psychologie du sujet. De même, l'accordéon, en noir et blanc, connote la maîtrise, la rigueur, l'exigence. La composition de l'image est en tant que telle une image du jeu de David Venitucci et de la conception qu'il se fait de son métier et de son art.

L'autre pôle est saturé de couleurs, de dynamisme, d'invitations à la fête. Curieusement, on a l'impression qu'aucune originalité n'est recherchée. Tout au contraire, il s'agit de dire clairement par les couleurs, le sourire affiché et le titre du cd qu'il s'inscrit dans un monde déjà connu. On est dans le monde du même et du clonage. On sait à quoi s'attendre et c'est cela qui est rassurant. Alors que Venitucci est unique, tous les disques de la boutique sont interchangeables. D'un côté, on s'attend à écouter un accordéoniste, de l'autre on s'attend à entendre de l'accordéon.

Entre ces deux pôles, circule l'énergie de l'accordéon. Et c'est bien ainsi. Mais je me pose une question à laquelle je n'ai pas pour l'instant de réponse, à savoir :" Entre ces deux pôles, entre les deux mondes qu'ils symbolisent, y a-t-il une différence de degrés ou une différence de nature ? Passe-t-on de l'un à l'autre par une sorte de déplacement continu ou sont-ils séparés par une solution de continuité ?". Pour l'heure, j'en reste à ma question. A suivre...

mardi 14 février 2012

jeudi 16 février - à propos de "récréations nougaro"

A propos du concert "Récréation Nougaro" de Pulcinella et Hervé Suhubiette, je signale que l'on peut écouter neuf de leurs titres sur leur myspace.

http://www.myspace.com/recreationsnougaro/music/songs?filter=featured

jeudi 16 février - à propos du duo de pascal contet et wu wei

A propos du duo de Pascal Contet et Wu Wei, je signale que l'on peut écouter "Iceberg" sur Deezer.

http://www.deezer.com/fr/music/pascal-contet-wu-wei/contet-wei-iceberg-392931

jeudi 16 février - pulcinella suhubiette et nougaro

Après les deux soirées de concert du duo Pascal Contet-Wu Wei - entre parenthèses, le second soir nous y avons croisé Florian Demonsant -, samedi, concert de Pulcinella à La Dynamo, rue Amélie, dans le quartier Saint Aubin, à cinq cents mètres du métro Marengo-SNCF et à deux cents mètres du canal du Midi. Il fait très froid, de l'ordre de - 6° à - 8°. Le vent qui s'engouffre le long des quais, le long des voies de chemin de fer et qui nous surprend à la traversée des rues adjacentes, le vent nous glace. On avance silencieux. Attentifs à ne pas glisser sur le verglas des trottoirs. Pourtant, en passant sur un pont, on s'arrête. Dans cette partie de son cours, le canal n'est pas gelé. A d'autres endroits, une fine couche de glace s'est formée. Tout de même, ce jeu de lumière, le bruit de la circulation, toute cette vie, c'est beau. Il est 18h30.


Je ne saurais dire pourquoi, mais la salle de La Dynamo, un vaste espace cubique de couleur sombre, me fait penser au New Morning. On s'installe au balcon, face à la scène. On est bien. Il fait chaud. On a réussi à trouver deux chaises. C'est super ! Le quartet tourne bien. De mieux en mieux. Avec Hervé Suhubiette, ils forment plus un quintet qu'un quartet augmenté d'un chanteur. Florian a une belle présence. Il est 19h45. Le concert a démarré depuis peu.


Dans la minute suivante, toujours Florian. J'aime bien l'équilibre de cette photographie.


19h55. Une vue générale de Pulcinella et d'H. Suhubiette. Une scène certes de dimensions réduites, mais un cadre intime pour un jazz lettré, si je puis dire par allusion aux beaux textes de Nougaro. Beaucoup m'étaient inconnus ; d'autres font partie du répertoire "incontournable" de Nougaro. L'amalgame est réussi. Chaque fois, c'est une histoire qui nous est racontée, parfois tendre comme une brioche, parfois pleine de bruits et de fureur. Les arrangements sont juste parfaits.


20h16. Une autre vue de la scène. Maximum du zoom avant. H. Suhubiette se déplace dans l'espace entre saxo, contrebasse et batterie. Mime et paroles. Chaque chanson est théâtralisée.


20h30. Le téléobjectif "écrase" les distances. Ce rapprochement, en partie artificiel, entre Hervé Suhubiette et Florian Demonsant me plait assez.


20h50. IL y a du déplacement dans l'air. Certaines positions ont changé. On s'oriente à grands pas vers la fin du concert. Déjà on pense à repèrer la prochaine date...


Je ne sais si je l'ai assez dit, mais vraiment tous les cinq sont pleins de talent. Bien sûr, nous les connaissons de mieux en mieux et, à leur contact, j'ai le sentiment que l'on apprend beaucoup. Et, en tout cas, je trouve Pulcinella de plus en plus classique, non pas évidemment au sens du style ou du répertoire de la musique classique, mais au sens où ils produisent le maximum d'effets avec le minimum de moyens. De concert en concert, je trouve que leur créativité se conjugue avec sobriété et que leur style erst de plus en plus affirmé. Affaire à suivre...

mercredi 15 février - deux concerts du duo pascal contet wu wei

Pascal Contet et Wu Wei ont donc donné deux concerts à l'espace Croix-Baragnon, dans la salle bleue, les 9 et 10 février entre 20h30 et 21h45. Le programme faisait référence à leur opus : "Iceberg", mais en l'occurrence il s'agissait plutôt d'improvisations plus ou moins préparées.

Ces concerts avaient lieu dans le cadre du festival Made in Asia. L'écueil, dans un tel cadre, c'est de les aborder d'un point de vue exotique, technologique ou technique. Je veux dire, s'intéresser moins à la musique que peut produire le sheng qu'à son histoire ou à sa place dans la culture chinoise ; s'intéresser moins à ses capacités sonores et musicales qu'à sa fabrication ; s'intéresser moins au plaisir de son écoute qu'à la manière de le manier ou à la virtuosité de Wu Wei. C'est pourquoi j'ai bien apprécié la façon adoptée par Pascal Contet pour présenter l'instrument en quelques mots, précis et succincts. Place à la musique.

Jeudi, premier concert.

J'ai été sensible d'emblée à la simplicité de l'environnement. Deux chaises, deux pupitres, une table recouverte d'une nappe sombre, une bouteille thermo d'eau chaude pour remplir le réservoir du sheng, des spots efficaces, sans effets de lumières. quelque chose de minimaliste ou même de monacal. Pas d'anecdote. De la musique, rien que de la musique. Acoustique ! Il est 21h41 quand je prends cette photographie. Le concert est prêt de s'achever. J'aurais pu prendre la même une heure avant.


Cette photographie ci-dessous a été prise à 20h45, peu après le début du premier concert. J'ai été frappé, dès les premières notes, par la posture des deux artistes. Pascal Contet déployant le soufflet de son accordéon avec une sorte de majesté qui contraste avec le mouvement de ses doigts sur les claviers. Un mouvement quasi immobile, en tout cas d'une certaine lenteur, qui me donne cette impression de distance et de profondeur que j'associe à son jeu de Pascal. Un mouvement qui requiert, au moins de ma part, une attention extrême. L'improvisation comme exercice de funambulisme. En face, Wu Wei, très mobile : le swing du sheng ! L'accord entre les deux instruments et les deux instrumentistes crée des sons et même des mélodies inouïs. Je note aussi que le sheng est un instrument vertical, comme le saxophone ou le violoncelle, alors que l'accordéon, vu de loin, est horizontal, comme le piano, la batterie ou le cymbalum, mais que vu de près il est beaucoup plus complexe, combinant l'horizontalité du soufflet et la verticalité des claviers.

Il est 21h05 quand je prends la photographie ci-dessous. C'est une attitude caractéristique de Pascal. je suis frappé de son intériorité par contraste avec l'extériorité de Wu Wei ; je suis frappé aussi de constater à quel point l'accordéon est un instrument énigmatique, qui cache sa mécanique à la vue, alors que le sheng, son collègue, exhibe ses tuyaux et autres clapets.

De ce concert, je retiens l'intensité des improvisations et une interprétation, qui m'a beaucoup touché, de la "Gnossienne n°3 en la mineur" de Satie. Je retiens aussi une improvisation sur les premières mesures du "Boléro" de Ravel. Surprenant !

Ci-dessous, nous sommes vendredi. Il est 20h40. Début du concert. D'entrée, une pièce pour orgue. Je la reconnais puisque déjà la veille je l'ai découverte. Je l'apprécie mieux. Je suis plus attentif aux mouvements de Wu Wei, alors qu'hier, tout à ma découverte de l'instrument, je n'avais pas été attentif à sa chorégraphie.


20h50. Je l'avoue, j'aime la géomètrie de cette image : les doigts sur le clavier blanc et vertival, le visage éclairé juste ce qu'il faut, quasi immobile - Pascal tout à son travail de création hic et nunc -, la diagonale du soufflet sombre.  J'ai pris je ne sais combien de photographies quasi identiques à celle-ci, elles me fascinent parce que j'y vois un créateur en acte, c'est-à-dire justement qu'on ne voit rien, pas plus qu'on ne voit le mécanisme complexe de l'instrument.

Et puis, 21h23, une surprise. Le duo, pour le final, a invité un joueur de vielle. Un instrument horizontal, par opposition au sheng, mais exhibant comme lui ses pièces anatomiques. Cet artiste de Toulouse s'appelle Dominique Regef. Son instrument introduit une nouvelle couleur sonore. Pendant un long temps, alors que seule sa vielle emplit l'espace de ses sonorités, Pascal Contet et Wu Wei, immobiles, l'observent et semblent s'imprégner de ses propositions, et peu à peu se les approprier. J'attends l'instant où ils vont "se lancer". Je le dis, je suis alors fasciné par ce qu'ils créent, sur le vif...


Après le concert, nous nous retrouvons à huit autour d'une table au bistrot d'en face. Jusqu'à minuit, pas plus tard, pour ne pas rater le dernier métro. Assiettes de tapas, verre de vin pour les uns, bière pour les autres. Pascal parle de Cavanna, des Victoires de la Musique, de son rapport à la musique contemporaine, de ses projets. On parle de choses et d'autres. On continuera notre conversation au prochain concert. On fait des voeux pour qu'il ne soit pas dans trop long temps.

lundi 13 février 2012

mardi 14 février - jean-jacques franchin

Le hasard des échanges sur Facebook, que Françoise pratique avec assiduité, lui ont fait connaitre Jean-Jacques Franchin, juste de quoi découvrir son cd en duo avec Joël Favreau, consacré à Brassens, et apprendre avec tristesse son décès en mai dernier. Je me rappelle que Françoise Jallot lui avait alors rendu un hommage plein de sensibilité, page 4 du numéro 109 (juin 2011) de la revue "Accordéon & accordéonistes".

A sa manière, Françoise a écrit un texte à son sujet et je trouve que c'est un bel hommage...

http://francoise-rebinguet.blogspot.com/2012/02/une-decouverte-aussi-merveilleuse-que.html

lundi 13 février - jamais deux sans trois...

Je me rappelle. C'était le 3 novembre, peu avant midi. On avait téléphoné à la billetterie de l'espace Croix-Baragnon, à Toulouse. "Bonjour ! Je voudrais retenir deux places pour le duo de Pascal Contet et Wu Wei, les 9 et 10 février, à la salle bleue, dans le cadre du festival Made in Asia. Est-ce possible ?". "Bien sûr ! Combien de places ?". "Deux". " Pour quel jour ?". "Pour les deux". "Mais, c'est le même concert". "Raison de plus... Non, je plaisante. Mais, je confirme, je voudrais réserver pour les deux soirs puisqu'évidemment ça ne peut être le même concert". "???". "... Puisqu'ils ont lieu un jour et le lendemain". "Bon ! Alors deux places pour le 9 et deux pour le 10". "C'est ça !". "Donc, ça fera deux fois dix plus deux fois dix : 40 euros".

Depuis ce début novembre, on attendait ces deux concerts avec l'impatience que vous pouvez imaginer. D'abord pour découvrir live ce duo que l'on connaissait par "Iceberg", ensuite pour rencontrer Pascal Contet, que nous avions essayé en vain de faire venir l'an dernier dans notre sud-ouest aquitain. Je reviendrai plus en détail sur ces deux moments, mais pour l'instant je suis tellement submergé par mes impressions que je n'arrive pas à mettre de l'ordre dans mes sentiments. Sauf peut-être cette évidence d'avoir vécu des moments rares et précieux. Je vais essayer de comprendre pourquoi. Pour l'instant, je m'en tiens aux faits.

La première photographie montre la position et la posture des deux artistes. Wu Wei, l'homme à la tête de sheng, un instrument dont l'origine remonte à deux millénaires, formé de tuyaux de bambous, d'où son nom d'orgue à bouche. Pascal Contet, toujours obstinément tourné vers sa droite, en accord fusionnel avec son accordéon tout en gardant une certaine distance. Je suis fasciné, je l'avoue, par le mouvement de ses mains, je devrais dire de ses doigts, fins, interminables, qui semblent émerger de son instrument, qu'ils effleurent. Cette photographie a été prise le 9.  


La photographie ci-dessous a été prise le 10. Un regard superficiel pourrait penser qu'en effet la dame-de-la-billetterie avait raison et qu'en ce second soir on avait affaire au même concert. Sauf que, si l'on y regarde de près, on observe beaucoup de "petites différences", petites, mais essentielles. Et c'est justement parce qu'on a déjà assisté au premier concert que l'on peut les percevoir. Le souvenir de la veille construit des attentes et donc oriente l'attention dans un jeu de plus en plus fin du même et de l'autre. J'y reviendrai, mais d'ores et déjà j'ai bien conscience que le plaisir de l'écoute que nous avons éprouvé tient beaucoup à cette "réitération" et à la perception des différences entre les deux concerts, les deux moments.   


Donc, deux concerts. Et donc, puisque jamais deux sans trois, quel est le troisième ? Quelques jours avant ceux-ci, Florian Demonsant nous avait envoyé un courriel : "Samedi 11 février, à la Dynamo, quartier Saint Aubin, à 19h30, Récréation Nougaro par Pulcinella et Hervé Suhubiette, dans le cadre du festival Détour de Chant". On était à Toulouse le 11 au matin ; comment ne pas rester jusqu'au soir pour aller les écouter ? Pas question de rentrer à Pau. Et donc, sur le coup de sept heures moins le quart, on a parcouru les six cents mètres entre le métro Marengo-SNCF et la rue Amélie, courbés face au vent glacial, attentifs à poser nos pas hors des plaques verglacées. Tarif unique : 5 euros. Placement libre debout. Par chance, on est entré dans les premiers, on s'est précipité au balcon, on y a avisé deux sièges. On était super bien ! En plus, il faisait chaud.

Un public de tous âges et apparemment de cultures différentes ; un public d'amateurs avertis, chaleureux. La rencontre du jazz de Pulcinella et des textes de Nougaro, comme un feu d'artifice. Il ne s'agit pas pour Hervé Suhubiette de plagier Nougaro, ni de l'imiter. Il s'agit d'une lecture originale de l'oeuvre de cet artiste tellement toulousain. Quant aux Pulcinella, sur le chemin sibérien du retour vers le métro, nous sommes bien d'accord, Françoise et moi, pour reconnaitre qu'ils nous paraissent chaque fois meilleurs. Quatre instrumentistes de classe. Chemin faisant, ils s'améliorent et nous aussi en apprenant à leur contact. Je reviendrai sur mes impressions d'ici peu, mais pour l'heure je manque trop de recul pour en faire le moindre début d'analyse.  


Derniers mots. A la fin du concert Récréation Nougaro, on a eu le plaisir d'échanger quelques mots avec Florian Demonsant, avec Ferdinand Doumerc et avec Jean-Marc Serpin. Plaisir de se retrouver ; plaisir de pouvoir leur dire, à chaud, nos émotions. Quelques minutes, mais ça suffit. A la prochaine ! A bientôt !

Vendredi soir, autre moment de plaisir, à l'issue du concert de Pascal Contet et Wu Wei, on a décidé spontanément d'aller prendre un pot et quelques tapas au bistrot d'en face. Nous étions une tablée de huit. On a parlé de tout et de rien : du sheng, d'accordéon, d'improvisation, de musique contemporaine, de mélodie, etc... etc... C'était bien. On s'est quitté, dernier métro oblige, sur le coup de minuit. A la prochaine ! A bientôt !

mercredi 8 février 2012

samedi 11 février - ce que françoise a dit à propos du concert de colomiers

J'ai eu l'occasion, il y a peu, de dire quelques mots et de publier quelques photographies sur le concert du trio Lockwood-Galliano-Rosenberg à Colomiers. Françoise en donne une vision très personnelle qui vaut le détour.

C'est simple, il suffit de cliquer...

http://francoise-rebinguet.blogspot.com/2012/02/galliano-lockwood-rosenberg-colomiers.html

Alors ? Je vous l'avais bien dit : ça valait le détour !

vendredi 10 février - feuilleton de l'hiver [4] : le festival "bouteille en bretelles"

Je vous avais promis de vous tenir au courant de l'organisation du festival "Bouteille en bretelles" au fur et à mesure  de son avancée. Depuis l'épisode 3 du feuilleton de l'hiver, j'ai rassemblé quelques informations plus précises. Il est donc temps de vous en faire part :

- D'abord, une belle page (7) signée F. Jallot dans le dernier "Accordéon & accordéonistes". Une page informative avec des précisions personnelles d'Agnès Binet qui explique par exemple qu'il s'agit pour les organisateurs de ce festival "de faire davantage connaître les différentes palettes sonores et la palette de styles qu'offre cet instrument [l'accordéon]".



- D'autre part, j'ai quelques informations de première main, puisées, si j'ose dire à la source, à savoir l'Office de tourisme de Bourg Saint Andéol. Numéro de téléphone : 0475545420.

Les réservations pour les concerts se font auprès de cet office, mais le paiement se fera soit à l'association (adresse ci-dessous), soit concert par concert, le jour même, sur place. Le programme se trouve sur le site du festival : http://www.bouteilleenbretelles.com/

NB 1.- adresse de l'association : Adara, 10 rue Jeanne d'Arc, 07700 Bourg Saint Andéol.

NB 2.- les réservations ne seront possibles que jusqu'au 16 mars.


Comme j'ai réservé deux places pour plusieurs concerts, je suis en mesure de donner  quelques prix :

- buffet d'inauguration du festival : 10 euros
- Azzola : 20 / 15 euros
- Pietrodarchi / Luca Lucini : 15 / 10 euros
- "jeunes talents" : gratuit
- Jacomucci : 15 / 10 euros
- Ithursarry / Fillon : 15 / 10 euros
- conférence de Joël Louveau : gratuit
- bal folk Milleret / Pignol : 8 / 5 euros

Les tarifs réduits concernent les étudiants, les demandeurs d'emploi, les handicapés, les jeunes - 26 ans et les adhérents.

Par ailleurs, comme je réservais des places pour 4 concerts, mon interlocutrice de l'office - fort aimable et compétente - m'a informé de l'existence d'un pass : 65 euros tarif normal / 45 euros tarif réduit pour les six concerts. Comme Françoise et moi, nous sommes adhérents, le calcul était vite fait : Azzola + Pietrodarchi + Jacomucci + Ithursarry = 20 + 15 + 15 + 15 = 65 euros. J'ai évidemment choisi le pass tarif réduit auquel j'avais droit. Entre parenthèses, ce serait bien qu'on se retrouve en grand nombre d'adhérents...

Pour mémoire, ci-dessous, le rappel du programme général :

- VENDREDI 23 MARS
- 18h : inauguration du festival autour d’un buffet
- 21h : variété jazz avec Marcel Azzola (accordéon) et Lina Bossatti (piano)

- SAMEDI 24 MARS
- 11h : tango avec Mario Stefano Pietrodarchi (accordéon/bandonéon) et Luca Lucini (guitare)
- 16h : musique contemporaine avec Fanny Vicens (accordéon) et Sven Riondet (accordéon)
- 21h : transcriptions baroques avec Claudio Jacomucci (accordéon)

- DIMANCHE 25 MARS
- 11h : jazz avec Jean-Luc Fillon (hautbois / cor anglais) et Didier Ithursarry (accordéon )
- 15h : conférence sur l’accordéon par Joël Louveau
- 17h : bal folk avec Les Vents de l’Harpacc (accordéon diatonique / trompette / clarinette /...), Norbert Pignol (accordéon diatonique) et Stéphane Milleret (accordéon diatonique)

Je rappelle l'adresse courriel de l'association qui organise ce festival :  association.adara@gmail.com

Derniers mots : les informations ci-dessus sont celles que j'ai pu recueillir à ce jour, y compris en réservant des places et donc en testant la procédure, je les pense exactes, mais je ne saurais trop vous conseiller de les vérifier soit auprès de l'association, soit auprès de l'office de tourisme.

Avec l'espoir que nous nous retrouvions nombreux à ce festival.

mardi 7 février 2012

jeudi 9 février - l'accordéon " paroles & musique"

Quand j'ai commencé à prendre goût à l'écoute de l'accordéon - je me souviens, ce fut en découvrant "New Musette" de R. Galliano et "Manouche Partie" de Jo Privat -, au moment donc de cette découverte, pour moi, l'accordéon ne pouvait être qu'instrumental. Aujourd'hui encore, ma préférence, de manière générale, va à l'accordéon sans accompagnement de textes, sans paroles. J'ai toujours quelques difficultés à saisir l'articulation entre musique et paroles. L'attention à celles-ci, inévitablement, me fait perdre le fil de l'accordéon et réciproquement l'attention à l'accordéon brouille ma perception des paroles et c'est frustrant.

Pour le dire en cuistre, je n'ai guère d'appétence pour le mixte "accordéon et paroles". Ou, plus exactement, je n'avais pas spontanément de plaisir à l'écoute de tels mixtes. Mais j'ai essayé d'apprendre. Et deux éléments m'ont fait évoluer : d'une part, la lecture d'articles - portraits ou entretiens - dans la revue "Accordéon & accordéonistes", signés par exemple par F. Jallot, dont j'ai maintes fois apprécié la compétence et écouté les bons conseils ou les bons jugements, d'autre part quelques "bonnes expériences". Pour n'en citer que quelques unes, et sans souci d'exhaustivité, il y a eu l'écoute du cd d'Allain Leprest avec R. Galliano, celui de S. Lama avec Sergio Tomassi, David Linx accompagné par Berthoumieux, mais aussi "Tandem" d'A. Minvielle et Lionel Suarez, même si c'est une oeuvre un peu particulière quant à sa forme et à la fonction du texte. Il y a aussi des concerts comme un hommage à Barbara, chanté par Dominique Lusinchi accompagnée par Henri Adhéra au piano et Bruno Maurice à l'accordéon. Ou encore Omar Hasan et Grégory Daltin à Trentels. Ou encore Hervé Suhubiette et Pulchinella dans "Récréations Nougaro". Et enfin, les deux cds de David Venitucci et Annick Cisaruk, consacrés à Barbara et Léo Ferré. Deux cds qui m'ont donné envie de les écouter live.

Bref, à condition de me donner le temps de plusieurs écoutes pour les cds et la possibilité d'assister à plusieurs concerts, je trouve de plus en plus de plaisir à l'accordéon "musique et paroles". Et je note justement que la revue "Accordéon & accordéonistes" reflétant ainsi l'air du temps fait de plus en plus de place à ce type d'oeuvre mixte, soit que l'accordéon accompagne solo un chanteur, soit qu'il participe à cet accompagnement avec d'autres instruments, soit que l'accordéoniste soit aussi chanteur et réciproquement.

Par exemple, dans le dernier numéro, on peut relever la liste suivante :

- "Tête d'affiche", Yoanna, qualifiée de chanteuse-accordéoniste,
- "Entretien" : Clôde Seychal, qui "joue, chante, écrit et compose depuis plus de vingt ans".
- "Entretien" : Castanha é Vinovèl qui font revivre le balèti occitan.
- "Entretien" : David Venitucci parle de son goût pour l'accompagnement et des rencontres qu'il a faites avec des chanteurs de renom ; il parle aussi de son travail avec Annick Cisaruk et de la manière dont il le conçoit, entre fidélité et re-lecture du répertoire de Barbara et Ferré.
- "Entretien" : Didier Dulieux explique ses choix en tant qu'accordéoniste et sa participation à la formation "Les grandes bouches", en particulier sur leur opus :"Le bal républicain".
- "Entretien" : Nadine Rossello. "Cette chanteuse et musicienne fait battre le coeur de la Méditerranée. Elle chante les routes sinueuses d'un pays à l'autre".
- "Tête d'affiche" de la Gazette du musette : Estelle Laroche, "usant des cordes vocales ou des boutons de son accordéon, Estelle distille son énergie, etc... etc...".

Je n'ai même pas chercher à faire un relevé exhaustif. Celui-ci suffit à montrer l'importance de l'accordéon "musique et paroles". Un monde à découvrir pour moi et à explorer.

lundi 6 février 2012

mercredi 8 février - à propos du concert du trio lockwood galliano rosenberg à colomiers

Dans l'un de mes posts précédents, j'ai dit combien j'avais été frappé, au cours du concert de Colomiers, par la créativité des trois musiciens, mais aussi par cette impression que de chorus en chorus ils se passaient une sorte de relais, de telle sorte que l'ensemble de chaque morceau semblait se construire de manière continue. Comme des conteurs qui se chargent chacun à sa manière de raconter une partie d'une histoire qui s'éclaire ainsi de plusieurs interprétations. Le récit se tisse ainsi petit à petit avec des fils multiples.

La photographie ci-dessous me semble de nature à expliciter ce que je veux dire. Stochelo Rosenberg a commencé à broder sur le thème ; Richard Galliano dans une attitude constante au cours de la soirée : tourné vers ses deux collègues, attentif, soucieux d'accompagner et de soutenir le guitariste ; Didier Lockwood, attentif à sa façon, le regard dans le vide, la main droite sur le violon devenu instrument de percussion : il est là, présent, mais aussi dans son projet : comme un félin, il attend l'instant de bondir. De l'énergie à haute densité.


Attention réciproque, énergie, densité, créativité... Finalement, je garde ces cinq mots à titre de synthèse de mes impressions.

mercredi 8 février - accordéon & accordéonistes est arrivé-é-é...

"Accordéon & accordéonistes" : numéro 116. Février 2012. 7 euros. 92 pages. Je reviendrai ultérieurement  plus en détail sur cette dernière livraison. Mais, pour l'heure, je retiens ce qui, dans un premier survol, a particulièrement attiré mon attention.

- "Vous y serez", signé de Françoise Jallot. Une page pour annoncer "Bouteille en bretelles", un festival dédié à l'accordéon, le premier du nom, à Bourg Saint Andéol du 23 au 25 mars. J'ai moi-même publié quelques informations sur ce festival sous forme d'un feuilleton... à suivre très bientôt. Pour ma part, j'aurais trouvé sympathique le titre de rubrique suivant : "Vous y serez / Nous y serons".

- Un "entretien" consacré à David Venitucci. Un bon papier sur cet accordéoniste aux multiples facettes. Avec deux photographies "noir et blanc" de Raphaël Rinaldi. Inutile de commenter. C'est du grand art ! De vrais portraits.

- Bien sûr, plein d'informations dans "la Gazette du Cnima" et dans la "Gazette du Musette". Mais aussi une belle galerie de clones.

Voilà ! Il y aura encore beaucoup de choses à dire, mais pour aujourd'hui on s'en tient là.

dimanche 5 février 2012

mardi 7 février - richard galliano à colomiers : huit photonotes

Je l'ai déjà dit maintes fois, mais je le répète ici, étant donné les limites de mon numérique, qui doit être discret et facile à manier, et des mes compétences, qui sont plutôt basiques, je n'ai aucune prétention artistique quant aux photographies que je publie dans ce blog, à l'occasion, autant que possible, de chaque concert auquel nous assistons. En revanche, j'aimerais bien qu'elles gardent quelque chose de l'émotion du moment. Puisque la perfection technique m'est inaccessible, j'espère au moins transmettre ou traduire cette vibration ineffable qui est comme la signature indélébile de chaque concert. Indélébile, même si l'on n'en garde pas nécessairement un souvenir conscient et explicite.

Pour commencer, il est 21h15, une photo floue...  


21h26.

21h28.

21h48.

21h49.

21h57.

22h34.

21h35. Pour terminer, une photo encore plus floue que la première. Comme de l'énergie en train de prendre forme. Juste avant. L'instant d'avant la création.

lundi 6 février - ce que françoise dit de la "mélodie des choses"

Françoise a reçu récemment un "opus" de Sébastien Giniaux, guitariste, violoncelliste et peintre et poète en mots. Un bel objet artistique. Mais, plutôt que d'essayer de dire tout le plaisir que j'ai eu moi-même à le découvrir, je préfère laisser la parole à Françoise, ne serait-ce que parce qu'elle a peaufiné ses impressions pour les mettre en mots...

http://francoise-rebinguet.blogspot.com/2012/02/sebastien-giniaux-et-la-melodie-des.html

Alors ? C'est beau, non !

dimanche 5 février - lockwood galliano rosenberg à colomiers

Samedi, midi. La neige qui tombait en abondance sur Pau depuis le milieu de la nuit diminue d'intensité. Les services de la voirie ont salé les rues et l'on peut circuler à condition de ne pas s'écarter des rails tracés par des sortes de chasse-neige urbains. Il est temps de partir si l'on veut rallier Toulouse en milieu d'après-midi. Les rues jusqu'à l'autoroute sont très glissantes, mais arrivés au péage, la chaussée est impeccable, la neige a été rejetée sur les bas côtés. Un trajet sans histoire. A Toulouse, il fait - 4° devant la maison des "petits".


Ce matin, dimanche, il fait toujours - 4° / - 5° mais, de plus, il neige en abondance. Plusieurs rues sont barrées. La chaussée est verglacée. On se félicite d'avoir pris la voiture équipée de pneus d'hiver. Nos obligations de demain nous obligent à prendre la route, malgré les difficultés. Cette fois, les rues et les rocades sont très enneigées et la circulation en est très perturbée, mais l'autoroute est loin d'être dégagée. On roule durant des kilomètres en file indienne derrière les chasse-neige. Finalement, les cinquante derniers kilomètres se passent sous la pluie et même, tout à la fin, sur un bitume quasiment sec. On aura tout de même mis trois heures et demie pour parcourir les 200 kilomètres entre Toulouse et Pau.

Mais, pourquoi, me direz-vous, cet aller-retour malgré les intempéries ? Tout simplement parce que samedi, à 21 heures, avait lieu à Colomiers, banlieue de Toulouse, un concert que nous ne voulions pas manquer : Didier Lockwood, Richard Galliano et Stochelo Rosenberg, guitare solo du trio du même nom. Et nous n'avons certes pas été déçus. Notons que Stochelo Rosenberg a remplacé au pied levé Biréli Lagrène initialement prévu, mais malade.

Ci-dessous, trois images du trio de ce soir. Elles donnent, je crois, une bonne idée de la posture des trois instrumentistes. Didier Lockwood, debout ou appuyé sur un tabouret haut ; Richard Galliano, idem ; Stochelo Rosenberg, assis, à demi penché sur sa guitare. La première photo a été prise à 21h20.


Celle-ci, à 21h30.


Cette troisième, à 22h40. On est frappé par la permanence de leur posture d'ensemble et de leurs attitudes.

Nous n'avons évidemment pas noté par écrit les titres des morceaux, mais Françoise et moi pendant l'interminable retour de ce début d'après-midi vers Pau nous avons établi la liste suivante, à laquelle ne doit manquer qu'un titre. L'ordre est à peu près exact :

- "Fou rire" de R. Galliano en introduction
- "Sentimental Mood" de Duke Ellington
- "Double jeu" de S. Rosenberg
- "Spleen" de R. Galliano
- "Tango pour Claude" en solo par R. Galliano
- "Nuages" de D. Reinhardt
- "Spain" de Chick Corea
- "Blues de Barbizon" en rappel

A quoi s'ajoute un standard tiré d'une comédie musicale américaine, dont le titre m'a échappé.

Disons-le tout net : ce concert nous a enchantés. Ce qui m'a le plus frappé, c'est l'écoute réciproque des trois musiciens et cette manière qu'ils avaient de se passer le relais, et d'autre part leur créativité. Je pense aux dernières notes du "Tango pour Claude", je pense à l'interprétation de "Spain", je pense à la complicité-en-blues, tout à la fin, pour "Le blues de Barbizon". Je n'aime pas beaucoup la notion de virtuosité qui connote souvent une maîtrise technique plutôt vide de sens, mais en l'occurrence elle me parait bien qualifier le jeu de chacun de ces trois artistes. Chaque morceau était une véritable histoire : on était là, à écouter avec passion, et l'on se demandait en même temps comment ils allaient nous la raconter, comme si on la découvrait pour la première fois. Je pense à "Fou rire", au "Tango pour Claude" ou à "Spain". et que dire de "Nuages" ?

Et puis, à l'issue du concert, on a retrouvé Jean-Marc et ses copains. Les copains de notre copain sont nos copains... D'abord on était content de se revoir. Ensuite on était content d'échanger nos impressions sur le vif. Manière de multiplier et de prolonger le plaisir. On a juste regretté l'absence d'un bar. Une petite bière, ça n'aurait pas été de refus. Sans compter, moment plein d'émotion sympathique, la photographie sur smartphone d'un nouveau-né, qui a circulé entre nous. Tout ça fait partie de l'environnement, donc du plaisir du concert.

Plus tard, Richard Galliano est revenu chercher son accordéon. On en a profité pour le saluer. Je lui ai demandé de me signer son "Nino Rota", ce qu'il a fait de bonne grâce et en toute amitié. Sa courtoisie fait vraiment partie de ses qualités. J'en ai profité pour lui poser une question qui me tourne dans la tête depuis la sortie du "Nino Rota" : " Est-ce que - c'est mon intuition - votre prochain disque chez Deutsche Grammophon sera consacrée à Satie ?". Il a souri et il m'a dit : "Non ! J'ai une idée précise...". Bien sûr, je ne lui ai pas demandé quelle était cette idée. Attendons !

Très bientôt, je publierai quelques photonotes de Richard Galliano. Etant donné les conditions de prise de vues, le nombre de photos ratées est énorme. Peu importe. Quelques unes suffiront.  

vendredi 3 février 2012

samedi 4 février - y a pas que l'accordéon... y a aussi les illusions de la simplicité

Dans une vie antérieure, j'ai beaucoup travaillé, comme on dit, sur la pensée systémique ou, pour le dire autrement, sur la pensée de la complexité. J'en ai gardé grande admiration pour Joël de Rosnay, Edgar Morin ou Jean-Louis Le Moigne. Ils m'ont appris à regarder le monde, en particulier le monde social, comme un objet complexe. Non pas compliqué, quoique... mais complexe, c'est-à-dire organisé par un réseau d'interactions tel qu'il est illusoire de penser pouvoir l'analyser et le réduire à quelques éléments simples. La pensée systémique sait bien que pour résoudre un problème, il faut, non pas le simplifier mais tout au contraire le complexifier. Sinon, tôt ou tard l'illusoire simplicité vous pète à la gueule. Descartes et sa méthode analytique, moment nécessaire de la pensée rationnelle et rigoureuse, ont fait leur temps. Je croyais cette vérité acquise.

Erreur de ma part. Je constate en effet, quand en zappant de chaine en chaine je tombe - ce qui est plus que fréquent à mon goût - sur un discours du non-candidat à la présidentielle, je veux dire l'actuel Président de la République, je constate que pour tout problème il n'est jamais pour lui que question de la seule solution possible. La complexité, connait pas ! Le raisonnement hypothético-déductif, connait pas ! Mais, comme la réalité ainsi méprisée dans sa complexité résiste, eh bien dans six mois, dans un an, on changera de monture et à nouveau on se retrouvera devant un problème à une seule solution. Cet aveuglement finit par coûter cher[1].

Si je puis me permettre, je donnerais volontiers un conseil à notre Président en non-campagne : au bout d'un certain temps de réflexion, il est nécessaire de trancher et de choisir une voie, à l'exclusion des autres. Décider, c'est toujours s'engager dans une voie et une seule. Mais la décision doit venir après le temps de la réflexion et la prise en compte de la complexité du réel et des multiples points de vue pour l'aborder. Or, il me semble que ce quinquennat a été marqué par cette confusion entre le temps de la pensée multiple et complexe et celui de la décision et de l'action. Du coup, cent fois sur le métier il faut remettre son agitation mentale et sa cécité intellectuelle. Et continuer de s'agiter.

A propos d'agitation, une question me taraude l'esprit : pourquoi le Président se croit-il obligé d'aller sur le terrain, comme on dit, pour faire la moindre déclaration. On est capable de contextualiser, de décontextualiser et de recontextualiser, vous savez. Mais surtout, pourquoi ne l'a-t-on jamais vu s'adresser aux pompiers de haut de la grande échelle ? Ou aux marins pêcheurs depuis un bateau, par grosse mer, avec les hommes qui remontent les filets pleins de poissons gluants ? Un peu de diversité pourrait égayer la phraséologie présidentielle. On s'ennuierait moins.[2]

Bon ! Dans mon prochain post, il sera question d'accordéon. Retour à l'essentiel, quoi ! En essayant d'être attentif à sa complexité justement.

[1] A propos de pensée analytique et de la simplification, à propos de pensée unique, il faut bien faire attention. Si on la laisse faire, elle finit par vouloir tout régenter. Tout le monde pense sur le même modèle. Dehors les différences, je veux dire les déviances. Ne riez pas, c'est comme ça que les pouvoirs finissent pas décrêter qu'un accordéon, comme une porte, doit être ouvert ou fermé. D'abord ouvert... et puis comme ça ne marche pas, fermé... et puis come ça ne marche pas, plus d'accordéon du tout. A la trappe  les accordéons et les accordéonistes. Heureusement, il y a toujours quelques révolutionnaires pour résister et, la nuit venue, oser ouvrir et fermer le soufflet de leur accordéon.
[2] A propos de ce comportement du Président de la République-non candidat-en-campagne-permanente, j'observe un effet induit qui ne me parait pas anodin. En se déplaçant dans un lycée pour évoquer les problèmes des enseignants, dans un bureau de tabac-bistrot pour évoquer ceux ds buralistes-bistrotiers, des policiers dans un commissariat, des coureurs cyclistes sur le tour de France, et ainsi de suite... une image, voire une conception du peuple de France finit par s'imposer à nos esprits, à savoir que le-dit peuple n'est qu'une mosaïque explosée. Au-delà du communautarisme, une société formelle où une infinité de groupuscules est en lutte permanente contre tous les autres. C'est une vision du monde, dont on voit bien qu'elle procède d'une lecture primaire du darwinisme. Ce n'est pas la seule. Mais justement, et c'est tout le problème, le darwinisme primaire, c'est l'alpha et l'oméga de la  philosophie ordinaire du monde des politiciens professionnels et, en particulier, du premier d'entre eux. Ce qui rend ma note 1 d'autant plus pertinente, si j'ose dire, et donc inquiétante ou même alarmante.   

vendredi 3 février - à propos d'une compil' de Louis Armstrong

J'ai dit, dans un post daté d'hier, comment, ayant commandé à Paris Jazz Corner un disque censé proposer la rencontre de Louis Armstrong et de l'accordéon par le truchement d'Eddie Barclay, j'avais reçu une compilation du dit Armstrong, compilation concoctée par Eddie Barclay himself. Sans accordéon. Du coup, l'objet était moins excitant et en tout cas moins inattendu qu'une improbable rencontre entre "Satchmo" et le piano à bretelles. Mais, puisqu'il était là, devant moi, autant l'écouter.

Eh bien , je dois le dire, à l'écoute de ce disque, j'ai redécouvert Louis Armstrong. Il y a des lustres que je ne l'avais plus écouté. J'en avais gardé en mémoire le souvenir d'un artiste plutôt truculent, dont Ornette Coleman disait qu'il était "l'homme noir le plus chéri dans cette société gérée par les blancs". J'avais gardé l'image de son sourire éclatant, trop éclatant pour n'être pas forcé. J'avais en tête des solos de trompette sidérants et je savais qu'il avait inspiré quantité de jazzmen.

Mais j'avais oublié le son de sa voix rauque et voilée - comme une fêlure -, même si intellectuellement je savais bien qu'elle portait comme la marque indélébile d'une blessure. Cette voix, je viens juste d'écouter à deux reprises les seize morceaux choisis par Eddie Barclay, m'a touché beaucoup plus intensément et profondément que je ne l'attendais. Une émotion troublante.

Bien sûr, il y a quelques morceaux tonitruants, quelques autres envahis par des orchestres de type variétés, mais il y a surtout quelques perles rares. J'en ai retenu six :

- 2. "A Foggy Day", 1957, Los Angeles, avec E. Fitzgerald et Herb Ellis à la guitare
- 3. "Tin Roof Blues", avec les All Stars, 1966, New-York
- 5. "What's New", 1957, Chicago, avec Oscar Peterson
- 7. " Someday You'LL Be Sorry", avec les All Stars, 1958, Hollywood
- 10. " How Long Has This Been Going On ?", 1957, Chicago
- 14. " There's No You", avec Herb Ellis, guitare, 1957, Chicago.   

Ce qui m'a frappé, dans tous ces morceaux, c'est une certaine tristesse. La trompette, malgré sa clarté, a quelque chose d'émouvant tant son rythme, parfois, est lent et comme étiré. Nonchalant. C'est le nonchalant qui passe... Mais, que dire de la voix qui alterne avec celle-ci ? Pleine de retenue, comme sur le ton de la confidence. Sans oublier les morceaux auxquels le piano d'Oscar Peterson ou bien la guitare d'Herb Ellis donnent une profondeur sombre en dépit de leur swing, qui semble couler de source.

Bref ! Un plaisir plutôt inattendu, mais d'autant plus vif.