Françoise m'a signalé un article d'analyse sur le Bach de Galliano, que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt. Le titre :"Un Bach qui donne des boutons... d'accordéon". Bon ! D'accord, il a un petit côté potache ou facile, qui peut faire douter du sérieux de la suite. Pourquoi pas "Bach découvre les bretelles " ? Passons. Ce doute serait une erreur. L'ensemble, clair, net, précis et bien argumenté vaut la peine d'être lu attentivement. Le support : Resmusica.com, le 21.04.2010. Le rédacteur : Jacques Schmitt. Ci-dessous, le lien :
http://www.resmusica.com/imprimer.php3?art=8100Le rédacteur de l'article reconnait d'abord les qualités exceptionnelles de Galliano et comme instrumentiste et comme improvisateur. Mais il note aussi que, pour cet album, il a suivi scrupuleusement la partition. Ni transcription, ni adaptation. Le texte original, rien que le texte. Je cite :"Il se plie au carcan du compositeur". L'expression, je l'avoue, m'a paru curieuse et en tout cas inattendue. En quoi la fidélité absolue au texte de Bach est-elle un carcan ? J'imagine mal, quand par exemple un comédien interprète des poèmes, que l'on puisse lui faire reproche de dire le texte, rien que le texte, et de ne pas en profiter pour ajouter quelques phrases de son cru. Et justement, c'est cette fidélité au texte qui permet d'apprécier au mieux ce que ce comédien apporte d'originalité et de nouveauté par son interprétation. Sur ce point donc, sinon un désaccord, du moins un étonnement de ma part.
Plus loin, on lit :"Bach n'exclut pas le swing". D'accord ! A condition de prendre mes distances par rapport par exemple à ce que Jacques Loussier a pu proposer avec sa série de
"Play Bach". En l'occurrence, je ressens à l'écoute des morceaux du Bach de Galliano disons une pulsation qui n'est peut-être pas du swing, mais qui, si je puis dire, m'anime en rythmant ma
respiration et même les mouvements de mon coeur.
Un peu plus loin encore, le rédacteur de l'article, rassemblant les remarques précédentes, parle d'interprétations conventionnelles. Dont acte. Je ne connais en effet pas suffisamment d'autres interprétations pour en juger. Mais je veux bien croire qu'un spécialiste puisse porter un tel jugement, ne serait-ce en effet que parce que j'ai le sentiment que Galliano a voulu rester le plus fidèle possible à Bach. On retrouve ici mon désaccord avec J. Schmitt sur la notion de fidélité comme un carcan.
En résumé, l'article salue la performance de Galliano mais exprime des réticences sur la démarche artistique du producteur. Si je comprends bien, il s'agit de dire que cet album n'avait pas sa place chez Deutsche Grammophon. La reconnaissance de l'accordéon n'est pas encore pour demain. En dépit des efforts de Richard Galliano lui-même. Pour en revenir à ma suggestion du premier paragraphe : "Bach, oui... mais sans boutons, ni bretelles". A la rigueur, toujours suivant le même article, un concert, oui... Mais, un disque, non. Je traduis à ma façon : "une performance, oui... une oeuvre reconnue par sa présence dans un catalogue prestigieux, non".
Je cite la dernière phrase : "Jouées dans le cadre d’un concert, ses interprétations peuvent forcer l’admiration, mais on comprend mal l’intérêt de les éditer en disque. Peut-être feront-elles le bonheur des inconditionnels de l’accordéoniste mais certainement pas du véritable amateur de la musique de Bach".
On l'a compris : Bach, c'est chasse gardée et les gardiens du temple sont vigilants. Pour ma part, j'ai perçu l'entreprise de Galliano un peu différemment. Il ne s'agissait pas de s'approprier le texte de Bach, ce qu'il aurait pu faire, comme le prouve son
"Aria", mais de le donner à entendre de manière encore inouïe en l'interprétant à l'accordéon. C'est pourquoi il fallait accepter cet apparent carcan de la fidélité scrupuleuse. C'est ainsi que je lis le premier paragraphe de Galliano dans sa présentation. "L'accordéon et le bandonéon, instruments à vent, à claviers (stéréo), à anches vibrantes, se révélant comme étant de véritables orgues portatifs et expressifs, sont à peu près seuls, aujourd'hui, à proposer, d'un point de vue instrumental pur, un éclairage et un "sang" nouveaux à toute l'oeuvre de Jean-Sébastien Bach".
En paraphrasant Mallarmé, on pourrait dire qu'il s'agit de donner un son nouveau aux sons de la tribu. Si tel est bien le projet de Galliano, le disque me plait et, me semble-t-il, atteint son but. Mais l'intérêt de l'article auquel je viens de me réfèrer est justement de proposer un autre point de vue de manière argumentée.