mercredi 14 avril 2010

vendredi 16 avril - apprendre

En écoutant en alternance les trois disques de Pascal Contet - duo avec Joëlle Léandre, "Freeway" et "Nu"- et ceux de Mosalini - "Ché Bandonéon" - et de Bolognesi - "Accordéon(S)-, exercice qui s'apparente à un parcours de douche écossaise, me vient à l'esprit la distinction faite par Jean Piaget entre les processus d'assimilation et d'accommodation dans l'action d'apprendre.

Je me rappelle avoir développé ces notions et leur articulation dans un post du "Bistrot des accordéons" en février 2008. Déjà ! Je me rappelle avoir dit à cette occasion à quel point cette distinction me sert de guide dans mon parcours d'écoute de la musique d'accordéon(s). C'est toujours vrai !

http://bistrotaccordion.blogspot.com/2008/02/mercredi-6-fvrier-adaptation.html

Jean Piaget a bien mis en évidence en effet que tout apprentissage résulte de la combinaison ou de l'alternance entre deux processus complexes et complémentaires :
- l'assimilation, qui consiste à ramener une information nouvelle à du déjà connu. On est en pays de connaissance si j'ose dire. Par exemple, j'écoute le dernier opus de Bolognesi et mon plaisir de sa découverte s'accompagne d'une réflexion du type :"C'est bien lui, tel que je l'apprécie et tel que j'imaginais le retrouver". Plaisir du renforcement ; plaisir d'assurer son savoir. Processus de confiance.
- l'accommodation, qui consiste, en présence d'une information nouvelle, à se sentir déstabilisé et à devoir modifier ses schémas mentaux, en particulier ses certitudes, pour la penser. Par exemple, j'écoute tel ou tel opus de Pascal Contet et je suis obligé de remettre en question ce que je croyais savoir de l'accordéon pour comprendre la signification de ce que je suis en train d'écouter. Plaisir de la déstabilisation. Plaisir d'augmenter son plaisir et donc son savoir. Non pas un savoir extérieur et livresque ou abstrait, mais un savoir personnel, intime. Ce que j'appelle volontiers un savoir approprié, c'est-à-dire qui m'est propre.

Je note d'ailleurs, concernant cet exemple, que le moment de l'accommodation ne dure finalement pas très longtemps. Il est assez violent en ce sens qu'il fait perdre l'équilibre, qu'il donne le vertige. Mais si l'on s'obstine, si l'on avance un pas après l'autre, alors vient le moment de l'assimilation. Je reconnais ce qui d'abord m'est apparu comme radicalement nouveau, étranger, exotique. Je me retrouve insensiblement en terrain connu et en partie balisé. J'ai appris. Appris à reconnaitre. Appris à éprouver du plaisir dans et par cet apprentissage.

D'une cetaine façon, pour en revenir à la situation d'écoute qui m'a servi de point de départ, je dirais que "Ché Bandonéon" de Juan José Mosalini me fait faire l'expérience, a priori paradoxale, d'une double approche : en assimilation et en accommodation. C'est bien de tango, de tango nuevo qu'il s'agit. Donc d'assimilation. Mais, en même temps, il est revisité par Mosalini lui-même et il s'agit d'une interprétation bien spécifique. Il faut s'y habituer. Accommodation donc.

Ce n'est pas le lieu ici d'approfondir ces notions par rapport à la notion d'immigration. Ce serait pourtant très intéressant. Par exemple, en "creusant" un peu la question, on verrait qu'une politique d'assimilation, c'est toujours ipso facto une politique qui demande à l'immigré de s'accommoder, c'est-à-dire de se transformer du tout au tout pour acquérir une vision du monde radicalement autre que sa vision d'origine. Mais aussi qu'une politique qui reconnait à l'émigrant (je dis bien émigrant et non émigré ou immigré) sa spécificité, c'est toujours une politique qui requiert de la part des autochtones un travail d'accommodation à l'autre, à l'étranger. Au fond, en se posant la question de comprendre comment on identifie ce que l'on écoute, et comment ce faisant on apprend, on croise des notions qui ne sont pas sans rapport avec celle de l'identité personnelle.

1 commentaires:

Anonymous Jyl a dit...

je ne sais pas dire pourquoi mais, aujourd'hui, l'idée m'a pris de faire la sieste accompagné des inspirations sonores de Pascal Contet !
"Iceberg" et puis "Nu"
Quel régal ... ces aventures sonores, comme vous le dites dans votre post les chemins de la découverte artistique passent pas ces prises de risques mêmes si nos intimes émotions reviennent ensuite se rassurer sur la terre ferme de nos émotions habituellement connues.
Je dois vous dire que j'adore nager à l'océan au delà des rouleaux fulgurants et revenir ivre de vagues : l'analogie me semble appropriée.
amicalement

2 août 2013 à 05:52  

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