samedi 23 janvier 2021

A propos de deux disques récents...


 Quelques mots pour vous alerter sur la sortie de deux disques récents, publiés en 2020. L'un est consacré à l'accordéon et à Beethoven, l'autre au bandonéon. Deux univers apparemment étrangers l'un à l'autre, mais qui en l'occurrence s'identifient par leur projet. J'ajoute que ces deux disques m'ont d'autant plus intéressé que je ne connaissais absolument pas leur auteur avant d'en faire leur découverte en cette fin d'année . L'in, accordéoniste, Félicien  Brut ; l'autre Victor Villena, bandonéoniste. 

- "Félicien Brut, Quatuor Hermès, Edouard Macarez, Neuf."

- "Victor Villena, Duos"

Le concept du premier est le suivant : pour rendre hommage à Beethoven, Félicien Brut a proposé à neuf  compositeurs contemporains de créer une oeuvre originale à partir d'un élément caractéristique de l'oruvre de Beethoven. Hommage : fidélité et liberté. Défense et illustration de l'accordéon ; ouverture d'esprit sur d'autres instruments et d'autres musiciens. Un bel éclectisme. 


Le concept du second est le suivant : consacré au tango, à des thèmes folkloriques ou à des créations contemporaines il fait preuve, dans un projet spécifique, d'une ouverture d'esprit comparable à celle de Félicien Brut. Ce cd est composé de douze pièces. 

Voilà ! C'est tout pour aujourd'hui... J'espère, après quelques autres écoutes, être en mesure d'en dire un peu plus. A bientôt !  

A la récoute je découvre la valeur heuristique de ces deux disques, une qualité qui leur est commune. Je dis bien heuristique et non pédagogique, dont on nous farci la tête à tout propos. Je veux pointer ici cette qualité qui  consiste à mettre en situation de découverte et d'imagination créatrice. C'est bien ce dont on se régale ici. Je pense en particulier à la relecture de Beethoven dans les adaptations de la 9ème symphonie, de la 5ème, de la 6ème,ou encore d'après la sonate "au clair de lune", etc... Sans compter l'étonnant "Tempête au Bal à Jo" d'après la sonate "La tempête" de Domi Emorine.

Quant à Villena, ses duos sont aussi dans un autre champ de belles découvertes. Je pense aux belles associations  avec une guitare, un violoncelle, un violon, encore une guitare, un piano et un autre, une autre guitare, un autre piano et in fine un Quartet sous le titre "Quartet 1721 Project". Des arrangements, des transcriptions, des adaptations, des compositions originales toujours sous le signe impeccable d'un style classique, c'est à dire maîtrisé et libre dans ses choix. Parmi un ensemble homogène de bettes réussites, je retiens pour ma part un duo avec Henri Demarquette, la voix de Cristina Villallonga et enfin une version étonnante de "La Cumparsita". Un beau travail de déconstruction/construction.  Idem l'exercice de Domi Emorine à partir de la 'Tempête". De la belle culture artistique en toute modestie.    



mercredi 13 janvier 2021

post mortem...

Le quartier Berlioz est constitué de barres et de tours agréablement entretenues et avec ici et là plantés droits et fiers des chênes centenaires heureusement respectés. par ses habitants fiers à leur tour de leurs arbres. Pour accéder à son petit centre commercial - je devrais plus exactement dire à son coeur tant une vie quotidienne y palpite -pour y accéder donc, il faut traverser un porche en forme de labyrinthe. Comme une voie de passage initiatique. 


En découvrant le dit coeur commercial, on voit d'abord un parking d'une douzaine de voitures : les habitués ont pratiquement leur place réservée. De manière tacite chacun se comporte de la bonne façon. Chacune des boutiques marque le début d'une file de sept à dix personnes. La plupart des gens sont âgés et le nombre de canes en est un symptôme assez évident. Le nombre des conversations relatives à la santé et aux examens ou autres radios en est un autre indice. 


Mais, tout en observant cette population, tout à coup mon regard se fait plus objectif. Ces papis et mamies si émouvants dans leur parcours fléché ne conversent pas vraiment entre eux : chacun ses soucis, ses maux et son monde. Chacun à sa santé. Les yeux fixés sur le trottoir, la file des petits pas fait preuve d'une patience étonnante. A y regarder de plus près, on dirait non des personnes mais plutôt des personnages ou encore des figurants pour un casting de film noir et blanc des années soixante. C'est ainsi qu'un mot me vient à l'esprit, une expression qui me parait fort juste en l'occurrence : post mortem... Oui ! Et après. ? Post mortem... Ils ont tous plus de soixante quinze ans ! Qu'en faire ? Ils semblent si bien dans leur réserve d'indiens. Même si de confinement en confinement la tristesse semble donner le ton...


Post mortem, il y a encore une vie possible


Pendant ce temps, Françoise écoute à sa façon, c'est-à-dire en boucle indéfinie,, soit "Abrazo", soit le dernier opus, les valses de Richard Galliano. 


Mais, alors que je participe à la file de la boulangerie et que j'en suis à mes états d'âme plutôt moroses, voilà qu'une voix, venue d'ailleurs, vient démentir mon pessimisme, mon regard chagrin sur le comportement de mes congénères : "Hey ! Paco ! Je te croyais mort ! Qu'est-ce que tu fais ici ?". Paco :"J'étais mort, mais je suis revenu, tu vois !".   "C'est pas comme le cordonnier". " Le cordonnier ? Paco : "Le cordonnier ? " ; "Oui ! Crack "Ou comme le voisin du bloc 30 B"... En étendant son linge : crack !Leurs voix finalement se confondent. .Post mortem, il y a encore une vie possible. 


Les nouvelles sont tristes. Peut-être moins qu'on pourrait le croire... Post motem.... 


Quelques instants plus tard... Je quitte la boucherie pour rejoindre la file des fruits et légumes. La voix de Paco sollicite mon attention. Il semble en effet de bonne humeur et l'échange des deux amis donne lieu à une discussion animée. On parlerait sans doute aujourd'hui de débat ou de polémique. J'entends qu'il est question de régime alimentaire. Paco est contre ; son contradicteur est pour. Il s'agit de savoir s'il est préférable pour réussir sa vie d'en profiter carpe diem ou a contrario de vivre suivant des principes de tempérance : rien de trop suivant le sage antique. Et Paco de développer sa pensée dont je n'ai entendu qu'un fragment en croisant la dispute. Il soutient qu'il préfère mourir jeune en  épicurien qu'âgé en stoïcien. Et l'autre de rire... "Mourir jeune ? Tu rigoles ! Depuis combien de temps es-tu à la retraite ?" 

Je prends ma place aux fruits et légumes... Déjà, Paco a entamé la conversation avec sa voisine... Les  files me paraissent  déjà plus animées : il faut dire que le sujet est crucial... 

Une heure plus tard, je sors de la boulangerie - pâtisserie : deux baguettes tradition et deux portions individuelles de russe. A ma droite, une voie tonitruante : Paco fait le show.. Son audience grossit à vue d'oeil. Il explique à quel point il est inutile de se faire dépister et dangereux de se faire vacciner. Il est en effet un auditeur assidu des chaines d'information continue. On ne peut être mieux informé , n'est-ce pas  ? 

Bon ! c'est pas tout ça : le plus chaud est à la cruche, il est temps de rentrer à la soupe.

Je les regarder se séparer, lui, Paco, et ses interlocuteurs. La tête pleine d'arguments. Quant à moi, je pense à Raymond Queneau.. .Allez savoir pourquoi.




 


 

mardi 3 novembre 2020

"L'envol" , Frédéric Viale

 D'abord, il y avait eu cette intention, après audition, audition et encore audition du dernier opus de Frédéric Viale, cette intention d'en extraire  quelques instants d'admiration pour en faire un texte. Pour en expliciter si possible la qualité spécifique. Mais il se trouve que le fascicule de présentation eu égard à sa qualité m'a pour ainsi dire coupé l'herbe sous les pieds. 

Tout y est dit, sans pour autant en réduire le sens multiple. 

Bref, j'ai modifié mon plan initial. Il suffira pour moi de mettre en évidence et en valeur quelques notions clés capables de suggérer la singularité de "L'envol", qui est d'abord de toute évidence une oeuvre. Une oeuvre de longue haleine et d'obstinée rigueur. 

Notons en premier lieu qu'il s'agit d'une formation nouvelle ou plus exactement mixte - des anciens et des nouveaux - qui combine des qualités multiples et complémentaires :

- F. Viale, accordéon, accordina. Compositions sauf  à titre d'adaptations- belles réussites - deux morceaux, à savoir "Le Sud" et "La Tendresse"

- C. Cailleton, voix

- J. Leprince -Caetano, piano

- N. Neto, basse

- Z. Desiderio, batterie

- N. Veras, guitare, invité 

Un mélange réussi de beaux talents : voix, piano, d'une part ; basse, batterie, guitare


Une musique fortement structurée d'années en années d'expériences et de recherches. Disons de tâtonnements et de rencontres. Une musique qui allie heureusement des choix originaux, libres et complémentaires. Disons une belle création collective, du musette au jazz par la musique latine. 

Mais il n'est que temps d'écouter "L'envol", car c'est bien là l'essentiel, ce pour quoi il a été conçu et réalisé.. Pour notre plus grand plaisir... Longue vie à "L'Envol"...    



jeudi 22 octobre 2020

Richard Galliano (Valses)

 De ce disque que je découvre depuis peu avec gourmandise, je retiens qu'il est indispensable, impossible à  sortir de son lecteur. Ce disque, c'est un testament, mais aussi un kaléidoscope du génie de Richard Galliano. On pourrait croire que la gageure est trop risquée. Ce serait justement ne pas reconnaitre comment son oeuvre trouve sa synthèse originale dans cet objet si fragile d'apparence et si puissant en fait. Une oeuvre qui est l'éclectisme même, que seul Galliano et deux ou trois autres pouvaient se permettre de tenter. 

Pour saisir le génie de Richard Galliano, il faudrait citer tous les titres de (Valses) et la liste des auteurs rassemblés ici. Qu'on en juge : Barbara, Sauguet, Astier, Chostakovich, Chopin, Lucien Galliano, Satie, Louis Ferrari, Chico Buarque, et encore Richard lui-même. Le fil rouge qui soutient ces titres, c'est la maîtrise tranquille de Richard qui dans maints registres nous émeut à chaque fois. 

Ce qui m'émeut le plus, c'est la façon dont il passe d'u morceau à l'autre comme on construit un puzzle. Mais ce n'est pas tout en ce qui concerne mon admiration sans limites. En tête du livret, on peut lire :"Album dédié à la mémoire de mes parents, Lisette et  Lucien Galliano". Et en fin, ce renseignement où l'on trouve la liste des accordéons "joués" par Richard, soit six instruments : Victoria, Giulietti, Scandalli, Bayan, Bontempi Ubaldo, Melowtone (harmonica à boutons).  Tout est dit quant à la maîtrise technique.

Il est temps d'aller vérifier mon admiration pour l'accordéoniste génial !  Et à cette occasion de retrouver le goût de la valse, telle qu'en ses formes multiple. Entre "Ma plus belle histoire d'amour" et Chopin "Valse n°9 Op. Posthume" en passant, chemin faisant, par Sauguet et Eric Satie !

Ne pas oublier la photo de couverture : un couple danse heureux. En noir et blanc façon Doisneau. 


mercredi 21 octobre 2020

l'autre bistrot des accordéons / le retour ? ? ?

 Après une infinie traversée du désert, l'autre bistrot saura - t -il renaître de ce parcours et renouer en dépit du virus malveillant avec ceux qui affectionnent au plus haut point cet instrument, sous toutes ses formes mais aussi ses frères comme le bandonéon ou l'accordina ou autres de la même famille ?


Pour l'heure, entre cadeaux amicaux ou commerciaux, achats de nouveautés au Parvis et redécouvertes, nous voilà à la tête de sept "belles choses". D'abord la liste de ces trésors ; on dira les émotions plus tard, avec un peu de recul, mais pas trop...


- "L'envol", Frédéric Viale Quintet

- "Mother of Pearl", Eric Séva

- deux concertos, pour accordéon et pour saxophone, de Penderecki

- "Valses" de Richard Galliano

- "Duos" de Victor Villena au bandonéon

- Marc Berthoumieux : nouvelle version live du disque "Les couleurs d'ici".

- ... sans oublier - pur chef d'oeuvre - "Summit", sublime dialogue entre Astor Piazzola et Gerry Mulligan... bandonéon et saxophone !

Promesses de belles écoutes, disons de "belles choses" à la façon de F. Viale...   


Sans oublier une lente divagation bien contrôlée par Françoise entre les cds récents de Vincent Peirani et Emile Parisien... jusqu'à l'obsession. Je pense au magnifique "Abrazo"...     






dimanche 14 juin 2020

samedi 13 juin - "c'est normal !"

Quelques jours après l'instauration de mesures de déconfinement, il est temps de penser à reconstituer les réserves familiales alimentaires. Je me gare donc derrière les immeubles de type HLM qui entourent la petite place que j'appelle le coeur de Berlioz, du quartier Berlioz. La métaphore me plait assez : gardons de préférence "le coeur". Mais ? Comme j'entre dans cet espace, une étrange impression me surprend. Pas un bruit, pas l'ombre d'une file d'attente, contrairement à ces derniers jours, en pleine période de confinement.  Les magasins et autres boutiques sont quasi vides à l'exception de la boulangerie et du tabac pmu avec son lot de fidèles parieurs lecteurs de la presse locale. Comme je fais part de ma perplexité au boucher, sans s'émouvoir, il m'explique qu'en effet les gens sont en train de retrouver la vie normale. Mais d'abord il faut remplir à nouveau les frigos vides. Suivant son expression :"ça va revenir !" Optimiste, En même temps cette sagesse masque mal toutes sortes d'inquiétude. Finalement, c'est plutôt gris... Un certain stoïcisme. Une manière de donner sens au quotidien. Une certaine expérience volontariste !

Mais voilà que hier matin, à nouveau il faut reconstituer le marché alimentaire. Je m'attends donc à retrouver le coeur de Berlioz façon spleen. Or ! Surprise ! En débouchant dans le dit espace, je vois les trottoirs scandés par des files d'attente et par la présence de clients masqués aux endroits  marqués pour que chacun attende son tour à bonne distance de ses voisins. Impression inattendue de détente, de patience et de bonne humeur. Tous ces gens sont affairés et pleins de projets pour le weekend.   Etonnant retournement de situation. Comme j'en discute avec le boucher et son fils venu lui donner un coup de main, il  a ces mots qui me frappent par leur sagesse quasi antique :"C'est normal ; ça va revenir !"

Du coup, je m'avise que ce main d'hier le ciel était sereinement bleu, sans nuages, et que le soleil avait décidé de peindre le monde en couleurs. Ceci expliquerait-il cela ?  En tout cas, on notera la pertinence du diagnostic. Le moral, c'est une affaire complexe : "ça va, ça vient". On le contrôle moins qu'on ne l'imagine.

mardi 9 juin 2020

mardi 9 juin - ... à propos de "l'homme de la route"...

J'ai dit il y a peu comment nous avons découvert récemment le dernier opus de Bruno Maurice et Jacques Di Donato intitulé "L'homme de la route".

Ce cd se compose de quatre parties ou si l'on veut de quatre mouvements ou pièces, à savoir :

1.- "Nuage", 15;30
2.- "Valse à Hum" de Denis Tuveri,; 5;45
3.- "L'homme de la route", 6;45
4.- "Trilogie", 6;40

La route dont il est question ici, ce ne sont pas des sentiers battus. C'est un monde que l'on parcourt d'œuvre en œuvre de plus en plus confiant et attentif. Une technique maitrisée au plus haut point. De la complicité : la joie de jouer ensemble, d'être surpris par le complice, le compagnon de longue route. Sans trop forcer le trait, je dirais qu''à l'écoute de ce disque me viennent à l'esprit les mots de liberté de chacun des deux musiciens, d'égalité de statut et du coup de fraternité, comme résultat naturel du jeu du duo.



J'ai été fasciné et je le reste encore par l'interprétation de "Nuage". Une œuvre fluide et variable où les deux instruments d'en donnent à cœur joie. L'accordéon comme instrument aérien. On admire la maitrise du soufflet son amplitude et sa pureté sonore. C'est le ciel même qui est évoqué et qui nous maintient sous le charme un quart d'heure durant. Mais aussi un mouvement de flux et reflux qui pourrait être celui de la mer bienveillant et de l'océan sauvage.

De manière générale, je dois dire qu'à travers les quatre morceaux, c'est la mise en attente de l'auditeur qui me semble le fil rouge de ce disque. Que vont-ils inventer pour nous surprendre et nous tenir sous émotion ?

Je ne saurais clairement dire pourquoi, mais cet album évoque pour moi la notion d'œuvre aimable, c'est-à-dire maitrisée au plus haut point d'une technique sans failles et spontanément attachante. De ce point de vue, pour moi, la version de la "Valse à Hum" est un chef-d'oeuvre. Une certaine perfection. Un vrai travail d'appropriation. Tours et détours. On s'éloigne, on revient, on ne perd jamais le cap…