lundi 5 avril 2010

mardi 6 avril - pascal contet : notes marginales

Comme je suis un peu superstitieux et que, pour renforcer ma superstition, la santé de mes deux hyper-vieux parents est incertaine (je ne compte plus le nombre de fois où la maison de retraite ou les urgences de l'hôpital m'ont appelé pour venir les accompagner et les soutenir), incertitude qui rend à son tour tout projet incertain, je dirais que si tout va bien, je n'irais pas jusqu'à dire "Si Dieu le veut !", "Si tout va bien", nous aurons le plaisir d'écouter Pascal Contet le premier soir du festival de Trentels. Le 13 mai.

Pour préparer ce moment, nous nous sommes mis à écouter de plus en plus les trois disques de lui que nous possédons : "Electrosolo", "Bouts de souffles", en duo avec Andy Emler (Aime l'Air ?) et "Iceberg", en duo avec Wu Wei. Ecoute méthodique et aléatoire. Méthodique, car nous écoutons plusieurs fois chaque morceau ; aléatoire, car nous les écoutons en nous laissant guider par un hasard relatif. Trois albums, c'est évidemment trop peu pour être représentatif. Trop peu pour prétendre à partir de là connaître le jeu de Pascal Contet. Assez cependant pour s'en faire une idée et pour alimenter notre imaginaire.

J'ai actuellement quelques cds d'autres accordéonistes en commande, mais j'ai déjà le projet d'écouter dès que possible deux albums, dont j'attends beaucoup a priori. Ce sont deux duos, "Night's Dream" avec Marianne Liketty au violon, "Free Way" avec Joëlle Léandre à la contrebasse.

En attendant, je me contente de noter mes impressions d'écoute sur les feuilles d'un carnet à petits carreaux : le carnet où Françoise inscrit les courses du marché. Ce sont mes "notes marginales". Je ne cherche à y introduire ni cohérence, ni organisation. Je les jette sur le papier comme elles viennent, en me disant qu'in fine elles formeront une image impressionniste, fidèle sans être réflexive.

D'abord, en m'immergeant dans la musique des trois albums, je pense à la calligraphie chinoise : sérénité du blanc et fulgurance du noir. Encre de Chine sur un drap immaculé. L'air est saturé d'humidité et alourdit le tracé du pinceau qui, sans cela, traverserait le parchemin comme un scalpel. Je pense aux peintures du japonais Hokusai : la mer déchaînée, spirales après spirales ; le mont Fuji, déclinaison de blancs. Je pense aussi aux formes pures des jardins japonais. Parallèles et spirales, encore, jusqu'à l'hypnotisme.

Dans mon imaginaire, l'accordéon de Pascal Contet connote l'air et l'eau. Ni le feu, ni la terre. "Iceberg", c'est bien le lieu de rencontre de l'air et de l'eau. Qui dit "Bouts de souffles", évidemment évoque l'air. Mais ce n'est pas tout. Son accordéon se déploie dans un espace qui me fait penser à ce que l'on appelle un "jour blanc" en montagne. C'est évident pour le monde d' "Iceberg" ou de "Neige dans les traces". Mais pas seulement. A plusieurs reprises, j'ai eu l'impression d'une sorte de fausse immobilité et de lumière aveuglante. Du coup, pour s'orienter il faut tendre son attention à l'extrême. On pourrait parler d'exacerber ses perceptions. C'est en ce sens aussi que c'est une musique exigeante. Inutile de vouloir en éprouver quelque plaisir si l'on se contente de l'écouter d'une oreille ou en ayant quelque autre pensée ou préoccupation à l'esprit. La tension est une dimension essentielle de cet accordéon. On est sans cesse "à la limite". Recherche des limites dans l'approfondissement introspectif ; recherche des limites techniques de l'instrument.

En parcourant la liste des titres, je note avec plaisir quelques ambiguïtés pleines de sens et de saveurs : "Vents des airs" = vents déserts ? "La valse des enchantés" = désenchantée ? Je note aussi "Au-delà" ; je parlais plus haut des deux éléments que sont l'air et l'eau comme associés pour moi à la musique de Pascal Contet. "Au-delà", n'est-ce pas le cinquième élément ? La quintessence ? Quelque chose de "l'éthernité", une durée irréductible au temps mesuré du chronomètre ?

Mais ce n'est pas tout. A plusieurs reprises, c'est la notion de tension qui me vient à l'esprit : froideur apparente et luminosité incandescente ; silence et fulgurances ; immobilité et voyage ; monotonie et ruptures ; permanence et transfomations. En tout cas, l'attention ne peut se relâcher à aucun instant, car rien n'est prévisible. L'expression de "musique sur le fil du rasoir" me parait rendre assez bien compte de mon sentiment. Il faut accepter la prise de risques comme une sorte de contrat tacite entre le musicien et l'auditeur. Tout le contraire d'une musique reposante.

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