Il y a quelques jours, j'avais reçu ce courriel de Fanny Vicens :
Chers tous,
Dear all
J'ai le plaisir de vous annoncer la parution du CD Schrift, chez le label italien Stradivarius. I am pleased to announce the release of my CD Schrift at the Italian label Stradivarius.
Réalisé sous la direction artistique de Stefano Gervasoni et Jean-Etienne Sotty, il comporte sept pièces récentes pour accordéon de Matthias Pinscher, Keiko Harada, Dmitri Kourliandski, Stefano Gervasoni, Januibe Tejera, Bernhard Lang et Franck Bedrossian. Recorded under the artistic direction of Stefano Gervasoni and Jean-Etienne Sotty, it contains seven recent pieces for accordion by Matthias Pinscher, Keiko Harada, Dmitri Kourliandski, Stefano Gervasoni, Januibe Tejera, Bernhard Lang and Franck Bedrossian.
Cet enregistrement est disponible sur le site du label Stradivarius, ainsi que sur Amazon, Qobuz et Itunes. Vous pouvez aussi m'écrire directement par mail si vous souhaitez en recevoir un exemplaire. This recording is available on the website of the label Stradivarius, Amazon, Qobuz and Itunes.
Avec mes meilleures salutations, With best regards
Fanny
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Fanny Vicens
C'est le type même de bonne nouvelle ! Par retour du courrier, forcément, je lui envoyais ma commande. Et donc, quelques jours plus tard, "Schrift" m'attendait dans la boite à lettres. Depuis, après une première écoute toutes affaires cessantes, une première écoute dont on est sorti plutôt secoués étant donné la qualité du dit disque, on l'a écouté in extenso ou par morceaux, au gré de nos questionnements et autres désirs d'approfondissement. Après ce premier temps de découverte, j'ai décidé de faire une pause et de mettre un peu d'ordre dans mes impressions et autres réflexions. En attendant, plus tard, de reprendre mon parcours de découverte dont je sais d'ores et déjà qu'il sera un vrai parcours d'apprentissage. Un parcours plein de "belles choses"...
Donc, pour l'heure, sans aucun souci d'organiser rigoureusement mon propos, je vais essayer de prendre un peu de recul par rapport à toutes ces impressions qui à l'instant me submergent. Pour ce faire, je retiens trois points qui me viennent spontanément à l'esprit et que je vais essayer d'expliciter :
- "Schrift" : un objet culturel.
- Une interprète "talentissime".
- "Schrift" : la dialectique des écritures.
1.- "Schrift": un objet culturel
Cet album en effet est bien plus qu'un objet musical, même s'il l'est d'abord en priorité. Le disque, en tant que tel, fait partie d'un ensemble d'éléments indissociables : l'emboitage raffiné, les couvertures, les photos de Fanny, le livret de présentation, exceptionnel tant par sa mise en forme que par son contenu textuel. Un respect majuscule pour le lecteur/auditeur qui, du coup a affaire à un véritable objet culturel, pas seulement à une œuvre musicale.
Entrons dans le détail. "Schrift" est aussi un objet authentiquement culturel en ce sens qu'il est constitué de sept œuvres écrites par des compositeurs d'aujourd'hui qui sont autant d'essais de réponses à la question de savoir ce que signifie écrire pour l'accordéon précisément aujourd'hui. Des compositeurs venus de pays différents, mais unis par une même exigence de créativité et de recherche, donc de prise de risques. Une communauté d'explorateurs.
Autre dimension de "Schrift" qui me permet de le définir comme un objet culturel : la qualité des commentaires et des explicitations des œuvres interprétées par Fanny. Ces commentaires, ces ouvertures sur l'ancrage théorique des œuvres qui forment l'album, c'est une vraie valeur ajoutée à leur réalité strictement musicale. Un bonheur d'intelligence en ce sens que le texte favorise la construction du sens pour l'auditeur et, ce faisant, en favorise l'émergence d'une écoute bien fondée et du même coup attentive.
2.- Une interprète talentissime.
Je me permets ce néologisme, d'une part parce qu'il m'est venu à la conscience par lui-même, sans me demander mon avis. D'autre part, parce qu'il est immédiatement compréhensible par analogie avec "bellissima". Et donc, dire que Fanny est talentissime, ça me parait bien exprimer mon sentiment. Un sentiment que les gens de l'art - musiciens, critiques - sauront sans doute analyser, mais qui en ce qui me concerne exprime tout simplement mon admiration. Et peut-être même parfois mon étonnement.
3.- "Schrift" : la dialectique des écritures.
Le livret rappelle que ce mot, d'origine allemande, signifie "écriture", soit la graphie, la trace marquée ou imprimée, mais aussi le contenu, la signification de l'œuvre. Forme et sens indissociables ! A ce sujet - simple parenthèse - j'ai été surpris de constater que le livret existe en français, en anglais et en italien... Pas en allemand. Mais, fermons la parenthèse. Pour moi, l'expression "dialectique des écritures" traduit cette idée que "Schrift" existe comme résultat d'une interaction dialectique entre la présentation écrite, disons théorique, de chaque œuvre, la présentation synthétique et on ne peut plus pertinente faite par Jean-Etienne Sotty de chaque pièce... et cette forme particulière d'écriture quasi immatérielle et cependant bien réelle et sensible en quoi consiste le travail d'interprétation de Fanny. Passer de l'un à l'autre et, chemin faisant traduire son écoute en signification, c'est un vrai bonheur.
Voilà ! Dès que j'aurai terminé cet article, je retourne à mon écoute, comme on retourne à ses études, bien certain que mon parcours de découverte n'en est qu'à ses premiers pas, tâtonnants. Pour l'instant, trois pièces mobilisent mon attention :
- "Figura III" de Matthias Pintscher, une œuvre que je trouve particulièrement intéressante après avoir lu en commentaire qu'elle était inspirée par les silhouettes de Giacometti.
- "Schrift 3" de Bernhardt Lang, dont le rapprochement avec l'écriture automatique des surréaliste m'a ouvert un horizon de perception.
- "Bossa Nova" de Franck Bedrossian, dont le titre méritait élucidation. Qui s'éclaire par le texte même du compositeur qui parle à propos de son œuvre de titre à connotation ironique et à propos de la matière même de cette pièce d'un son hybride à la croisée des mondes acoustiques et électroniques.
Enfin, derniers mots : je me rends compte que le choix de ces trois morceaux illustre assez bien l'idée, exprimée plus haut, d'une interaction dialectique entre les formes d'écriture à l'œuvre et, du coup, illustre aussi l'idée que "Schrift" est bien un objet culturel.