jeudi 27 février - application de l'approche théorique de l'écoute musicale : l'album "j.-s. bach, vol. 2" de mika väyrynen
- E : qualité de l’écoute
- f : fonction de…
- Su : le sujet –auditeur
- O : l’objet – œuvre
- C : le compositeur
- I : l’interprète ou les interprètes
- P : le projet d’écoute de l’auditeur
- M : la chaine matérielle de l’enregistrement à la restitution
- Si : situation, c’est-à-dire conditions spatiales, temporelles et sociales de l’écoute
- A : climat affectif
Ce que l'on peut formaliser sous la formule suivante :
E = f [(Su, P),(O,C,I),(M,Si)].A
Cette analyse a pour intérêt, me semble-t-il, de servir de cadre et même de guide pour échanger des impressions ou des jugements, mais aussi de donner des repères pour un travail d'introspection et d'explicitation permettant à chacun de mieux comprendre ses sensations et ses préférences.
C'est ainsi qu'écoutant l'album de Mika Väyrinen consacré à Bach, que nous venons de recevoir , l'idée m'est venue d'appliquer cette méthode à la description de ma première écoute.
Su. - Je note d'abord que Bach est l'un de mes compositeurs de prédilection et donc l'écoute de ses œuvres est toujours précédée pour moi d'un a priori favorable. Sans doute, mon intérêt est-il plus de l'ordre du studium que du punctum, je veux dire que cet intérêt est d'abord intellectuel, mais il n'en est pas moins très vif. D'autant plus qu'à l'expérience il n'est jamais déçu.
O.- En l'occurrence il s'agit de trois suites de Bach :"The French Suites 4-6, Prelude and Fugue in A Minor, Air". A l'intérieur de l'œuvre ce Bach, du moins ce que j'en connais, j'ai un goût tout particulier pour les Suites. On verra plus loin l'une des raisons de cette préférence. Ce renvoi vers un autre facteur, en l'occurrence mon projet d'écoute, montre à l'évidence l'interaction entre les différents facteurs.
C.- Je l'ai dit plus haut, Bach est l'un de mes compositeurs de prédilection. C'est en ce sens que je parlais d' a priori favorables ou encore d'attentes bienveillantes de ma part. Autre exemple d'interaction.
I.- Je ne connaissais de Väyrinen qu'un album consacré aux "Variations Goldberg" et, si j'en avais oublié maints aspects sensibles, me restait à l'esprit l'impression d'un interprétation que j'avais eu plaisir à écouter. Ce sont les mots "amplitude" et "finesse" qui émergeaient de ma mémoire. Mais aussi la notion d'école finlandaise.
P.- Quant à mon projet d'écoute, outre le désir de vérifier mes souvenirs à propos de Mika Väyrynen, il avait d'autres dimensions, à savoir comparer son interprétation avec le Bach de Galliano, notamment "Air" et celle que F. Varis a donné des Suites pour violoncelle.
M.- Au plan technique - de l'enregistrement à la restitution -, rien à dire sinon que l'effet stéréophonique de l'accordéon est parfaitement mis en évidence avec une lisibilité ou, si l'on veut, une audibilité parfaite. Et puis cette évidence que cet accordéon est de la famille des orgues, avec toute la majesté propre à ces instruments.
S.- La situation, que je pourrais presque inclure dans le facteur "climat affectif", c'est du temps à consommer en toute liberté pour écouter cet album, c'est, après le déjeuner, un, deux, trois, quatre tasses de café... C'est aussi une villa assez isolée pour écouter sans crainte de gêner les voisins, ni même un autre occupant.
A.- Quant au climat affectif, disons qu'il traduit ici l'absence de problèmes et de soucis, autrement dit qu'il correspond à une disponibilité propice à une écoute sans nuages. Facteur essentiel, s'il en est, tant il est vrai qu'une telle condition n'est pas si facile à obtenir eu égard aux différents impedimenta qui font la trame de la vie quotidienne...
De l'interaction entre tous ces éléments résulte finalement la qualité même de l'écoute, le plaisir pris à celle-ci. Ici, je dirais que ce plaisir dépend directement de la lecture que M. Väyrynen nous propose des compositions de Bach, de la profondeur de celle-ci, mais encore de sa maitrise technique, sans effet de virtuosité gratuite ni d'académisme pédant. Il résulte aussi de l'accueil qu'on leur accorde en tant qu'auditeur.
Notes critiques :
Si maintenant on jette un regard critique sur le fonctionnement de cette analyse, on peut, me semble-t-il, en tirer deux observations. D'une part, le fait qu'elle met bien en évidence la complexité du jeu des facteurs qui permettent de comprendre comment se forment l'impression et le jugement apparemment spontanés provoqués par l'écoute d'un album ou d'un concert. Et, par là même, on dispose d'un cadre ou d'une grille, comme l'on voudra l'appeler, qui permet de mieux comprendre l'origine de notre goût et éventuellement d'en discuter avec quelque interlocuteur. D'autre part, autre observation qui ne m'étonne guère, les facteurs O et C, à savoir l'objet (l'œuvre musicale) et le compositeur, manquent d'éléments objectifs. Cela tient à deux raisons principales : mon manque de notions d'analyse musicale et mon manque de culture musicale, en particulier dans sa dimension historique. Ces manques ne remettent pas en question l'analyse en tant que telle, mais elles tracent les limites étroites qui la bornent. Pour l'instant !