mardi 18 février - prolégomènes à une approche théorique de l'écoute musicale
De manière générale et par principe, je ne relis pas les articles que j'ai pu écrire, jour après jour, pour fabriquer ce blog. Je trouve bon qu'ils soient ainsi consommés sans laisser d'autres traces que celles qui restent en ma mémoire. Parfois cependant il m'arrive de déroger à cette règle, soit pour chercher un renseignement précis, par exemple la date d'un concert, soit pour comparer ce que j'ai pu dire à propos d'un album autrefois et maintenant, mais c'est exceptionnel. En tout cas, si mon jugement a changé, j'en prends acte comme l'indice d'un changement de mon écoute. Ni plus ni moins.
Et justement, je ne sais ni comment ni pourquoi m'est venu le désir de me demander quels étaient les facteurs explicatifs de ces changements et plus abstraitement, ou plus théoriquement, de me demander comment pouvait se formaliser l'attitude d'écoute. Je me suis rappelé alors avoir écrit un article sur cette question dans "le bistrot des accordéons". Après quelques recherches, je l'ai retrouvé, daté du samedi 27 janvier 2007. Je l'ai relu et, à mon grand étonnement, je n'ai rien trouvé à y ajouter, rien non plus à modifier ou à retrancher. Tout au plus puis-je dire qu'il m'a souvent aidé à comprendre les jugements d'autrui, unanimes ou divergents, que ce soit à l'issue d'un concert ou après l'écoute d'un album.
Le texte ci-dessous est donc la reprise fidèle de cette première réflexion, de ce premier travail de formalisation ou de modélisation de l'attitude d'écoute. Si donc l’on essaie de formaliser, de modéliser ou de penser théoriquement, comme on voudra, cette attitude, l’analyse montre que la qualité de l’écoute est fonction de l’œuvre, du compositeur et des interprètes, mais aussi de l’auditeur et de son projet personnel d’écoute. Elle est aussi fonction du matériel, de la chaîne qui va de l’enregistrement à la restitution, et aussi de la situation, c’est-à-dire du lieu, du moment de l’écoute et de son environnement social. Cette troisième dimension de la situation correspond grosso modo à l'incidence de la présence d'autrui sur la qualité de l'écoute. Elle va de l'écoute solitaire à l'écoute perturbée ou contrariée, ou a contrario partagée, voire fusionnelle, avec d'autres personnes.
Cette analyse, même sommaire, suffit à montrer la complexité et donc la fragilité d’une telle attitude. Sa qualité dépend en effet du système de relations qui lie tous ces facteurs entre eux. Si ce système forme un réseau d’interactions qui se renforcent mutuellement, alors la sensation de perfection peut être éprouvée avec le plaisir qui en découle. Mais si un seul élément présente un défaut, c’est toute l’architecture qui peut s’effondrer avec la frustration qui s’ensuit. Pour être complet, encore faudrait-il ajouter un autre facteur difficile à définir, mais sans doute essentiel, à savoir le climat affectif ou la tonalité affective de l’écoute. En fait, ce que j’appelle tonalité ou climat affectif, c’est ce je-ne-sais-quoi qui fait que ça se passe plus ou moins bien pour nous, qu’on se sent plus ou moins bien. On pourrait éventuellement parler d’environnement affectif : on a ou on n’a pas de soucis, les choses que l’on entreprend réussissent plus ou moins, les derniers événements nous ont réjouis ou contrariés, on est détendu ou stressé, de bonne ou de mauvaise humeur, etc… Parfois, je sais bien que l'on peut se livrer à l’action d’écoute précisément pour apaiser ses soucis, chercher de la consolation ou de l’apaisement, ou compenser des manques, mais alors il s’agit moins de chercher un plaisir esthétique que de retrouver un équilibre menacé, voire perdu.
Si l’on essaie maintenant de dresser la liste des facteurs en interactions dans l’attitude d’écoute, il me semble que l’analyse conduit à dégager les éléments suivants :
- E : qualité de l’écoute
- f : fonction de…
- Su : le sujet –auditeur
- O : l’objet – œuvre
- C : le compositeur
- I : l’interprète ou les interprètes
- P : le projet d’écoute de l’auditeur
- M : la chaine matérielle de l’enregistrement à la restitution
- Si : situation, c’est-à-dire conditions spatiales, temporelles et sociales de l’écoute
- A : climat affectif
Si maintenant l'on essaie de formaliser cette attitude, je pense qu’en première approximation et sous réserve du travail critique, qui reste à faire, on peut écrire la formule suivante :
E = f [(Su, P),(O,C,I),(M,Si)].A
Cette formule a, me semble-t-il, un double intérêt : d’un point de vue théorique, elle met en évidence la complexité de l’attitude d’écoute, le jeu de relations nécessaires à sa (bonne) réalisation ; d’un point de vue pratique, elle nous alerte sur les éléments que nous devons nous efforcer de contrôler si l’on veut que cette attitude nous permette d’atteindre le plaisir que l’on recherche. On n’écoute pas n’importe quoi, n’importe comment, n’importe où, dans n’importe quel état d’esprit, etc… si l’on a des visées esthétiques et pas seulement de consommation. Dit d’une autre façon, cela signifie aussi que l’expérience esthétique, i.e. le sentiment d'évidence d'être en présence de quelque chose de beau, ne se réalise pas sans conditions. Conditions qu’il nous appartient d’aménager. Conditions qui sont de notre responsabilité d’auditeur. Ce qui suffit à montrer à quel point l’écoute est une véritable action créatrice et pas seulement un comportement de pure et simple réception.
A suivre…
Mon texte de janvier 2007 se terminait par ces mots :"A suivre...". Pour l'heure, ils restent d'actualité. Je garde en tête le projet d'approfondir ma pensée... Mais pour l'instant, j'en reste à une première approche. D'où, "prolégomènes"...
Et justement, je ne sais ni comment ni pourquoi m'est venu le désir de me demander quels étaient les facteurs explicatifs de ces changements et plus abstraitement, ou plus théoriquement, de me demander comment pouvait se formaliser l'attitude d'écoute. Je me suis rappelé alors avoir écrit un article sur cette question dans "le bistrot des accordéons". Après quelques recherches, je l'ai retrouvé, daté du samedi 27 janvier 2007. Je l'ai relu et, à mon grand étonnement, je n'ai rien trouvé à y ajouter, rien non plus à modifier ou à retrancher. Tout au plus puis-je dire qu'il m'a souvent aidé à comprendre les jugements d'autrui, unanimes ou divergents, que ce soit à l'issue d'un concert ou après l'écoute d'un album.
Le texte ci-dessous est donc la reprise fidèle de cette première réflexion, de ce premier travail de formalisation ou de modélisation de l'attitude d'écoute. Si donc l’on essaie de formaliser, de modéliser ou de penser théoriquement, comme on voudra, cette attitude, l’analyse montre que la qualité de l’écoute est fonction de l’œuvre, du compositeur et des interprètes, mais aussi de l’auditeur et de son projet personnel d’écoute. Elle est aussi fonction du matériel, de la chaîne qui va de l’enregistrement à la restitution, et aussi de la situation, c’est-à-dire du lieu, du moment de l’écoute et de son environnement social. Cette troisième dimension de la situation correspond grosso modo à l'incidence de la présence d'autrui sur la qualité de l'écoute. Elle va de l'écoute solitaire à l'écoute perturbée ou contrariée, ou a contrario partagée, voire fusionnelle, avec d'autres personnes.
Cette analyse, même sommaire, suffit à montrer la complexité et donc la fragilité d’une telle attitude. Sa qualité dépend en effet du système de relations qui lie tous ces facteurs entre eux. Si ce système forme un réseau d’interactions qui se renforcent mutuellement, alors la sensation de perfection peut être éprouvée avec le plaisir qui en découle. Mais si un seul élément présente un défaut, c’est toute l’architecture qui peut s’effondrer avec la frustration qui s’ensuit. Pour être complet, encore faudrait-il ajouter un autre facteur difficile à définir, mais sans doute essentiel, à savoir le climat affectif ou la tonalité affective de l’écoute. En fait, ce que j’appelle tonalité ou climat affectif, c’est ce je-ne-sais-quoi qui fait que ça se passe plus ou moins bien pour nous, qu’on se sent plus ou moins bien. On pourrait éventuellement parler d’environnement affectif : on a ou on n’a pas de soucis, les choses que l’on entreprend réussissent plus ou moins, les derniers événements nous ont réjouis ou contrariés, on est détendu ou stressé, de bonne ou de mauvaise humeur, etc… Parfois, je sais bien que l'on peut se livrer à l’action d’écoute précisément pour apaiser ses soucis, chercher de la consolation ou de l’apaisement, ou compenser des manques, mais alors il s’agit moins de chercher un plaisir esthétique que de retrouver un équilibre menacé, voire perdu.
Si l’on essaie maintenant de dresser la liste des facteurs en interactions dans l’attitude d’écoute, il me semble que l’analyse conduit à dégager les éléments suivants :
- E : qualité de l’écoute
- f : fonction de…
- Su : le sujet –auditeur
- O : l’objet – œuvre
- C : le compositeur
- I : l’interprète ou les interprètes
- P : le projet d’écoute de l’auditeur
- M : la chaine matérielle de l’enregistrement à la restitution
- Si : situation, c’est-à-dire conditions spatiales, temporelles et sociales de l’écoute
- A : climat affectif
Si maintenant l'on essaie de formaliser cette attitude, je pense qu’en première approximation et sous réserve du travail critique, qui reste à faire, on peut écrire la formule suivante :
E = f [(Su, P),(O,C,I),(M,Si)].A
Cette formule a, me semble-t-il, un double intérêt : d’un point de vue théorique, elle met en évidence la complexité de l’attitude d’écoute, le jeu de relations nécessaires à sa (bonne) réalisation ; d’un point de vue pratique, elle nous alerte sur les éléments que nous devons nous efforcer de contrôler si l’on veut que cette attitude nous permette d’atteindre le plaisir que l’on recherche. On n’écoute pas n’importe quoi, n’importe comment, n’importe où, dans n’importe quel état d’esprit, etc… si l’on a des visées esthétiques et pas seulement de consommation. Dit d’une autre façon, cela signifie aussi que l’expérience esthétique, i.e. le sentiment d'évidence d'être en présence de quelque chose de beau, ne se réalise pas sans conditions. Conditions qu’il nous appartient d’aménager. Conditions qui sont de notre responsabilité d’auditeur. Ce qui suffit à montrer à quel point l’écoute est une véritable action créatrice et pas seulement un comportement de pure et simple réception.
A suivre…
Mon texte de janvier 2007 se terminait par ces mots :"A suivre...". Pour l'heure, ils restent d'actualité. Je garde en tête le projet d'approfondir ma pensée... Mais pour l'instant, j'en reste à une première approche. D'où, "prolégomènes"...
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