C'était il y a quelques jours, le 6 de ce mois je crois.
Un message amical attire mon attention sur la présence de Vincent Peirani sur un disque qui vient de sortir :"
Debussy... et le jazz / Preludes for a quartet", Harmonia Mundi Musique, 2018. Durée 66;28.
Forcément, on le commande
illico au Parvis. Heureuse surprise ! Il est disponible en fin de semaine.
En fait, il est composé de dix titres et Vincent Peirani intervient sur le premier. On pourrait penser que c'est peu. En fait, c'est une chance : c'est en effet l'occasion de découvrir Debussy, ses Préludes, que nous connaissons mal, et d'autres jazzmen que Vincent. Le programme de l'album se présente
grosso modo de la manière suivante : dix morceaux interprétés par le quatuor Debussy soit solo, si je puis dire - violon, violon, alto, violoncelle - soit accompagné par un jazzman : piano ou accordéon ou vibraphone ou piano ou contrebasse. Les cinq invités sont J. Terrasson, piano, V. Peirani, accordéon, F. Tortiller, vibraphone, J.-Ph. Collard-Neven, piano, J.-L. Rassinfosse, contrebasse.
Notons, ce qui me parait bien significatif du projet de cet album, que la couverture porte les mentions suivantes : "
Quatuor Debussy", "Preludes for a
quartet" et que la description des titres mentionne "String
quartet". On peut comprendre que ces variations traduisent bien le statut de cet album à l'intersection entre formation classique et formation de jazz. Très intéressant ! D'autant plus intéressant que la réalisation de cette création est une vraie réussite : de fortes personnalités, une vraie homogénéité. Avec un élément du programme lui-même fort intéressant : le titre 1 est joué par V. Peirani avec le quartet à partir de "
La fille aux cheveux de lin". Le dernier titre, le 10, est aussi tiré du même prélude ; c'est une transcription par le quatuor Debussy,
string quartet. La boucle est bouclée. On revient
in fine au point de départ... mais alors on a parcouru l'ensemble des titres et, du coup, l'ensemble prend un sens plus complexe. Et ainsi de suite si l'on se laisse charmer en boucle par l'écoute de ces pièces.
Bien sûr, je n'en suis qu'à la phase de découverte et déjà mes impressions me submergent quelque peu. Je ne cherche pas à les analyser au risque de réduire ce moment d'exploration. Je retiens cependant trois axes pour une première mise en ordre de celles-ci :
1.- Un bel objet culturel
2.- Quelques jazzmen s'approprient quelques préludes de Debussy
3.- Vous avez dit "atmosphère" ?
1.- Un bel objet culturel
La photographie ci-dessus me parait bien de nature à montrer ce que j'appelle un bel objet culturel. Pas seulement musical. Emboitage impeccable, graphisme, choix des couleurs, livret informatif, finition en mode artisanat d'art... etc. Un objet pour l'œil, pour le toucher... Et, forcément, pour l'écoute. Un objet pour satisfaire plusieurs sens. L'intelligence du propos en prime.
2.- Quelques jazzmen s'approprient quelques préludes de Debussy...
C'est en effet d'un vrai travail d'appropriation qu'il s'agit. Chaque morceau, si j'ose dire, c'est bien du Debussy, mais c'est aussi c'est bien du Peirani, du Terrasson, et ainsi de suite. Un vrai travail de traduction au terme duquel, c'est évident on connait mieux Debussy... et ses interprètes...
3. -Vous avez dit "atmosphère"?
Ce qui m'a frappé à l'écoute de cet album, c'est l'unité, l'homogénéité dans la diversité, le jeu des différences. Caractéristiques signalées dans le livret dont je m'inspire ici, tant il me parait bien pointer l'essentiel du climat ou si l'on veut de l'atmosphère commune à toutes les pièces du puzzle. Caractéristiques aux quelles, chemin faisant, je me permets d'ajouter celles que mes impressions me suggèrent. Je retiens donc l'image, fort juste selon moi, à propos de V. Peirani, du funambule. Qui se joue des déséquilibres. Bonne image du comportement des jazzmen entre tâtonnements et ligne claire. Le livret propose d'autres images auxquelles j'adhère : luminescence diaphane, par exemple. J'y ajoute pour ma part clair-obscur, demi-teinte, aquarelle, au sens d'image évanescente faite de couches multiples retravaillées et superposées. Un monde de sérénité, de calme, de méditation. Quelque chose de translucide.
Une tonalité spécifique qui permet en quelques mesures d'identifier les pièces de cet album. Debussy au delà de Debussy, c'est encore du Debussy ; c'est déjà du jazz.
Et enfin, pour terminer, cette phrase du livret à propos de Vincent Peirani : Je cite : "L'accordéon de Vincent Peirani irradie une vague nitescence indolente, baignant "La fille aux cheveux de lin" de contre-jours translucides..."
Vous avez dit :"nitescence" ? Pour ma part, j'ai découvert ce mot et cela m'enchante. Pour qui l'ignorerait, "nitescence" est synonyme de "lueur, clarté, rayonnement".
- p.-s. Pour l'heure, je suis incapable de faire quelque différence de goût entre les différents morceaux. Peut-être, outre le titre 1 joué par Vincent Peirani, que le 7 serait mon préféré : " Danza del vino" d'après "La Puerta del vino" (Livre II/3), String quartet and vibraphone (F. Tortiller).