Je suis en train de découvrir l'album du Pierrot la lune quartet et d'écoute en écoute c'est un vrai plaisir d'avoir l'impression de le trouver de plus en plus complexe. C'est l'effet pelure d'oignon : une écoute en cache toujours une autre. J'ai eu connaissance de ce quartet et de son album par un article de Jean-Pierre Marie dans le dernier "Accordéon et accordéonistes" : "Chroniques", page 70. Un article qui donne envie...
http://www.pierrot-la-lune-quartet.fr/
D'abord, je note au dos de la pochette une mention fort intéressante. Je cite : "Inspirations : Michel Portal, Sergueï Rachmaninov, Chick Coréa, Renaud Garcia-Fons, Dave Brubeck, Jeyrseyband..." Une belle façon de déclarer ses repères, ses balises, ses amers... Une manière de s'inscrire dans des influences revendiquées. Une attitude qui me plait. Pour ma part, j'y ajouterais volontiers Daniel Mille ou même Laurent Derache.
Mais, bon, je vais essayer de comprendre pourquoi cet album me plait. D'abord, le son est excellent. Une belle lisibilité de chaque instrument. Mais, tout aussitôt, l'impression que l'ensemble des titres est traversé par une sorte de mouvement obsessionnel. Ce qui pour moi est toujours la signature d'une inspiration authentique. Expression de la recherche d'un compositeur qui s'obstine à explorer son inspiration et qui - c'est l'authenticité - en est satisfait/insatisfait ou qui, si l'on veut, lui tourne autour pour l'apprivoiser. Comme invité, Daniel Givone et ses guitares : lumineux, cristallin !
Si l'on voulait qualifier la musique de ce disque, je dirais que je la perçois comme intimiste, sans effets faciles ni attendus. D'une certaine façon, le graphisme traduit bien ce qu'est cette musique. Un graphisme à l'étrange couleur avec des formes d'allure schizophrénique. Un écho de la dimension obsessionnelle dont je parlais
supra.
Le titre 1 est tout à fait significatif de l'ensemble des titres. J'y reconnais des échos de Chick Coréa et de Daniel Mille. Le titre 3, "
Vu du ciel", est fascinant comme une carte météorologique animée. Des formes qui donnent à rêver. Le 5, "
39 jours" exige toute notre attention. Tout en nuances, tout en complexité. Rien de facile. Une sorte de rêverie. Quant au 6, "
Bienveillant", je l'ai reçu comme une sorte de bande-son d'un court métrage de 3:25. On pourrait presque parler de musique visuelle ; en tout cas qui suscite des images et un vrai récit. J'ai pensé à un morceau de M. Perrone : "
L'échappée belle", titre 2 de l'admirable "
Son éphémère passion". Le titre 8 est emblématique de l'album : une tension qui ne laisse pas le temps de respirer. Une musique qui crée de l'attente ou même du suspens.
Le titre 9 est celui même de l'album. Piano et batterie : un duo haletant ! Et puis, l'accordéon qui vient en rajouter dans ce registre. Et puis, la guitare, juste acide. En un sens, c'est un titre-signature du quartet. Les titres 10 et 11, "
Harmonia" et "
Espagna", j'aime beaucoup. Le dialogue de la batterie et de l'accordéon en intro ! L'accordéon fluide, fragile, obstiné. Avec des ruptures qui excitent l'attention et organisent le suspense. En 10 donc, un morceau qui vous agrippe et ne vous lâche plus. Et l'accordéon comme fil rouge. Quant aux deux derniers titres, "
Harmonie" et "
Espagna", j'y perçois bien les influences de D. Brubeck et de C. Corea...
Mais il me reste encore bien d'autres écoutes, pour le plaisir certes, mais aussi parce que je n'ai pas repéré l'inspiration empruntée à M. Portal ou à R. Garcia-Fons ou à S. Rachmaninov... Limites de ma culture ! Chantiers en cours. Sans compter que chemin faisant je reconnaitrai peut-être d'autres parentés, comme D. Mille ou M. Perrone ou encore L. Derache...
Bref ! Un bel opus, une heureuse rencontre.
Mais je me rends compte que je n'ai pas donné le nom des membres du quartet ni des instruments. Ils sont donc 4+1 :
- Pierre-Emmanuel Hias, piano, composition
- Anne-Sophie Pasquier, accordéon
- Stéphane Rousseau, basse, contrebasse
- Pierre le Normand, batterie
- invité : Daniel Givone, guitares
post scriptum 1.- Je note que ce quartet est composé comme un autre quartet que j'apprécie beaucoup : accordéon, piano, contrebasse, batterie. Je pense au New Meeting Quartet, en particulier à l'album "
Lusitania". Dans les deux cas, une inspiration originale : un style, et un bel équilibre entre des instruments.
post scriptum 2.- Je viens de découvrir un article de Citizen Jazz consacré à "
Out of the Wood" et le moins que je puisse dire c'est que je me sens très proche de ce texte. Au point que certains éléments de vocabulaire sont communs, comme "haletant" ou "cinématographique". Autre élément d'accord : l'illustration de la pochette. Autre impression commune : l'ensemble comme un seul morceau, ce que j'interprète pour ma part comme le développement d'une obsession. Je vois dans ces rapprochements une certaine manière de me conforter dans mes impressions. C'est un bon point d'appui pour des écoutes à venir.
http://www.citizenjazz.com/Pierrot-La-Lune-Quartet.html