Pour cette session des "nuits de nacre" à Tulle, le thème choisi par la direction artistique était : "L'accordéon tisse sa toile". Manière de dire que le thème de ce festival mettrait l'accent sur la relation entre l'accordéon et l'image. Image projetée sur un écran, image photographique, image de film, peinture, etc... Et pourquoi ne pas penser aussi que durant les quatre nuits l'accordéon tissera sa toile comme pour mieux nous envoûter avec sa magie. Pour ma part, je me dis que l'on pourrait penser aussi aux images mentales, celles que le son de l'accordéon fait éclore en notre cerveau.
Le festival donc s'est déroulé sur quatre jours, du jeudi 15 au dimanche 18. Disons quatre soirées ou même quatre nuits. Nous sommes arrivés jeudi en début d'après-midi ; nous avons garé la voiture au parking ; déposé nos bagages à l'hôtel - à quelques pas du cœur du festival; déjeuné à la taverne du sommelier - notre cantine - ; oublié le monde extérieur et, jusqu'à notre départ, vécu dans notre bulle à Tulle. Certes nous avons noté une baisse de fréquentation, nous avons croisé les patrouilles de soldats en arme, rencontré maintes rondes de policiers, nos sacs ont été fouillés je ne sais combien de fois, nous-mêmes avons été fouillés à l'entrée du théâtre avant les concerts... Mais l'on tenait malgré tout à vivre ces "nuits de nacre" comme une parenthèse heureuse. A faire abstraction de tout cet environnement sécuritaire, lourd, pesant, mais nécessaire. On y tenait. On l'a fait...
C'est pourquoi mon intention n'est pas de faire un compte-rendu à visée objective du festival. Encore moins d'en faire la description. Mon intention est tout simplement de suivre le fil chronologique pour garder traces des événements, disons des rencontres que nous avons faites. Rencontres au hasard de nos déambulations, de notre parcours de butinage ; rencontres programmées depuis des mois et inscrites dans nos pass pour les trois principaux concerts. Soit dit en passant : trois concerts payants sur une soixantaine proposés... C'est cela aussi Tulle... Ces traces, je vais les illustrer, les mettre en image, avec un choix parmi les photos que j'ai faites de nos fauteuils d'auditeurs et spectateurs attentifs et émerveillés ou chemin faisant... Pour faire ce choix, je me suis donné deux critères : d'une part, évoquer la
situation, notamment les lumières, d'autre part la
posture des artistes en essayant d'en saisir sur le vif les caractéristiques principales.
En route pour une quinzaine d'étapes...
- 15.09. / 19:06. Inauguration des "Nuits de nacre". Magic Mirrors
Après les discours d'usage, concert d'inauguration au Magic Mirrors. Roland Romanelli, fil rouge du festival, avec un chanteur : Michel Korb, qui chante Francis Lemarque, deux guitaristes, un contrebassiste et un batteur. Des chansons à texte et un son franchement manouche. Roland Romanelli, imposant par sa carrure, par son allure, par son expérience, donne le ton au festival. Je suis frappé par la fluidité de son jeu, par son toucher précis et juste.
15.09. / 21:26. William Sabatier et le quatuor Terpsycordes. Théâtre Les Sept Collines
Ce concert, c'est la célébration du tango : un hommage à Astor Piazzolla, à Edith Piaf et à Carlos Gardel. Un moment de temps suspendu avec, comme introduction, les "Five Tangos Sensations". Maîtrise et émotion. Un concert qui d'emblée se situe dans les sommets de l'art du bandonéon.
J'ai choisi cette photo pour deux raisons : elle rend compte du dispositif scénique et de la concentration de William Sabatier. Intensité de son regard !
- 16.09 / 12:15 - 13.30. Rencontre avec Roland Romanelli au petit forum du théâtre.
Une rencontre informelle animée par Sébastien Farge. Roland Romanelli nous parle de son travail et de sa vie avec Barbara. Très éclairant. Un moment "authentique" qui éclairera le concert du samedi sous-titré "Une belle histoire d'amour". Une belle introduction à la compréhension de la dimension artistique et esthétique du dit concert.
- 16.09 / 17:30. Grégory Daltin et Laurent Derache à l'agence du crédit agricole.
Comment dire ? Inutile d'essayer d'expliquer notre sympathie pour ces deux accordéonistes. Dès les premières écoutes en concert ou sur disque, leurs styles, par ailleurs différents nous ont donné envie de mieux les connaitre. C'est ainsi qu'on s'est efforcé de suivre leurs parcours respectifs et que ce fut un vrai plaisir de découvrir leur duo en cette agence de banque. Une rencontre en ce lieu improbable qui attire chaque année un public plus nombreux et toujours enthousiaste. Des compositions originales et des œuvres plus connues, bien reconnues par les auditeurs. Un moment simple et chaleureux. Avec tout le talent de Grégory et Laurent.
- 16.09 / 18:40. Le petit orchestre de poche au petit forum... puis SOS fanfare à 18:59 place Jean Tavé, devant la terrasse de la taverne du sommelier...
C'est en marchant au hasard en attendant l'heure de l'apéritif que l'on a fait deux rencontres festives et réjouissantes : la première avec le petit orchestre de poche entrainant plusieurs couples de danseurs dans ses rythmes ; l'autre, quelques minutes plus tard, avec la fanfare et son répertoire que l'on croisera encore plus tard à plusieurs reprises. Deux formations bien dans l'air des nuits de nacre. Une cure de bonne humeur...
- 16:09 / 21:20 et 21:42. Vincent Peirani et Emile Parisien au théâtre Les Sept Collines. Avec en direct
live une création originale du plasticien Stéphane Cattanéo.
De ce duo, que dire que je n'ai déjà dit ? Après plusieurs concerts et je ne sais combien d'écoutes de "Belle Epoque", je n'ai plus de mots pour dire notre admiration. Ce concert, c'est chaque fois le même et chaque fois un autre. Organisation, improvisation, complicité à demi-notes. Heureux ceux qui ont pu assister à ce concert.
- 16.09 / 00:13. Toucas Trio Vasco, place Jean Tavé.
Depuis des années que nous connaissons Cristiano Toucas et son trio, c'est toujours un bonheur de les rencontrer. Toujours le même enthousiasme de sa part pour ses projets. Toujours la même énergie et la même manière d'emporter son public vers des horizons lointains, vers un véritable périple à travers fleuves, océans et mers plus ou moins imaginaires. La nuit convient au projet de ce trio. En l'occurrence, la musique se déroule sur fond de photographies. L'accordéon tisse sa toile : on ne saurait mieux répondre au thème du festival. Bon vent ! Pour notre bonheur.
- 17.09 / 12:15 - 13.30. Rencontre avec William Sabatier au petit forum du théâtre.
Une rencontre plus ou moins informelle avec W. Sabatier, animée par S. Farge. Pour nous, un moment fort, un moment-clé des quatre jours du festival. Un moment de pure intelligence et de passion. Un moment d'explicitation, de définition du tango, moment de studium dirait Roland Barthes ; moment d'explosion esthétique, moment de punctum dirait-il pour rendre compte de ce qu'est le bonheur de pouvoir ainsi écouter W. Sabatier en toute simplicité et en toute maîtrise conceptuelle et technique de ce qu'est le tango dans toute son authenticité. Cette rencontre enfin nous a beaucoup éclairés sur les raisons de notre plaisir extrême éprouvé lors du concert du jeudi avec W. Sabatier et le quatuor Terpsycordes.
Ces rencontres sont à garder absolument dans l'économie d'ensemble des "Nuits de nacre". Avec les artistes principaux et l'animation de S. Farge.
- 17.09 / 15:13. Rencontre avec G. Daltin et L. Derache, qui invitent Denis Colin (clarinette). Salle capitulaire du cloître de Tulle.
Comme le concert de G. Daltin, L. Derache, Domi Emorine et D. Colin avait lieu en même temps, à 21 heures, que le concert de clôture de R. Romanelli, on avait demandé à Grégory et à Laurent de bien vouloir accepter notre présence aux balances. Domi Emorine étant absente pour cause d'animation à l'usine Maugein. Un lieu magique du point de vue architectural ; moment magique aussi pour nous spectateurs des tâtonnements du trio. Une manière de sentir sinon de comprendre comment le concert du soir se mettait en place.
- 17.09 / 15:56. Rencontre avec Urban Direct Squeezbox, place Mgr Bertheaud.
On avait repéré de longue date l'annonce du concert d'Urban Direct Squeezbox programmé à 22:30, soit juste après le dernier concert de R. Romanelli. C'est ainsi qu'on est allé voir, en milieu d'après-midi, si par hasard cette formation réglait les balances pour le soir. Et c'était le cas ! Un moment fascinant de tension décontractée et de professionnalisme avec beaucoup de sourires. Aucun sentiment de stress !
Je rappelle ici le nom des musiciens assemblés pour produire une musique contemporaine, c'est-à-dire créative et électronique, inouïe et transfrontalière... Actuelle, quoi !
- J. Bilek, DJ
- M. Berthoumieux, accordéon boutons
- Fixi, accordéon piano
- W. Sabatier, bandonéon
- C. Udoviko, danse
Electronique et créative, une musique bien loin des dernières productions de Gotan Project. En tout cas, ce que l'on entend sur cette place en milieu d'après-midi nous donne furieuse envie d'y revenir ce soir...
- 17.09 / 18:44. Alain Bruel et François Thuillier, place Jean Tavé.
On avait du temps avant le concert de 21 heures. Avant l'apéro, une bière et un porto rouge, on a noté sur le programme un concert d'une heure du duo A. Bruel, accordéon, et F. Thuillier, tuba. Un duo a priori improbable. Ils se sont installés. On a posé nos chaises au pied de la scène. D'autres personnes nous ont imités. Ce fut un moment agréable. Des morceaux qu'on a plaisir à écouter ; pour certains à reconnaître. Une répartition des rôles bien rodée. Une complicité tranquille et un tuba plein de souplesse et de fantaisie. Un bon moment malgré une météo plutôt humide et froide.
- 19:09 / 21:44 et 21:45. Roland Romanelli et Rebecca Mai au théâtre des Sept Collines.
De ce dernier concert payant, je retiens deux images : l'une qui garde trace d'une intervention de S. Farge, intervention conforme à sa personne. Chaleureux, discret et efficace. L'autre, significative selon moi de l'attitude disons emblématique de Roland Romanelli. Un spectacle fort original qui nous immerge dans la vie qu'il a partagée avec Barbara. Un spectacle émouvant en plusieurs moments, un spectacle qui, comparé au récit qu'il a fait au petit forum, donne toute la mesure d'une transposition artistique d'une biographie. Un spectacle qui en dit beaucoup, à demi-mots, sur la vie d'artiste...
- 17.09 / 23h48... Un vrai feu d'artifice sonore et visuel !
De gauche à droite, on reconnait J. Bilek, M. Berthoumieux, C. Udoviko, Fixi et W. Sabatier. On ne pouvait rêver meilleure clôture. En tout cas clôture du festival pour nous, car en fait il y avait encore Anakronik/Krakauer au Magic Mirrors à partir d'une heure... Mais on était un peu fatigué et le temps était plutôt humide et frais, pour ne pas dire froid.
- Dimanche 18.09 / 12 heures. Après un dernier déjeuner à la Taverne du Sommelier, on charge les bagages dans la voiture. Direction Toulouse... puis, après une courte étape, retour à Pau en soirée.