Vendredi, 18h30. On retrouve nos pénates à Pau après trois jours d'absence. Dans la boite à lettres, les pubs habituelles, le courrier ordinaire et... une enveloppe dont la rigidité laisse supposer qu'elle contient un cd. Perplexité, car nous n'attendons aucune commande ni aucun envoi à venir. Surprise d'autant plus agréable que l'adresse de l'expéditeur au verso n'est autre que celle de Florian Demonsant. Surprise d'autant plus plaisante qu'elle découle d'une souscription pour un disque de Florian et Ferdinand Doumerc dont l'enregistrement était prévu pour le premier semestre 2014. Inutile de dire à quel point cet envoi nous met en joie...
Après trois écoutes attentives d' "
Aujourd'hui". Trois écoutes, assez pour se forger une première impression ; trois écoutes, pas assez, forcément, pour dépasser le stade de la première découverte. De ces premières écoutes donc, je retiens que ce disque est pour moi une sorte de cheminement d'inventions en inventions localisées et contextualisées.
Les dix-sept pièces de l'album ont en effet été enregistrées à Souillac - "dans" Souillac peut-on lire sue la couverture verso - du 24 au 26 juillet 2014. Enregistrées donc en un site précis géographiquement et dans des lieux définis et identifiés localement. Par exemple, une grotte, une crèche, une place, une autre place, encore une autre place, une maison de retraite, un train, etc... etc...
Qui dit enregistrement, dit tout aussitôt un preneur de sons. C'est ainsi que l'album a trois auteurs : Florian Demonsant, accordéon, Ferdinand Doumerc, saxophone et Patrick Faubert, prise de son ou, pour ainsi dire, capture et mise en scène des instants sonores que le trio croise dans sa déambulation.
L'idée fondatrice de l'album : déambulation dans Souillac et, chemin faisant, un parcours de rencontres sonores, d'improvisations et de morceaux plus ou moins déjà joués, et inscrits ici dans ce parcours chemin faisant, cette idée donc pourrait caractériser cet album comme un album-concept. Ce serait juste à mon sens, mais trop intellectuel. Il faut en effet prendre en compte une autre dimension, complémentaire, la dimension "émotion". Je pense par exemple à la rencontre avec des enfants de la crèche et à leurs applaudissements spontanés : 02, "
Moi contre nous", (crèche, fin d'après-midi) ou au titre 10,
"En 45 je jouais de ça", (maison de retraite, crépuscule).
Bref, un album surprenant, qui nous tient en haleine par son travail de création sonore et d'enregistrement des sons de la vie provoqués par la présence même des trois créateurs de musique.
Pour l'heure, quelques morceaux me touchent particulièrement à des titres divers : puissance émotive ou idée fondatrice. Je pense, outre les deux titres cités ci-dessus, au 01, "
Baleines" : une musique du fond des âges ou du fond des océans ; au 03, "
Sous les eaux" : la nature s'éveille au petit matin et le monde prend peu à peu ses couleurs. Mais il faudrait citer encore 06, "
Berceuse" pour sa nostalgie et sa mélancolie, ou le dialogue clownesque entre le saxo et le public, 08, "
La dégaine", par une chaude soirée sous la halle. Mais, tout en faisant ce choix, je m'avise qu'il faudrait tout citer, notamment le titre 11, pour moi le plus émouvant, "
Raisonnable".
Et comment ne pas citer le dernier morceau, de 17, "
Aujourd'hui", avec les rires des enfants et leur prolongement par quelque improvisation proprement musicale ?
Au moment de mettre un point final à cet article, je ne sais pourquoi je pense à cet album de Richard Galliano intitulé "
Love Day / Los Angeles Sessions", 2008, qui déploie ses douze titres sur douze moments s'une journée, d'"
Aurore" à "
Crépuscule"... Un concept comparable à celui d' "
Aujourd'hui" ; une réalisation forcément très différente.