vendredi 15 mai 2009

vendredi 15 mai - happy requiem

Il y a dix-sept ou dix-huit ans, nous avions planté trois bouleaux, proches les uns des autres. "Ainsi, avait dit le jardinier, ils ne se développeront pas démesurément". Tu parles ! Ils ont tellement grandi que leurs feuilles, à l'automne, inondent les jardins des voisins et que leurs faîtes plient dangereusement à chaque tempête. Cet hiver, on les a étêtés. Résultat : leur feuillage est dense comme le toit opaque d'une tonnelle et ils bruissent comme des myriades d'insectes au moindre souffle de vent. Il faudrait parler aussi du bruit de la pluie s'écoulant de feuille en feuille avant de tomber sur le sol avec un petit "ploc" sec. Une machinerie compliquée pour parsemer le gazon de petits trous.

Je connais depuis longtemps le disque d’Hiroko Ito, « Quintessence ». Il fait partie de ces disques que je réécoute de temps en temps, toujours avec le même plaisir. Je situe Hiroko Ito comme une sorte d’exploratrice qui crée son œuvre, une œuvre originale, en nourrissant chemin faisant la tradition de l’accordéon français, disons la tradition du musette, avec des influences venues du jazz, du tango, du classique et, de plus en plus, du Japon.
C’est pourquoi, dans la dernière livraison de la revue « Accordéon & accordéonistes », je me suis précipité sur l’article que lui consacre Françoise Jallot. D’abord pour avoir quelques informations sur l’actualité d’Hiroko Ito, ensuite parce que l’article était signé « Françoise Jallot ». J’ai souvent dit en effet à quel point j’apprécie ses papiers, à tel point que je fais une confiance absolue à ses prises de positions et jugements. Ce qui ne va pas sans inconvénients latéraux en ce sens que cette confiance, qui augmente comme boule de neige fait augmenter comme boule de neige aussi mon budget de cds. J’en viendrais presque à souhaiter qu’elle prenne un mois de vacances.

Bref, dans son article, Françoise Jallot présente le dernier opus d’Hiroko Ito, « Happy Requiem » comme un mélange de genres différents avec une composante japonaise de plus en plus forte. L’écoute du disque montre en effet que cette influence se fait sentir à la fois dans les mélodies et dans les instruments. J’y reviendrai. Pour l’instant, je m’en tiens à cette citation que je trouve tout à fait pertinente : « Ces créations musicales permettent de redécouvrir des airs traditionnels japonais en mêlant les rythmes de tangos et de milongas au son de l’accordéon, du shamisen, du taïko, de la contrebasse et de la guitare ». On pourrait à juste titre ajouter les rythmes du jazz musette. Entre parenthèses, je note que le parcours d’Hiroko Ito est jalonné par les rencontres de Marcel Azzola, de Joë Rossi et de François Parisi. De telles rencontres, ça laisse des traces. En fin d’article, on apprend que le groupe qui a fait ce disque s’appelle « Melting Pot » (à l’écoute du cd, on pense à « Melting Potes » tant la complicité entre les membres est patente) : Hiroko Ito, accordéon, Sylvain Diony, guitare et shamisen, Mauricio Angarita, contrebassiste colombien, qui joue avec le quintet et le grand orchestre de tango de J.-J. Mosalini, Christian Paoli, percussionniste habitué aux rythmes brésiliens, Emiko Ota, percussions japonaises. Sur deux ou trois morceaux, on trouve Mariko Kubota, taïko, Ghyslin Di Sacco, clarinette et Anaïs Moreau, violoncelle. Je note au passage que M. Angarita, S. Diony, Ch. Paoli figuraient dans « Quintessence », ainsi que François Parisi sur deux morceaux. Continuité et évolution.
Donc… Dès la lecture de cet article achevée, suivant une démarche qui m’est habituelle, envoi d’un courriel à Hiroko Ito pour lui demander à quelles conditions il me serait possible de lui commander directement « Happy Requiem ». Réponse rapide, envoi d’un chèque, livraison du cd dans les délais les plus brefs. D’emblée un échange que je qualifierais d’amical.




La pochette me plait immédiatement. Un mot gentil accompagne la galette. Délicate attention : le cd lui-même est signé par Hiroko Ito et Sylvain Diony. J’avoue que cette attention me touche. La pochette donc mêle l’exotisme des signes japonais et un graphisme coloré et direct qui exprime immédiatement la fête. Plutôt la fête populaire. Une simplicité apparente – la ligne claire du trait, les aplats de couleurs – qui traduit bien le style de l’album. Simplicité apparente des mélodies et des arrangements, évidence de l’intervention d’instruments japonais ou de cris façon samouraï. Le titre dit assez bien que les compositions sont sous le signe de l’humour et de la fantaisie : le rapprochement entre « requiem » et « happy » n’était pas forcément attendu.



Depuis que j’ai mis le cd sur la platine de lecture, ça tourne sans discontinuer et du coup à chaque nouvelle lecture mon attention est attirée par tel ou tel élément que je n’avais pas d’abord repéré. Souvent, c’est le jeu entre les instruments qui me saute à l’oreille, alors que cela ne m’avait pas frappé d’abord. En tout cas, je sens bien que sous sa simplicité apparente, il s’agit bien d’une création complexe, qui mêle ensemble de manière harmonieuse et originale des éléments divers, tant au plan mélodique qu’instrumental. A l’heure actuelle, j’ai un faible pour « Tango Bayashi » et pour « Tango Sumo », qui m’évoque irrésistiblement des images de combattants énormes en train de lutter au rythme d’un tango langoureux. Que dire de « Japonimusette », sinon que ce titre est emblématique de l’album ? Ah, oui, j’aime aussi beaucoup l’humour de « Sushi Bar ». Il m’a semblé voir passer en plein milieu l’ombre de Carmen. Un ange passe… Mais bon, je sens que je suis parti pour citer tous les titres les uns après les autres. Comment choisir en effet ? Et pourquoi ? Au cœur de l’album, des titres sous influence japonaise. Parfois les cordes m’ont fait penser au koto de Miko Miyasaki. Pour finir enfin, titre 13, « Errance ».
Au moment où le métissage revendiqué se confond souvent avec des emprunts superficiels ou avec un exotisme de surface, je trouve que l’opus d’Hiroko Ito propose une musique qui est un dépassement authentique de ses sources et non un simple collage. C’est pour cela que j’aime beaucoup « Happy Requiem » et que j’apprécie bien « Melting Pot ».




On lira dans la rubrique "music" une présentation du thème (au sens littéraire du terme) de chacun des morceaux d'"Happy Requiem".





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