dimanche 3 mai 2009

dimanche 3 mai - à propos de matos

Je suis en train d’écouter « Accordéon Plus » (1998) de Claude Thomain. Je l’écoute à ma manière, c’est-à-dire que je ne peux pas faire autre chose. Cette attitude est toujours pour moi cause de perplexité. Je vois en effet Françoise écouter quantité de disques, tout en écrivant ou en lisant ou en surfant sur le web, et surtout commenter ses impressions avec une telle précision et une telle pertinence qu’il est évident que son écoute n’est pas un simple fond sonore. Cette double attention m’étonne toujours, car pour moi, dans la même situation, c’est le brouillage assuré, la confusion mentale à tout coup.

Bref. Je suis donc en train d’écouter « Accordéon Plus », dont j’avais suspendu la lecture pour pouvoir écrire le paragraphe précédent. Tout au plus, comme s’il s’agissait de quelque objet transitionnel, suis-je capable de manipuler le boitier du cd et de parcourir le livret de présentation. Je note ainsi que cet album a été produit avec la collaboration de Sergio Tomassi. Cela me rappelle un « Tête d’affiche » dans un numéro d’ « Accordéon et accordéonistes ». Après vérification : le numéro 46 d’octobre 2005. Je me rappelle en particulier qu’il y était question de mélange acoustique / MIDI et d’orchestration. Je me rappelle aussi que Sergio Tomassi, dans cet article, décrivait très précisément son matériel. Un comportement d’artiste et d’artisan à la fois, de créateur et de technicien, et pourquoi pas, d’ingénieur.

Je note que les photographies illustrant la collaboration entre Claude Thomain et Sergio Tomassi s’inscrivent dans un décor de studio d’enregistrement. Manière de dire l’importance du matos. Et puis, mon attention est attirée par deux autres pages :

- Je cite : « Chers amis musiciens, j’ai voulu réaliser ce disque en collaboration artistique avec Sergio Tomassi afin d’aider les jeunes accordéonistes à mieux comprendre le phrasé musical de mes compositions. Pour cela, j’ai enregistré au silence près les partitions que vous pourrez trouver aux Editions Claude Thomain. Les morceaux pour accordéon ont été enjolivés par un accordéon midi relié à un expandeur. Quant aux « Quatuor » et « Quintette », les enregistrements ont été faits piste par piste ». J’avoue que ce propos me touche, car je l’interprète comme l’expression d’un projet véritablement pédagogique. L’artiste, bien loin de garder pour lui ses secrets de fabrication, s’efforce d’en faire profiter le plus grand nombre. Attitude généreuse et de partage, qui n’affecte en rien l’excellence du compositeur, du créateur. Attitude de don, qui ne réduit en rien le mystère de l’inspiration, mais qui du moins en donne des éléments.
- Je cite : « Voici tous les maillons de la chaîne qui ont permis la réalisation de cet album : Interprète : Claude Thomain. Instrument : Vedette 10 Cavagnolo avec système Midi DMX 123. Micro : C 114 AKG. Préamplification micro : NEVE. Table de mixage : 32/08/04/02 Mackie (automation). Séquenceur audio : Logic Audio Emagic. Carte d’acquisition audio : Audio Werk Emagic. Ordinateur (Macintosh) : Apus 3200 UMAX. Synthétiseurs expandeurs : K 2000 R (Rom 1) K 2500 R (Rom 1,2) JV 880 Roland. Prise de son, mixage et réalisation : Sergio Thomassi ». Ces quelques lignes m’intéressent beaucoup, à trois titres au moins : d’abord, parce qu’il s’agit de la description d’une chaîne de réalisation. Pas de confusion entre réalisation ou production et création. Celle-ci ne se réduit pas à la technique. Le matos est nécessaire mais non suffisant. Mais il est nécessaire, caractéristique que l’on a souvent tendance à oublier ou à occulter. En second lieu, j’observe que ce type de description ne se trouve quasiment jamais dans les livrets de présentation des albums et je le regrette. Un artiste complet est toujours aussi un technicien. Sinon, il court le risque de n’être qu’un pur esprit, une machine à produire des intentions. Je dis intention et non concepts, car justement l’art conceptuel est souvent encombré de machines et de machineries compliquées, au point souvent de n’être que cela. Enfin, ces quelques lignes m’intéressent aussi pour leur charge poétique. Paradoxe ? Non. Toute cette description désigne en effet des instruments et des dispositifs dont j’ignore tout. Cette description se réduit donc pour moi à une liste de mots sans référents : un pur jeu de mots. En cela, c’est bien de poésie qu’il s’agit. Et cette dimension poétique n’est pas sans influence sur ma manière d’écouter « Accordéon Plus »...

J'enregistre ce texte. J'éteins l'ordinateur. Je lance la lecture. Les pieds sur le bureau. Les pages de présentation à la main.

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