mercredi 25 mai - priorité au direct
A plusieurs moments de la journée, quand j'arrive à trouver le temps nécessaire, j'ai pour habitude de consommer de l'information en continu en me branchant sur I-télé et/ou BFM et/ou LCI. Il s'agit bien en effet pour moi de consommation, c'est-à-dire suivant les bons dictionnaires, d'une action qui fait des choses un usage qui les détruit ou les rend inutilisables. Consommer de l'information défilant sans respiration ni pause devant mon regard hypnotisé est une jouissance délicieuse. En fait, ça entre par une oreille, ça sort par l'autre, sans laisser de traces. L'information débitée au kilomètre est en effet un dispositif très efficace pour produire de l'oubli. Une information chassant l'autre, au bout du compte on peut dire que l'information détruit l'information.
C'est ainsi qu'il y a quelques jours, au troisième jour de ce que j'appellerais pour aller vite "l'affaire DSK", les chaines en question avaient mis en place un dispositif identique : une table ronde d'experts animée par un journaliste de la rédaction à Paris, un envoyé spécial à New-York, des images diffusées en boucle, un texte défilant en bas de l'écran. J'ai vite compris que les experts avaient pour mission réelle, non de donner du sens aux informations, mais de combler le vide d'images instantanées. C'est ainsi qu'à plusieurs reprises, tel ou tel expert fut interrompu en pleine analyse par l'animateur proférant la phrase magique :"Excusez-moi !Priorité au direct ! ". Zoom sur l'envoyé spécial ou le correspondant permanent à New-York, qui le plus souvent doit avouer qu'il est loin de la scène, qui reprend des informations maintes fois répétées et qui redonne l'antenne à Paris où les experts reprennent leurs échanges, le plus souvent hypothètiques étant donné l'absence d'informations sur lesquelles réfléchir.
La machine à décerveler fonctionne à merveille. La religion du direct, c'est une machine à fabriquer en permanence le plein de vide.
Mais, alors même que je me livrais à cette réflexion, j'ai pris conscience que, moi-même, quand il s'agit d'accordéon, je donne priorité au direct. Rien en effet ne peut tenir lieu de la réalité du concert. C'est bien pourquoi nous sommes à l'affut, en veille permanente, pour repèrer tout concert qui se donne dans un rayon raisonnable autour de Pau ou de Toulouse. Oui, mais, à la différence du comportement que je décrivais ci-dessus, on donne priorité au direct parce qu'il s'agit de plaisir, de sensations, de participation à un événement dont la finalité est esthétique. Priorité au direct - au live - parce qu'il s'agit de spectacle vivant.
Or, justement cette priorité légitime du direct pour un spectacle vivant donne la clé de l'inanité de l'information obsédée par la priorité du direct : une telle priorité dit en effet clairement que tout est spectacle, que le monde est spectacle. C'est pourquoi la priorité donnée au direct, c'est toujours finalement la priorité donnée à l'image. Une bonne information, c'est de l'image, donc de la sensation, de l'immédiat, de l'absence de sens. Je me demande si les journalistes qui font marcher ce dispositif de décervelage sont cyniques ou dupes de leur propre action. Sans doute les deux.
C'est ainsi qu'il y a quelques jours, au troisième jour de ce que j'appellerais pour aller vite "l'affaire DSK", les chaines en question avaient mis en place un dispositif identique : une table ronde d'experts animée par un journaliste de la rédaction à Paris, un envoyé spécial à New-York, des images diffusées en boucle, un texte défilant en bas de l'écran. J'ai vite compris que les experts avaient pour mission réelle, non de donner du sens aux informations, mais de combler le vide d'images instantanées. C'est ainsi qu'à plusieurs reprises, tel ou tel expert fut interrompu en pleine analyse par l'animateur proférant la phrase magique :"Excusez-moi !Priorité au direct ! ". Zoom sur l'envoyé spécial ou le correspondant permanent à New-York, qui le plus souvent doit avouer qu'il est loin de la scène, qui reprend des informations maintes fois répétées et qui redonne l'antenne à Paris où les experts reprennent leurs échanges, le plus souvent hypothètiques étant donné l'absence d'informations sur lesquelles réfléchir.
La machine à décerveler fonctionne à merveille. La religion du direct, c'est une machine à fabriquer en permanence le plein de vide.
Mais, alors même que je me livrais à cette réflexion, j'ai pris conscience que, moi-même, quand il s'agit d'accordéon, je donne priorité au direct. Rien en effet ne peut tenir lieu de la réalité du concert. C'est bien pourquoi nous sommes à l'affut, en veille permanente, pour repèrer tout concert qui se donne dans un rayon raisonnable autour de Pau ou de Toulouse. Oui, mais, à la différence du comportement que je décrivais ci-dessus, on donne priorité au direct parce qu'il s'agit de plaisir, de sensations, de participation à un événement dont la finalité est esthétique. Priorité au direct - au live - parce qu'il s'agit de spectacle vivant.
Or, justement cette priorité légitime du direct pour un spectacle vivant donne la clé de l'inanité de l'information obsédée par la priorité du direct : une telle priorité dit en effet clairement que tout est spectacle, que le monde est spectacle. C'est pourquoi la priorité donnée au direct, c'est toujours finalement la priorité donnée à l'image. Une bonne information, c'est de l'image, donc de la sensation, de l'immédiat, de l'absence de sens. Je me demande si les journalistes qui font marcher ce dispositif de décervelage sont cyniques ou dupes de leur propre action. Sans doute les deux.
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