dimanche 15 mai 2011

lundi 16 mai - habanera, bossa nova et bals à la papa

Je me rappelle avoir entendu pour la première fois "Habanerando" de Richard Galliano en écoutant son disque : "Passatori" avec les solistes de l'orchestre de Toscane. Titre 8, "Habanerando", 5:31, habanera pour bandonéon, harpe, piano et orchestre à cordes.  Plus récemment, nous l'avons entendu à Pau où Richard Galliano l'a interprété à l'accordéon avec l'orchestre de Pau Pays de Béarn. Hier encore nous l'écoutions, titre 4 du cd1 de "The essential".

On a parfois qualifié la habanera de musique facile ou de musique de casino. En fait, c'est plutôt d'un voyage en Andalousie imaginaire qu'il s'agit. Le programme du concert donné par Richard Galliano et l'OPPB parle, en substance, de danse reposant sur un rythme obstiné - on comprend pourquoi Ravel, l'auteur du célèbre "Boléro" a écrit une "Habanera pour deux pianos" - mais aussi de pesanteur et de nonchalance. Il parle aussi d'ostinato rythmique, proche du tango, produisant un effet hypnotique. Rien à ajouter, sinon que la pièce de Richard Galliano s'inscrit bien dans cette définition. "Habanerando" est fidèle à ces critères ; on peut dire que sa forme particulière est bien une expression concrète de l'essence même de la habanera. Il ne s'agit pas de pastiche, ni de plagiat, ni d'imitation servile, mais d'une traduction originale. Il ne s'agit pas d'une reprise de traits de surface de cette danse. Il s'agit d'une création actuelle qui s'inscrit dans la tradition de cette forme musicale et, en la prolongeant, la fait vivre. On imagine le travail d'appropriation que cela suppose de la part de Richard Galliano.

Il se trouve que, ces derniers jours, j'ai écouté à plusieurs reprises le titre 5. "Bossa Nova" de la monographie de Franck Bedrossian : "Manifesto". Je l'ai écouté spécialement pour retrouver le jeu de Pascal Contet. Je lis dans la présentation écrite :" Dans "Bossa Nova", le son de l'instrument [l'accordéon] est irisé, modifié par la profusion de gestes virtuoses, la superposition des timbres et des harmonies, et par l'opposition très rapide de différents registres.. Même si les éléments rythmiques (auxquels le titre fait iroiquement référence) et leur déploiement représentent une part importante du discours musical, leur présence participe également à la réalisation d'un son hybride, à la croisée des mondes acoustiques et électroniques".

Ce qui retient particulièrement mon attention dans ces quelques lignes, c'est la notion d'ironie. Il y a de la moquerie et de la raillerie dans l'ironie, mais ce n'est pas ce que je retiens ici. Ce que je retiens, c'est l'idée de distance, de recul, de posture critique. "Bossa Nova", c'est une manière de prendre cette forme comme objet et, si je puis dire, de la dé-construire pour faire émerger de sa mise en pièces une oeuvre nouvelle. Ce n'est pas la posture de Richard Galliano créant "Habanerando", mais c'est une posture que j'ai qualifiée dans un post précédent de "méta" pour signifier qu'elle a pour point de départ une forme musicale - la bossa nova - qu'elle traite comme un objet.

On a affaire à deux postures tout à fait différentes, mais j'observe que l'une et l'autre contribuent à la création d'oeuvres et donc à la vie musicale. Il est bon qu'elles coexistent. Mais, en me faisant cette réflexion, je m'avise qu'il faudrait sans doute ajouter à ces deux sources créatrices de musique une troisième, que je qualifierais volontiers de musique de bal à la papa. Ici, pas de création à proprement parler, mais en quelque sorte un témoignage obstiné, indéfiniment répété, de la vie de la musique. Des tubes, des tubes, des tubes... Un vrai pipe-line. Obstiné comme le rythme de la habanera ou du boléro. En tout cas, vivace, multiple, proliférant, si j'en juge d'après l'abondance des bals et concerts inscrits dans l' "Agenda" de la revue "Accordéon & accordéonistes".

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