samedi 10 août - à propos de stéphane delicq
J'ai dit, dans un article précédent, mon goût pour la musique de Stéphane Delicq et mon admiration pour ses qualités d'accordéoniste et de compositeur. Malgré mes efforts et mon obstination, je n'ai pu trouver de morceaux tirés de son album, que je préfère et que j'écoute présentement, "Douce". On trouve bien des extraits de telle ou telle composition, on trouve un document tiré d'un atelier, on trouve aussi "La discrète", mais rien sur "Douce".
En fait, je l'ai dit, cet album est de ceux qui m'ont le plus touché ; peut-être même est-il celui qui me touche le plus. J'y reviendrai. Mais d'ores et déjà, quand on regarde attentivement la composition de son quartet, on peut lire ceci :
- musiciens improvisateurs : Catherine Delaunay, clarinette, François Michaud, violon et alto, Nathanaël Malnoury, contrebasse, Stéphane Delicq, accordéon diatonique. Des noms qui permettent d'imaginer déjà la qualité de l'opus. Parmi les neuf titres, dont tous me plaisent, je retiens comme exceptionnels : 1.- "Les petites sœurs" (valse à 8 temps) ; 3.- "Aldebaran" (valse à 5 temps) ; 5.- "Douce" (valse à 5 temps) ; 8.-"Vivre" (valse à 5 temps) et 9.- "L'arentelle" (valse).
Outre la qualité objective de ces œuvres, deux "choses" me touchent au plan subjectif : de toute évidence, d'abord, la mort de Stéphane Delicq qui donne à ses compositions une dimension tragique. Une impression d'irréparable et en même temps ce miracle de pouvoir l'écouter encore et encore, même si la vie sous la forme de l'improvisation est absente. Définitivement ! Une fragilité obstinée. Le miracle de l'œuvre d'art, dont on peut dire, même si un jour elle disparait concrètement, qu'elle nous donne quelque intuition d'une éternité saisie dans l'instant de l'écoute. N'en resterait-il qu'un instant, il a l'évidence définitive de ce qui a été perçu beau.
Mais, au plan personnel et subjectif, autre "chose" me touche dans ces morceaux. Je leur associe spontanément une image, sans doute floue mais insistante. Un enfant, âgé de cinq ou six ans, marche auprès d'une dame, sa grand-mère, de mise modeste, mais soignée et même impeccable. Il lui tient la main ; il la serre un peu trop fort, comme s'il avait, sinon peur, du moins quelque crainte vague et confuse. Elle marche d'un pas égal et mesuré, mais encore trop vite pour les jambes de l'enfant. Ils vont ainsi dans une rue d'une banlieue résidentielle d'une ville indéfinie. Qui pourrait être Bordeaux si l'on en juge par l'allure de l'habitat. Ils marchent sous un soleil qui fait mal aux yeux. L'enfant n'a aucune idée de leur destination. Ils ne parlent pas. Ce comportement leur est d'ailleurs habituel : ils ne parlent pas ou peu. Difficulté à trouver les mots ou, déjà, chez l'enfant et chez la vieille dame, ce sentiment que parler est souvent une ruse pour ne pas penser, ni communiquer, au sens propre.
L'enfant, qui a le destin d'un enfant que l'on dit unique et que l'on devrait appeler un enfant solitaire, marche sans se retourner. C'est comme si le passé disparaissait sans retour ni traces derrière lui. Plus tard, beaucoup plus tard, cet enfant s'est étonné de n'avoir connu ni cousins, ni parents de sa génération. Il croyait cela normal et banal. De même, il a vécu sa scolarité solitaire ; de même, les vacances. Cette solitude ne lui paraissait pas étrange. Aujourd'hui, il se demande si c'était une force ou une faiblesse. Mais c'est une fausse alternative : en fait, c'était indissociablement, une force et une faiblesse.
Aujourd'hui, cet enfant, devenu adulte, a une affection particulière pour cette solitude. C'est une étrange compagne, sœur de l'ennui.
Cette solitude est présente, entre les lignes et entre les notes de tous les titres de "Douce". Cette perception donne forcément à cet album une aura singulière.
En fait, je l'ai dit, cet album est de ceux qui m'ont le plus touché ; peut-être même est-il celui qui me touche le plus. J'y reviendrai. Mais d'ores et déjà, quand on regarde attentivement la composition de son quartet, on peut lire ceci :
- musiciens improvisateurs : Catherine Delaunay, clarinette, François Michaud, violon et alto, Nathanaël Malnoury, contrebasse, Stéphane Delicq, accordéon diatonique. Des noms qui permettent d'imaginer déjà la qualité de l'opus. Parmi les neuf titres, dont tous me plaisent, je retiens comme exceptionnels : 1.- "Les petites sœurs" (valse à 8 temps) ; 3.- "Aldebaran" (valse à 5 temps) ; 5.- "Douce" (valse à 5 temps) ; 8.-"Vivre" (valse à 5 temps) et 9.- "L'arentelle" (valse).
Outre la qualité objective de ces œuvres, deux "choses" me touchent au plan subjectif : de toute évidence, d'abord, la mort de Stéphane Delicq qui donne à ses compositions une dimension tragique. Une impression d'irréparable et en même temps ce miracle de pouvoir l'écouter encore et encore, même si la vie sous la forme de l'improvisation est absente. Définitivement ! Une fragilité obstinée. Le miracle de l'œuvre d'art, dont on peut dire, même si un jour elle disparait concrètement, qu'elle nous donne quelque intuition d'une éternité saisie dans l'instant de l'écoute. N'en resterait-il qu'un instant, il a l'évidence définitive de ce qui a été perçu beau.
Mais, au plan personnel et subjectif, autre "chose" me touche dans ces morceaux. Je leur associe spontanément une image, sans doute floue mais insistante. Un enfant, âgé de cinq ou six ans, marche auprès d'une dame, sa grand-mère, de mise modeste, mais soignée et même impeccable. Il lui tient la main ; il la serre un peu trop fort, comme s'il avait, sinon peur, du moins quelque crainte vague et confuse. Elle marche d'un pas égal et mesuré, mais encore trop vite pour les jambes de l'enfant. Ils vont ainsi dans une rue d'une banlieue résidentielle d'une ville indéfinie. Qui pourrait être Bordeaux si l'on en juge par l'allure de l'habitat. Ils marchent sous un soleil qui fait mal aux yeux. L'enfant n'a aucune idée de leur destination. Ils ne parlent pas. Ce comportement leur est d'ailleurs habituel : ils ne parlent pas ou peu. Difficulté à trouver les mots ou, déjà, chez l'enfant et chez la vieille dame, ce sentiment que parler est souvent une ruse pour ne pas penser, ni communiquer, au sens propre.
L'enfant, qui a le destin d'un enfant que l'on dit unique et que l'on devrait appeler un enfant solitaire, marche sans se retourner. C'est comme si le passé disparaissait sans retour ni traces derrière lui. Plus tard, beaucoup plus tard, cet enfant s'est étonné de n'avoir connu ni cousins, ni parents de sa génération. Il croyait cela normal et banal. De même, il a vécu sa scolarité solitaire ; de même, les vacances. Cette solitude ne lui paraissait pas étrange. Aujourd'hui, il se demande si c'était une force ou une faiblesse. Mais c'est une fausse alternative : en fait, c'était indissociablement, une force et une faiblesse.
Aujourd'hui, cet enfant, devenu adulte, a une affection particulière pour cette solitude. C'est une étrange compagne, sœur de l'ennui.
Cette solitude est présente, entre les lignes et entre les notes de tous les titres de "Douce". Cette perception donne forcément à cet album une aura singulière.
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