lundi 22 août - sisyphe et l'accordéon
Dans son blog "Aimez-vous Galliano ?", Françoise a publié tout récemment un texte intitulé "Le mythe de Sisyphe". C'est une belle méditation sur ce mythe, sur le comportement et l'état d'esprit, disons le moral, de ce héros. Mais une méditation concrète, qui essaie de saisir la pertinence de ce mythe, de ce récit de vérité, au plan concret de nos activités, tâches et relations quotidiennes. Avec des hauts et des bas, comme aurait pu le dire Sisyphe de sa vie.
http://francoise-rebinguet.blogspot.com/2011/08/le-mythe-de-sisyphe.html
Un beau texte donc où, Françoise in fine s'adressant à Albert Camus, déclare avoir du mal à imaginer Sisyphe heureux. Déclaration argumentée de façon on ne peut plus convaincante. Convaincante aussi quand elle déclare, en revanche, n'avoir aucune peine à l'imaginer fatigué.
Mais, tout en la lisant et relisant, l'idée m'a traversé l'esprit que l'accordéon est bien le type même d'instrument sisyphéen. Pousser, tirer, activer le soufflet, sinon l'âme disparait et les lames sont comme mortes. Je n'ai aucune pratique de l'accordéon, mais je vois bien qu'il est muet si l'instrumentiste cesse son mouvement un instant. Si cet instrument avait été inventé dans l'Antiquité, nul doute que les dieux de l'Olympe aurait enchainé Sisyphe à cet instrument de torture. Quand c'est fini, on recommence. Mais en même temps, l'on vient bien alors que notre héros aurait trouvé son bonheur dans cette malédiction même. Sisyphe, non point remontant et remontant et remontant son rocher, mais Sisyphe lié à la vie à la mort à son accordéon, oui, on imagine Sisyphe heureux.
Au moment de quitter cette réflexion, moi qui encore une fois n'ai aucune pratique instrumentale, je me dis :"Combien d''accordéonistes, professionnels ou amateurs, de concerts ou de bal musette, qui maudissant et chérissant d'un même mouvement leur instrument sont des Sisyphes heureux !"
- Tous !
ps 1.- souvent, il nous est arrivé, à Françoise et moi-même, de penser à Sisyphe en évoquant la carrière et l'activité de Richard Galliano : à chaque jour son concert, à chaque jour l'épreuve de la remise en question radicale de son talent. Oui, mais, après le dernier rappel, quel bonheur de voir son rocher au sommet, en équilibre instable, juste un instant, avant de se rappeler que demain, dans un autre lieu, juste avant le début du concert le rocher sera là, impassible, lourd, énorme, de quoi vous tordre l'estomac, juste avant les premières notes, celles qui mettent le rocher en mouvement. Le reste est comme naturel.
ps2.- à la réflexion, je suis frappé par cete idée que jouer de l'accordéon, c'est, entre autres mouvements, plier / déplier / replier / plier / déplier / replier et ainsi de suite. Le pli est au coeur de la pratique de cet instrument. En ce sens, il est emblématique de la condition humaine qui, finalement, peut se décrire comme une succession ininterrompue de pliages, de dépliages et de repliages. L'accordéoniste, c'est le héros qui fait des plis avec son soufflet, qui le déplie puis le replie, sans pouvoir s'arrêter, comme Sisyphe avec son rocher.
http://francoise-rebinguet.blogspot.com/2011/08/le-mythe-de-sisyphe.html
Un beau texte donc où, Françoise in fine s'adressant à Albert Camus, déclare avoir du mal à imaginer Sisyphe heureux. Déclaration argumentée de façon on ne peut plus convaincante. Convaincante aussi quand elle déclare, en revanche, n'avoir aucune peine à l'imaginer fatigué.
Mais, tout en la lisant et relisant, l'idée m'a traversé l'esprit que l'accordéon est bien le type même d'instrument sisyphéen. Pousser, tirer, activer le soufflet, sinon l'âme disparait et les lames sont comme mortes. Je n'ai aucune pratique de l'accordéon, mais je vois bien qu'il est muet si l'instrumentiste cesse son mouvement un instant. Si cet instrument avait été inventé dans l'Antiquité, nul doute que les dieux de l'Olympe aurait enchainé Sisyphe à cet instrument de torture. Quand c'est fini, on recommence. Mais en même temps, l'on vient bien alors que notre héros aurait trouvé son bonheur dans cette malédiction même. Sisyphe, non point remontant et remontant et remontant son rocher, mais Sisyphe lié à la vie à la mort à son accordéon, oui, on imagine Sisyphe heureux.
Au moment de quitter cette réflexion, moi qui encore une fois n'ai aucune pratique instrumentale, je me dis :"Combien d''accordéonistes, professionnels ou amateurs, de concerts ou de bal musette, qui maudissant et chérissant d'un même mouvement leur instrument sont des Sisyphes heureux !"
- Tous !
ps 1.- souvent, il nous est arrivé, à Françoise et moi-même, de penser à Sisyphe en évoquant la carrière et l'activité de Richard Galliano : à chaque jour son concert, à chaque jour l'épreuve de la remise en question radicale de son talent. Oui, mais, après le dernier rappel, quel bonheur de voir son rocher au sommet, en équilibre instable, juste un instant, avant de se rappeler que demain, dans un autre lieu, juste avant le début du concert le rocher sera là, impassible, lourd, énorme, de quoi vous tordre l'estomac, juste avant les premières notes, celles qui mettent le rocher en mouvement. Le reste est comme naturel.
ps2.- à la réflexion, je suis frappé par cete idée que jouer de l'accordéon, c'est, entre autres mouvements, plier / déplier / replier / plier / déplier / replier et ainsi de suite. Le pli est au coeur de la pratique de cet instrument. En ce sens, il est emblématique de la condition humaine qui, finalement, peut se décrire comme une succession ininterrompue de pliages, de dépliages et de repliages. L'accordéoniste, c'est le héros qui fait des plis avec son soufflet, qui le déplie puis le replie, sans pouvoir s'arrêter, comme Sisyphe avec son rocher.
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