mercredi 8 juin 2011

mardi 7 juin - festival de trentels

J'ai déjà dit maintes fois mon affection particulière pour le festival de Trentels. Avant de revenir en détail sur les concerts et sur d'autres aspects de ce festival, je prends un peu de temps pour analyser mon sentiment. J'y vois trois raisons principales :

- la programmation stricto sensu, c'est-à-dire les cinq concerts,
- les occasions de renouer des liens d'amitié, qui se renforcent au fil des années, ou de faire de nouvelles connaissances,
- l'organisation, telle qu'elle apparait aux festivaliers que nous sommes, Françoise et moi.

La programmation est d'abord l'expression ou la réalisation de coups de coeur d'Anne-Marie. C'est clair comme de l'eau de roche. Du coup, la programmation a une vraie personnalité. Qui se manifeste d'ailleurs dans la présentation du festival sur le site : http://www.accordeon.catfamilie.com/

Un site qui, entre parenthèses, s'améliore d'année en année tant du point de vue informatif, qu'esthétique ou ergonomique. Sur ce site donc, le programme :

- le jeudi 2, à l'église de Landignac, en duo, Omar Hasan, chant, et Grégory Daltin, accordéon.
- le vendredi 3, Anne Niepold, puis le duo Gurzuf, un accordéoniste et un batteur venus de Biélorussie.
- le samedi 4, le trio Serge Lopez avec Jean-Luc Amestoy à l'accordéon, puis le Quartet Renaud Garcia-Fons avec David Venitucci.

En avant concert, à partir de 19 heures, on peut se restaurer d'assiettes - plat et dessert - en harmonie avec l'origine des musiciens, Biélorusses un jour, venus d'Espagne le lendemain. Et l'on se quitte, à regrets, vers une heure, après avoir prolongé le dernier concert par quelques échanges "à chaud"...

Le duo Omar Hasan - Grégory Daltin, c'est d'abord la célébration du tango. On croirait Omar Hasan tout d'un bloc, mais dès les premières notes il nous fait sentir la fragilité et l'humour qui sont l'essence de cette musique. Dire que Grégory Daltin l'accompagne serait trop peu dire. Je suis fasciné par le regard qu'il porte sans cesse vers Omar Hasan, un regard qui exprime une attention d'une intensité exceptionnelle et qui tisse entre eux une complicité rare. On a l'impression de les voir construire sur le vif le jeu qui va susciter nos émotions. Et puis, en solo, Grégory Daltin nous fait partager son admiration pour Galliano : "Tango pour Claude", "Aria" et, forcément, son Victoria. Avec, par instants, des stridences surprenantes.

Le second jour, d'abord Anne Niepold, puis le duo Gurzuf. Anne Niepold, je la classerais volontiers dans une catégorie que l'on pourrait nommer "néo-trad", que je rattache à un courant belge très vivace. Mais il y a aussi une autre facette de son talent, que je qualifierais de travail de déstructuration ou de déconstruction des standards. Je pense à des valses de Gus Viseur ou de Joss Baselli. J'ai été frappé, pendant ce concert, par le stress manifeste d'Anne Niepold et sa difficulté à "sentir" le public. Frappé aussi par ses références incessantes au duo qu'elle formait auparavant, comme si elle se sentait perdue en solo. Elle n'a pas compris que les gens étaient attentifs, ouverts, bienveillants ; elle n'a compris que tard qu'elle les enthousiasmait. Pendant ce concert, je me disais que son stress excessif devait gêner son expression et je le regrettais. A la réflexion, je me dis que ça n'est pas si simple : ce stress manifeste entre les morceaux, qu'elle présentait en quelques mots embarrassés, et non sans maladresse, c'est aussi ce qui animait son jeu, fragile, tendu, nerveux et qui m'a rendu attachante sa prestation.

Après un entr'acte, le duo Gurzuf. Un accordéoniste et un batteur. Comment dire ? Sachant qu'ils venaient de l'Est, j'ai pensé aux hordes d'Attila. J'ai même eu parfois l'impression de me trouver cloué contre un mur par la masse des décibels qu'ils produisaient. Pour vous dire, j'ai découpé une serviette en papier sous forme de boules Quiès, ce qui me permet aujourd'hui d'avoir conservée intacte mon acuité auditive. Et plusieurs de mes voisins m'ont su gré d'avoir eu cette intiative. Bref, Gurzuf c'est un coup de poing dans la gueule. Et quand je dis un, je pense une certain nombre. On sort d'un tel concert un peu sonné, mais content d'avoir fait l'expérience. Evidemment, il ne s'agit pas de belles mélodies, mais en revanche quelle énergie ! Avec un certain art du ressassement, du genre "Enfoncez-vous ça dans la tête".

Le lendemain, le trio Serge Lopez - guitare, basse, batterie - avec en guest star Jean-Luc Amestoy. Pour le coup, les belles mélodies, on les a. Mélodie et perfection technique. On écoute avec bonheur des compositions de Jean-Luc et l'on admire comment le trio les met en valeur. Et réciproquement. On a affaire à une musique du sud. On est en pays de connaissance. On se dit que décidément Jean-Luc est trop rare et l'on savoure chaque instant, sans en perdre une miette.

Et puis, c'est déjà le dernier concert. Le quartet Renaud Garcia-Fons qui interprète "La Linea del Sur". On peut parler de classicisme. Une impression de formation réglée au millimètre, quelque chose de très professionnel au service d'une vraie création. Par création, j'entends que l'on assiste, de morceau en morceau, à la construction d'un monde. Cohérence et imaginaire du sud. Et puis, il y a David Venitucci, que nous admirons de plus en plus. Une présence sobre, mais quelle efficacité ! Juste ce qu'il faut. Juste, voilà le mot. Plus que du travail bien fait, une présence !

Inutile d'en dire plus, ce dernier soir nous a éblouis. Si j'ajoute que Nadja, Charlotte et Camille s'étaient jointes à nous pour ce moment de bonheur, on peut parler de moment de bonheur au carré. Du coup, on n'arrivait pas à partir. Personne ne voulait rompre le charme.

Autre raison majeure d'apprécier le festival de Trentels : c'est l'occasion de renforcer des liens d'amitié noués de longue date maintenant ou de "se faire de nouveaux copains" à partir de notre passion commune pour l'accordéon. Je pense à Anne-Marie, à André, à Bernard, à Hélène, à Jean-Marc, à Elisabeth, à Stéphane, qui sait si bien redonner vie aux accordéons ; je pense à bien d'autres personnes, dont le prénom m'échappe. Je pense à tous ces gens avec qui, chemin faisant, j'ai échangé quelques mots et partagé beaucoup d'impressions. Je pense aussi à Jean-Luc Amestoy ou à David Venitucci ou encore à Renaud Garcia-Fons, avec qui nous avons pu discuter longuement. Leur gentillesse, leur disponibilité, leur amabilité me touche toujours. Et je sais, par les stagiaires qu'ils accompagnent de leurs conseils, combien ils sont attentifs à chacun. C'est pourquoi, à Trentels, j'ai l'impression d'être sur une autre planète où les rapports humains ne me paraissent plus déterminés par le seul souci de la rivalité ou de la compétition. Non plus chacun contre tous, mais tous ensemble autour d'une passion commune.

J'en viens à la troisième raison d'aimer "Trentels" : l'organisation en est parfaite. L'articulation entre les moments de stage et de concerts, entre ceux-ci et les repas qui les précèdent, entre les moments informels, de quasi autogestion pour les stagiaires, et le respect, autant que faire se peut, des horaires annoncés ; la danse des bénévoles, les uns à la restauration, les autres à la répartition des spectateurs, d'autres encore aux tâches techniques, d'autres enfin chargés de coordonner toutes les actions... Tout cela forme une sorte de ballet où tout semble s'organiser spontanément. Il n'en est rien bien sûr, mais c'est l'un des charmes de ce festival : chacun s'efforcer de masquer toute trace d'effort et de se présenter toujours tout sourire. Forcément, cette impression contribue à me laisser croire qu'on est sur une autre planète.

Dernier souvenir : Elisabeth avait amené dans ses bagages un documentaire sur Richard Galliano au pays du forro, un film d'une heure et quart environ. Un beau document. Il fallait absolument en faire profiter le plus grand nombre. Une affichette annonçant l'heure et le lieu de diffusion, le bouche à oreille... Comme une pièce de puzzle, la séance s'est insérée dans le cours programmé du festival, pour notre plus grand plaisir. Organisation flexible, gentillesse constante.... C'est ça "Trentels"...

J'ajoute que dimanche nous sommes passés sur le site du festival, le temps de déjeuner avec les stagiaires et des musiciens, et puis nous sommes repartis vers Pau sur le coup de 13h30. Quant à Nadja, Charlotte et Camille, elles sont restées jusqu'à 16h30, incapables de se décider à quitter les lieux où stagiaires et artistes, soit ensemble, soit spontanément se sont livrés à une sorte de boeuf. Elles m'ont avoué que le réveil, lundi matin, avait été plutôt rude. Charlotte m'a demandé : "Dis Papou, on reviendra l'année prochaine ?". Forcément !

Bon ! Maintenant, il me reste à trier les photographies que j'ai prises au cours de ces soixante-douze heures. Ce ne sera pas un travail simple ni facile, mais je compte bien le mener à bout et en tirer quelques photonotes pour essayer de restituer quelques traces des cinq concerts, en particulier des attitudes et des comportements des accordéonistes.

Dernier mot. On pourrait croire mon enthousiasme exagéré. En réalité, un fait suffit à montrer que je le partage avec beaucoup de gens : le nombre des réservations, qui ont fait exploser les prévisions des organisateurs. C'est plus qu'un signe, c'est une preuve !

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