mercredi 24 février - concert privé
Il y a quelques jours, c'était le lendemain de notre retour de Toulouse, il était sept heures du soir, je sortais la poubelle, monsieur L..., notre voisin, itou. La sortie des poubelles, le lundi et le jeudi soirs, est l'occasion de se saluer et d'échanger quelques mots, histoire d'entretenir la convivialité. C'est aussi l'occasion pour monsieur L... de m'informer sur l'avancée de son "travail".
- Pendant votre absence, tout en jetant un oeil sur votre maison depuis ma véranda, j'ai avancé... Quand vous voudrez... "
Sous-entendu, j'ai répété, répété, répété... Ce que me confirme par ailleurs sa femme de ménage qui, dit-elle, ne le voit plus, même si elle l'entend. Elle ajoute parfois :"Dix fois, vingt fois le même air... C'est joli, mais ça finit par faire beaucoup". J'ai répété et donc je suis assez au point pour que l'on se retrouve pendant une heure, si vous le voulez bien (monsieur L..., sans être vieille France, est d'une exquise courtoisie).
Rendez-vous pris, nous nous retrouvons bientôt chez notre voisin, dans une pièce de dimensions assez réduites, décorée de tapisseries où figurent toujours des musiciens, avec comme ameublement une table, des fauteuils, un tabouret de pianiste et le piano qui va avec, une table et un ordinateur avec son imprimante. Beaucoup de photos de jeunes gens jouant les uns du violon, les autres du piano, et parmi ces photographies quelques unes de monsieur L... jouant de divers accordéons. Sur la table, plein de photocopies de partitions.
Il y a quelques temps, notre voisin nous avait fait cadeau d'une cassette sur laquelle il avait enregistré deux morceaux qu'il nous avait dédiés :
- Valse à Françoise, de 0 à 90
- Valse à Michel, de 92 à 164
Nous les écoutons sur son lecteur-entegistreur Sony. Le son n'est pas très fidèle ; il y a des bruits parasites. Mais l'émotion est bien là. Monsieur L... se réjouit de notre présence, d'abord parce que c'est l'occasion pour lui de "faire un peu de musique vivante", ensuite parce que je vais l'aider à faire les enregistrements qu'il a préparés en étant libéré des soucis techniques (mettre en pause, puis play et enregistrer, puis libérer la pause, etc... Remettre la pause en fin de morceaux... Eviter les "clocks" en maniant les touches avec doigté). En tout cas, je me sens investi d'une mission sinon suffisante, du moins nécessaire.
Après quelques minutes de tâtonnements, soit pour raviver la mémoire, soit pour "chauffer" le majeur récalcitrant, ou tout simplement perclus de rhumatismes, de la main droite, il est temps de passer à l'enregistrement. Trois prises seront nécessaires.
- Une polka, de 165 à 180
Puis, toujours trois prises...
- Un circasien, de 181 à 196
On sent bien que tout cela demande de grands efforts, efforts de concentration, efforts physiques... La fatigue rôde, lourde et pesante. Le majeur n'en fait qu'à sa tête. Sa mécanique échappe à tout contrôle volontaire. Monsieur L... multiplie les tâtonnements et les essais. Une hésitation. On essaie encore un coup. Faut y aller. On y va !
- Valse à Astrid, de 198 à 204
La dernière ligne droite est longue. Et tout à coup, surgi de nulle part, comme une éclat lumineux...
- Esperenza, de 204 à 221.
- "Vous connaissez ?"
- "Oui, je me rappelle une très belle version de Marc Perrone". Monsieur L... ne connait pas Marc Perrone. Il joue de l'accordéon. Il n'en écoute que dans l'intention d'apprendre de nouveaux morceaux "à l'oreille". Je n'insiste pas pour lui en faire écouter. A quoi bon ? Son plaisir, c'est de jouer. Pas d'écouter.
Pour finir, une petite variante d'"Esperenza", une variante à cause des problèmes de doigts.
- Esperenza, de 222 à 233.
Il est temps de ranger le matériel, accordéon et lecteur-enregistreur ; il est temps de partager ce vieux Banyuls que nous avons apporté. Monsieur L... ouvre trois boites de biscuits d'apéritif. Il me demande si j'ai vu le match... Comprendre : le match du tournoi des VI nations entre la France et l'Irlande. "Oui, je l'ai vu". Nous échangeons nos impressions. On en vient à parler de football : je suis Bordeaux, car, moi-même, bordelais d'origine, j'allais à Lescure avec mon père dès l'âge de sept ans. C'était en 50. On parle de Rennes et de Nancy où monsieur L... a résidé pour exercer son métier.
La nuit est tombée. "Non, merci, pas de second verre ; il est temps de traverser la rue et de rejoindre nos pénates. A bientôt. Merci encore..."
Il nous dit :"Merci à vous". On sent bien que ça n'est pas pure politesse. Françoise se met à la cuisine ; je ferme les volets. Il y a comme une légèreté très particulière de l'air. On respire bien !
- Pendant votre absence, tout en jetant un oeil sur votre maison depuis ma véranda, j'ai avancé... Quand vous voudrez... "
Sous-entendu, j'ai répété, répété, répété... Ce que me confirme par ailleurs sa femme de ménage qui, dit-elle, ne le voit plus, même si elle l'entend. Elle ajoute parfois :"Dix fois, vingt fois le même air... C'est joli, mais ça finit par faire beaucoup". J'ai répété et donc je suis assez au point pour que l'on se retrouve pendant une heure, si vous le voulez bien (monsieur L..., sans être vieille France, est d'une exquise courtoisie).
Rendez-vous pris, nous nous retrouvons bientôt chez notre voisin, dans une pièce de dimensions assez réduites, décorée de tapisseries où figurent toujours des musiciens, avec comme ameublement une table, des fauteuils, un tabouret de pianiste et le piano qui va avec, une table et un ordinateur avec son imprimante. Beaucoup de photos de jeunes gens jouant les uns du violon, les autres du piano, et parmi ces photographies quelques unes de monsieur L... jouant de divers accordéons. Sur la table, plein de photocopies de partitions.
Il y a quelques temps, notre voisin nous avait fait cadeau d'une cassette sur laquelle il avait enregistré deux morceaux qu'il nous avait dédiés :
- Valse à Françoise, de 0 à 90
- Valse à Michel, de 92 à 164
Nous les écoutons sur son lecteur-entegistreur Sony. Le son n'est pas très fidèle ; il y a des bruits parasites. Mais l'émotion est bien là. Monsieur L... se réjouit de notre présence, d'abord parce que c'est l'occasion pour lui de "faire un peu de musique vivante", ensuite parce que je vais l'aider à faire les enregistrements qu'il a préparés en étant libéré des soucis techniques (mettre en pause, puis play et enregistrer, puis libérer la pause, etc... Remettre la pause en fin de morceaux... Eviter les "clocks" en maniant les touches avec doigté). En tout cas, je me sens investi d'une mission sinon suffisante, du moins nécessaire.
Après quelques minutes de tâtonnements, soit pour raviver la mémoire, soit pour "chauffer" le majeur récalcitrant, ou tout simplement perclus de rhumatismes, de la main droite, il est temps de passer à l'enregistrement. Trois prises seront nécessaires.
- Une polka, de 165 à 180
Puis, toujours trois prises...
- Un circasien, de 181 à 196
On sent bien que tout cela demande de grands efforts, efforts de concentration, efforts physiques... La fatigue rôde, lourde et pesante. Le majeur n'en fait qu'à sa tête. Sa mécanique échappe à tout contrôle volontaire. Monsieur L... multiplie les tâtonnements et les essais. Une hésitation. On essaie encore un coup. Faut y aller. On y va !
- Valse à Astrid, de 198 à 204
La dernière ligne droite est longue. Et tout à coup, surgi de nulle part, comme une éclat lumineux...
- Esperenza, de 204 à 221.
- "Vous connaissez ?"
- "Oui, je me rappelle une très belle version de Marc Perrone". Monsieur L... ne connait pas Marc Perrone. Il joue de l'accordéon. Il n'en écoute que dans l'intention d'apprendre de nouveaux morceaux "à l'oreille". Je n'insiste pas pour lui en faire écouter. A quoi bon ? Son plaisir, c'est de jouer. Pas d'écouter.
Pour finir, une petite variante d'"Esperenza", une variante à cause des problèmes de doigts.
- Esperenza, de 222 à 233.
Il est temps de ranger le matériel, accordéon et lecteur-enregistreur ; il est temps de partager ce vieux Banyuls que nous avons apporté. Monsieur L... ouvre trois boites de biscuits d'apéritif. Il me demande si j'ai vu le match... Comprendre : le match du tournoi des VI nations entre la France et l'Irlande. "Oui, je l'ai vu". Nous échangeons nos impressions. On en vient à parler de football : je suis Bordeaux, car, moi-même, bordelais d'origine, j'allais à Lescure avec mon père dès l'âge de sept ans. C'était en 50. On parle de Rennes et de Nancy où monsieur L... a résidé pour exercer son métier.
La nuit est tombée. "Non, merci, pas de second verre ; il est temps de traverser la rue et de rejoindre nos pénates. A bientôt. Merci encore..."
Il nous dit :"Merci à vous". On sent bien que ça n'est pas pure politesse. Françoise se met à la cuisine ; je ferme les volets. Il y a comme une légèreté très particulière de l'air. On respire bien !
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