samedi 5 septembre - à propos des saisons de vivaldi et de piazzolla
Comme nous discutions encore une fois, Françoise et moi, du concert de samedi dernier à Hendaye, nous avons pris conscience de différences essentielles entre les quatre saisons de Vivaldi et les saisons de Piazzolla en dépit de l'identité de leur thème. Passons sur le fait - qui reste encore à expliquer pour nous - que Piazzolla n'a, à ma connaissance, jamais joué ensemble la suite de ses saisons, alors que les quatre concertos de Vivaldi se donnent généralement comme les quatre volets d'une même oeuvre. Bien plus, les concertos de Vivaldi sont interprétés dans l'ordre, du printemps à l'hiver, alors que l'ordre naturel ne fonctionne pas comme un principe organisateur dans le cas des pièces de Piazzolla. Par exemple, Richard Galliano, dans "Piazzolla Forever Septet", donne en 1 "Verano Porteno", en 2 "Primavera Portena", puis en 18 "Invierno Porteno" et en 19 "Otono Porteno". Quand on connait les relations entre Galliano et Piazzolla, on peut être assuré que Richard ne se serait pas permis d'aller contre l'intention et la volonté d'Astor. En revanche, je dois reconnaitre que dans son disque "Piazzolla - Tschaikowsky, Jahreszeiten" avec le Philharmonische Cellisten, Alfredo Marcucci propose comme ordre celui des saisons. Disons que chez Vivaldi la structure détermine la succession des éléments, alors que chez Piazzolla les pièces du puzzle sont données indépendantes. A charge pour l'interprète de fabriquer son propre puzzle. Passons aussi sur cette autre caractéristique, à savoir que les saisons de Vivaldi ne sont pas localisées, même si l'on sait bien qu'il s'agit de l'Italie, alors que celles de Piazzolla sont associées à Buenos-Aires (cf. l'adjectif "porteno").
Ce qui finalement me frappe le plus, ce qui à mon sens différencie radicalement les deux compositions, c'est la caractéristique suivante : chez Vivaldi, chaque concerto est précédé d'un sonnet, lu à haute voix en préambule, qui non seulement évoque, mais même impose à l'imagination de l'auditeur une description figurative très détaillée des images auxquelles le compositeur s'est réfèré. La musique a une fonction illustrative. Le sens est préalable à l'interprétation. Le sens est contenu dans un discours, dans des mots et dans des phrases. On peut dire que, quant à la signification de l'oeuvre, la musique est inféodée au texte. Du coup, il sera d'autant plus difficile, à l'écoute des différents concertos, d'imaginer d'autres images. On a affaire à une sorte de chaine descendante du sens : intention explicite de l'auteur, traduction par les musiciens, réception par l'auditeur. Il n'y a pas plus de sens chez l'auditeur que chez l'auteur. L'auteur est moins acteur que récepteur. On court donc toujours le risque d'une déperdition de sens entre l'idée et l'intention de l'auteur d'une part, et le sens perçu par l'auditeur d'autre part.
Il en va tout autrement chez Piazzolla. Le titre de chaque saison fonctionne pour l'auditeur comme un simple signal, comme une indication ouverte, comme une proposition. Il suggère des atmosphères ; il n'impose pas telle ou telle représentation. Du coup, l'auditeur est très libre d'évoquer les images que font naître en lui ces suggestions. Bien entendu, Piazzolla est bien le compositeur, le créateur premier de l'oeuvre, mais l'auditeur est mis en situation de devoir jouer son rôle d'acteur et pourquoi pas d'auteur, à son tour. J'oserais dire qu'avec Piazzolla l'auditeur est sommé de s'autoriser à imaginer chaque saison à sa guise. Cette position de l'auditeur, non plus simple récepteur plus ou moins cultivé et éclairé, mais acteur, voire auteur de son écoute, cette position, à l'opposé de la structure des quatre saisons, me parait signer la modernité de Piazzolla.
Finalement, je comprends mieux maintenant comment les deux parties du concert proposaient deux postures d'écoute différentes, voire opposées, et par conséquent deux situations de plaisirs différentes. A la réflexion, il me semble qu'implicitement, comme en filigrane, sur le moment, j'ai senti cela, sans en avoir alors pleinement conscience. Cette prise de conscience, par sa dimension réflexive et analytique, ajoute à mon plaisir. On ne se refait pas !
Ce qui finalement me frappe le plus, ce qui à mon sens différencie radicalement les deux compositions, c'est la caractéristique suivante : chez Vivaldi, chaque concerto est précédé d'un sonnet, lu à haute voix en préambule, qui non seulement évoque, mais même impose à l'imagination de l'auditeur une description figurative très détaillée des images auxquelles le compositeur s'est réfèré. La musique a une fonction illustrative. Le sens est préalable à l'interprétation. Le sens est contenu dans un discours, dans des mots et dans des phrases. On peut dire que, quant à la signification de l'oeuvre, la musique est inféodée au texte. Du coup, il sera d'autant plus difficile, à l'écoute des différents concertos, d'imaginer d'autres images. On a affaire à une sorte de chaine descendante du sens : intention explicite de l'auteur, traduction par les musiciens, réception par l'auditeur. Il n'y a pas plus de sens chez l'auditeur que chez l'auteur. L'auteur est moins acteur que récepteur. On court donc toujours le risque d'une déperdition de sens entre l'idée et l'intention de l'auteur d'une part, et le sens perçu par l'auditeur d'autre part.
Il en va tout autrement chez Piazzolla. Le titre de chaque saison fonctionne pour l'auditeur comme un simple signal, comme une indication ouverte, comme une proposition. Il suggère des atmosphères ; il n'impose pas telle ou telle représentation. Du coup, l'auditeur est très libre d'évoquer les images que font naître en lui ces suggestions. Bien entendu, Piazzolla est bien le compositeur, le créateur premier de l'oeuvre, mais l'auditeur est mis en situation de devoir jouer son rôle d'acteur et pourquoi pas d'auteur, à son tour. J'oserais dire qu'avec Piazzolla l'auditeur est sommé de s'autoriser à imaginer chaque saison à sa guise. Cette position de l'auditeur, non plus simple récepteur plus ou moins cultivé et éclairé, mais acteur, voire auteur de son écoute, cette position, à l'opposé de la structure des quatre saisons, me parait signer la modernité de Piazzolla.
Finalement, je comprends mieux maintenant comment les deux parties du concert proposaient deux postures d'écoute différentes, voire opposées, et par conséquent deux situations de plaisirs différentes. A la réflexion, il me semble qu'implicitement, comme en filigrane, sur le moment, j'ai senti cela, sans en avoir alors pleinement conscience. Cette prise de conscience, par sa dimension réflexive et analytique, ajoute à mon plaisir. On ne se refait pas !
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