lundi 13 avril - le migrant à l'accordéon
Mercredi 8 avril. 11 heures 20. Charlotte et Camille tournent dans leur nacelle, qui tourne dans le manège de chevaux de bois installé sur les allées de Tourny. Au bout du cinquième tour, elles descendront, l'estomac un peu chamboulé. Le sol des allées leur semble instable. Les arbres ne sont pas tout à fait verticaux. Ils hésitent à pencher tantôt à droite, tantôt à gauche. Au-delà du manège, à droite, on aperçoit la colonnade du Grand-Théâtre. Un son familier, d'abord incertain, puis de plus en plus identifiable, nous parvient. Il s'agit bien d'un accordéon.
Attiré par la musique, une sorte de musette des Balkans ou d'accordéon des Balkans façon musette, je vois l'accordéoniste, devant l'entrée du Grand-Théâtre. Il se confond avec la pierre du bâtiment. Il est pour ainsi dire transparent. Les gens qui passent n'ont pas un regard vers lui. L'entendent-ils seulement ?
Au fur et à mesure de mon approche, son image se précise. Son Balkan-musette aussi.
Je dépose quelques euros dans la boite posée à ses pieds et je lui demande la permission de le photographier tout en manifestant mon intérêt pour sa musique. Il a cet air étrange des gens venus d'ailleurs, de quelque part, et qui vont autre part. Comment le désigner ? Immigrant, immigré, émigrant, émigré ? Aucune de ces dénominations n'est indifférente, ni neutre. Chacune est lourde d'une signification idéologique. Pour ma part, je dirais volontiers qu'il s'agissait d'un migrant, quelqu'un qui fait partie d'un vaste peuple qui se déplace. Un peuple, plus exactement une population, des individus, à peine des personnes, sans lieu : des gens dont l'identité, sinon la nature, est de se déplacer.
Que ce soit à Paris, à Toulouse ou à Bordeaux, je suis frappé par ces gens venus des Balkans ou peut-être de Turquie ou du Kurdistan ou de l'Ukraine ou d'ailleurs, qui surgissent aux carrefours pour laver les vitres des voitures, qui mendient devant les boulangeries ou aux portes des agences postales, qui jouent de l'accordéon ou du violon aux carrefours ou aux entrées du métro. Après avoir pris quelques images, je me rends compte que je rêve. Il est temps d'aller retrouver Charlotte et Camille sur leur manège. Il est temps de songer à aller manger avant de rejoindre le conservatoire et Bruno Maurice.
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