lundi 16 mars 2009

lundi 16 mars - bruno, stéphane, michel, pulcinella et les autres

- Alors ? Ce week-end ?
- Tu as un peu de temps ?
- Oui… j’imagine, si tu me poses cette question, que tu as pas mal de choses à me raconter !
- Tout juste. Pour l’instant, ça se bouscule un peu dans ma tête ; je vais essayer de te faire un récit chronologique. Tu trouveras plus tard des photonotes, mais pour l’instant je classe, je trie et j’essaie de choisir les photographies les plus significatives. Celles qui cristallisent un instant d’émotion. Je te téléphonerai demain pour te donner des nouvelles de mes parents, que je suis allé voir samedi en soirée et dimanche en début d’après-midi, mais ne mélangeons pas tout… Donc, départ vendredi de Pau à 9h30. Arrivée à Bordeaux à 12h45. Je te rappelle : Pau-Bordeaux, 200 kms. Des camions, quelques caravanes, des limitations de vitesse à tout bout de champ et quelques déviations à cause des travaux de la future autoroute. Un parcours limpide comme tu peux l’imaginer. A titre de comparaison : Pau-Perpignan, 400 kms, 3h15 ; Pau-Bordeaux, 200 kms, 3h15, avec les risques en prime. Un peu après 13 heures, bagages déposés à l’hôtel, voiture garée, déjeuner rapide dans un restaurant face à la gare. Déjeuner en terrasse. Le soleil dans les assiettes. Deux cafés bien serrés. On a repéré une exposition au Musée des Beaux Arts : « Sur les quais ». Sous-titre : « Ports, docks et dockers ; 1860-1940 ; peintures, sculptures, films, photographies ». Du 5 mars au 14 juin. Très intéressant. Je te le recommande. Beaucoup d’œuvres. On avait pris le tram, mais… Porte de Bourgogne… « Un incident… un aiguillage… ». Bon, on a compris. Pedibus. Après l’exposition, une limonade, place Tourny, et toujours pedibus on rejoint, rue Vergniaud, le local de l’association « Eclats » vers 17 heures. Concert de Bruno Maurice et Dominique Descamps. En fait, ce concert, c’était le but de notre venue à Bordeaux : « Bagatelles » pour accordéon et hautbois. « Aux bagatelles de Ligeti, ludiques et jubilatoires, répondent en échos des lieder de Schubert ». Une petite heure, un plaisir multiple : quelques mots échangés avec Bruno et Eléonore avant le concert lui-même, plaisir de la rencontre, plaisir d’échanger des riens (par exemple, pour éviter les encombrements, Bruno, Eléonore et l’accordéon de concert se sont fait voiturer par un « vélopolitain », une sorte de vélo-taxi ; Eléonore a finalisé son site d’astuces. Je l’ai noté en spécial copinage le 14 mars), plaisir de la découverte : la rencontre de l’accordéon et du hautbois, plaisir de l’alternance entre Ligeti et Schubert. Mais ce n’est pas tout. Tu sais à quel point j’enrage de voir comment les hommes politiques et les journalistes ont dévoyé le mot pédagogie. La pédagogie, aujourd’hui, dans leur tête et dans leur bouche, c’est de la communication, une manière de bien vouloir s’abaisser jusqu’au peuple pour lui faire avaler couleuvres et sornettes. Mais le peuple est si con, comme tu le sais, que c’est bien dur pour eux de se faire comprendre. Bref, un détournement de sens… Eh bien, si tu avais vu le public de ce concert, un grand nombre d’enfants heureux, leurs parents enchantés, deux retraités admiratifs et deux concertistes simples, gentils, virtuoses, tu aurais compris ce que c’était que la pédagogie. Non pas en paroles et en ruses, mais en acte. Mais ce n’est pas tout…
- Ah bon !
- Ce concert a été l’occasion de rencontrer Stéphane Morel, qui s’est installé à Lormont, rive droite de la Garonne. J’en ai parlé le 22 février : l’atelier de lou Morel à Bordeaux. Rencontre immédiatement sympathique. A la fin du concert, j’ai compris, en quelques mots, comment une approche analytique et technique, disons experte, pouvait donner du sens, de la densité et de la profondeur à l’écoute. Manière de redoubler le plaisir. Sans pédantisme, avec précision. Vous avez dit « pédagogie ? ».
- Vous ne deviez pas aller visiter son atelier ? Il me semble que vous en aviez fait le projet…
- Oui, mais les incidents de tram nous en ont dissuadés. Lormont, la mairie de Lormont, c’est une demi-heure de trajet… On n’a pas pris le risque de rentrer à pieds. Mais, du coup, tout le monde s’est retrouvé au conservatoire où Michel Macias animait une master classe avec Damien Paradisi, le collègue ès accordéon de Bruno. Bref, c’était l’occasion de tester les astuces d’Eléonore. On a diné et fini la soirée dans un restaurant à tapas, cours Victor Hugo, près de la porte de Bourgogne, « Los Dos Hermanos ». Un guitariste à la chevelure noire abondante, plutôt replet et assez dodu, nous a distillé son répertoire latino et in fine a interprété à notre demande « Besame mucho". Vous avez dit « trémolos » ? Jusque vers onze heures et demie.
- C’était une bonne adresse ?
- Extra ! Un mot encore… A propos de pédagogie : les discussions à bâtons rompus entre Stéphane et Michel à propos d’accordéons, c’était encore de la pédagogie en acte. J’ai appris, en les écoutant, plein de choses intéressantes. Simplement en les écoutant… Simplement parce qu’ils sont compétents… eux...
- Je sens que tu n’as pas encore fini de régler ton problème avec les politiques…
- Bon ! samedi matin, nous avons eu envie de faire un tour dans Bordeaux. Le tram fonctionnait impeccable. Va savoir pourquoi, mais nos pas nous ont conduits à la boutique Harmonia Mundi. Le hasard. Là, au milieu de la vitrine, le dernier opus de Renaud Garcia-Fons, « La Linea del Sur ». Un quartet avec Daniel Venitucci à l’accordéon. On se rappellera que ce disque vient de Bordeaux. Vers midi, on sort la voiture du garage de l’hôtel. Pas question de rentrer par la route de l’aller. On décide de rentrer par la route des landes de Gironde. La Brède - le château de Montesquieu -, Belhade, Argelouse, Sore, Luxey, Roquefort…
- Et alors ?
- Une route ravagée, sinistrée, bien au-delà de ce que l’on imaginait. Des villages en léthargie avec des panneaux « à vendre » sur un nombre incroyable de maisons ; les cafés et les hôtels, fermés. Beaucoup de poteaux sont encore brisés ou arrachés, les fils électriques et de téléphone au sol. Les arbres sont soit brisés à mi-hauteur, soit déracinés. C’est un fouillis inextricable, impénétrable. On a vu, de nos yeux vu, ce que signifiait « des parcelles détruites à 100% ».
- Quelle idée de passer par ces routes !
- En fait, rappelle-toi, une journée des « accordéons Daqui » était prévue à Luxey début février, une semaine avant la tempête. Evidemment, c’est repoussé… mi-mai, je crois savoir… On a donc voulu voir ce pays. Et on a vu. Pendant tout ce trajet, je me demandais ce qu’avait dû être la nuit pour les habitants des fermes isolées, le bruit des arbres qui sont hachés net ou qui s’abattent, racines à l’air. On avait emporté des disques, on voulait écouter « La Linea… ». Impossible. Note que l’on n’avait rien écouté non plus à l’aller. « King Size » en slalomant entre camions à remorques et caravanes hollandaises, non merci.
- Si vous êtes partis vers midi, vous avez déjeuné en route ou sauté le repas ?
- On a déjeuné à Belhade. Une auberge dans un airial, dénommée "Euloge". Un rendez-vous de chasseurs et de seniors friqués. On n'est pas chasseurs, ni particulièrement friqués. La serveuse est étonnée, car nous nous contentons d'un plat : un pavé de bar avec ses petits légumes, d'un pichet de vin de bordeaux et d'un café. C'est assez pour une halte-repas. Assez pour nous. Rien à voir avec l'appétit des chasseurs et des vieux : apéritif, entrées, plat principal, fromages et dessert, vin vieux, armagnac ou cognac et café. Mon imagination est impuissante à se représenter leur tuyauterie. Il faudrait un Rabelais pour décrire cette tripaille en activité.
- Mais… quand es-tu allé voir tes parents ?
- En soirée… et dimanche en tout début d’après-midi. Mais je te rappellerai pour t’en parler. Donc, j’enchaine. Dimanche matin, on écoute en boucle les deux Tricycle, « Orange for Tea » et « King Size ». Ma perception est, si j’ose dire, fascinée par le jeu du trio, je veux dire qu’il s’agit d’un trio, avec trois pôles, non d’un trio avec un leader et deux acolytes. Je pense à Verlaine, à ces vers de son Art poétique : « De la musique avant toute chose / Et pour cela préfère l’Impair ». Du coup, j’écoute en particulier « Orange for Tea » en contemplant une photographie en noir et blanc du trio, que je trouve tout à fait emblématique de cette unité, et « King Size » en portant attention à tout ce qu’apportent les invités. Je trouve que c’est en effet une réussite d’avoir ainsi su complexifier l’équilibre du premier disque sans le rompre. Après l’intermède auprès de mes parents, en route pour Orthez, à une quarantaine de kilomètres de Pau par l’autoroute.
- Quoi encore ?
- Pulcinella…
- Ah bon !
- Oui, oui, dans le cadre d’un festival de très bonne tenue, « Jazz Naturel » ou quelque chose comme ça… Pulcinella, tu le sais, j’adore. Je les trouve "de plus en plus meilleurs". Tu vois ce que je veux dire ?
- J’essaie…
- On arrive vers 16h30 pour 17h30. Les places sont numérotées. On va boire un coup. Les bistrots sont animés. Le XV de France se prend une grosse déculottée en Angleterre. Rien qu’à voir, de la terrasse, l’œil morne des gens rivé sur l’écran de télévision, on comprend quel doit être le score. Retour vers 17 heures au théâtre Francis Planté. Florian Demonsant se donne des forces en mangeant une crêpe au sucre. On échange quelques mots. Des riens. Il va rejoindre des complices. Le concert ? Magnifique. D’abord, le quartet a un son, ce que j’appellerais un son-signature. Et un style : ruptures de rythme, de couleur, de tonalité… Un quartet qui sonne comme s’ils étaient un orchestre. De l’humour, plein d’humour, mais discret. Et puis surtout, il y a le fait que maintenant plusieurs de leurs compositions nous sont familières, du coup toute notre attention se porte sur l’interprétation et, pour nous, c’est vraiment un plaisir croissant. « Vie et mort du platane de Prugnanes », « La valse maladroite », « le déhanchement de la danse des Gobelins », « L’Amérique que l’on aime », « Funghi »… Chaque fois, on se laisse emporter… J’écoute leurs histoires comme j’écouterais un griot sur une place de village à la tombée du jour. Et puis, il y a aussi ce morceau sans titre, que j’appelle – mais c’est mon titre, à moi – « Ce jour-là, dans l’Orient-express ». Après le concert, quelques mots dans le foyer avec Florian. Je ne le raconterai pas à Charlotte, elle serait trop déçue de n’avoir pas été présente. En sortant, une petite crêpe au sucre, avant de reprendre la route… Le marchand sollicite quasiment de se faire photographier. Il prend la pose. Retour à Pau…
- C’est tout ?
- Oui… enfin presque. Françoise fait du vermicelle et des croque-monsieur. On écoute « La Linea… ». Dès demain, je me mets aux photonotes... Ah ! J'oubliais de te dire... Parmi les plaisirs que j'éprouve aux concerts de Pulcinella, il y aussi ceux qui sont liés au spectacle, à la dimension visuelle de leurs prestations. Il y a ce moment de sound painting où les formes graphiques et auditives se combinent et s'entrecroisent, où la musique prend forme de traduction instantanée d'une chorégraphie plus ou moins improvisée. Il y a surtout ces moments où, tour à tour, chacun des instrumentistes est comme animé par un duende irrépressible : c'est Ferdinand qui se met à jongler avec ses saxophones et sa flûte et bien d'autres instruments encore ; c'est Frédéric qui se met à exhiber ses sifflets à coulisse ou à "percussionner" sa batterie ; c'est Jean-Marc, dont la contrebasse se met à rêver qu'elle est un balancier d'horloge normande, qui tout à coup se mue en divinité hindoue ; c'est Florian enfin qui creuse son introspection, en bout de scène, à la manière d'un derviche tourneur, avant de se rappeler la présence des trois autres qui feignent de s'étonner de son comportement.
- Tu montreras ça avec tes photonotes ?
- Je vais essayer...

1 commentaires:

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