mercredi 1 octobre 2008

mercredi 1er octobre - les 5èmes nuits d'aquitaine : les quatre accordéons daqui aux carmes

Ce qui distingue essentiellement un système organique d'un objet mécanique, c'est la caractéristique suivante : dans le premier cas, le tout est plus que la somme des parties alors que dans le second cas le tout est égal à la somme des parties. Dans le premier cas, les interactions entre les éléments produisent des effets émergents, inattendus, imprévisibles, radicalement nouveaux ; dans le second cas, les éléments sont interchangeables et se réduisent à la fonction pour laquelle ils ont été produits ou programmés. Dans ce cas, un élément peut être remplacé par un autre équivalent sans que le résultat final en soit modifié ; dans le cas d'un système organique, tout changement d'un élément entraine une modification des interactions et par conséquent la reconfiguration du système en tant que tel. Cette distinction entre des objets mécaniques, faits de pièces juxtaposées, et des systèmes vivants, composés d'interactions dynamiques entre leurs composants, m'a toujours paru très éclairante. Simple et capable de bien expliquer ce que l'on observe ou ce que l'on perçoit.

Si l'on applique ici cette distinction on comprend clairement que la réunion ou plus exactement la rencontre entre les quatre accordéonistes daqui donne vie à un système organique. D'abord, un élément : René Lacaille, face au public, jouant avec délectation le rôle du patriarche bienveillant mais toujours capable de mettre le feu. Un alcool fort sous l'apparence d'un breuvage sucré ; du piment dans un pot de miel !
Et puis, la rencontre de deux éléments : Lacaille et Michel Macias. C'est à qui réveillera le mieux le fantôme de Clifton Chenier. C'est à se demander s'il n'est pas là, entre eux, même s'il reste invisible à nos yeux. En tout cas, l'échange de regards entre les deux complices dit assez concrètement ce que c'est qu'une interaction entre deux musiciens.

Ensuite, encore sous l'influence de l'échange précédent, Macias solo. J'ai parlé ailleurs à son propos de duende vociférant. L'écoutant, je pense souvent à une sorte de sorcier feignant la folie, un intercesseur qui nous permet d'accèder à un autre monde et qui traduit ses visions en langue d'occitanie.


Et puis, le chaud et le froid, chacune de ces qualités passant alternativement de l'un à l'autre : Macias et Jean-Luc Amestoy. le calme de ce dernier est impressionnant. C'est d'un tout autre monde intérieur que de celui de Macias qu'il s'agit. Alors que ce dernier lève les yeux au ciel, Jean-Luc Amestoy se penche souvent, yeux clos, sur le soufflet de son instrument. J'ai l'impression qu'il l'écoute respirer et que peut-être il lui fait des confidences que l'autre, son accordéon, traduit tout de suite en notes.


Amestoy seul, c'est un toucher inégalable. La fluidité même. Si c'est du piment, c'est du piment doux d'Espelette, pas le cayenne de Lacaille.


A chaque bout de la scène, Amestoy et De Ezcurra. Touches piano de l'Accordiola d'un côté, accordéon de concert de l'autre. Ils se répondent. L'accordéon de concert, d'abord inattendu, apporte sa spécificité, sa sonorité et l'on sent bien que sa présence va profondément influencer l'ensemble. Ils jouent ensemble une petite valse...


Resté seul, Philippe De Ezcurra, dans cette salle des Carmes, si différente de l'église de Brouqueyran par son volume et par son acoustique, Philippe donc prend des risques : final de la suite de Cholminov, "Pavane..." de Ravel, un compositeur basque bien sûr. Pays basque et Russie, deux références qu'il nous fait partager.


Quand les quatre se retrouvent ensemble, c'est "autre chose" et tout en les écoutant inventer leur feu d'artifice, je ne peux m'empêcher d'être attentif à leurs échanges de regards, qui tissent entre eux un réseau complice.


Beaucoup plus tard, alors que Michel Macias et son trio ont fini par épuiser les danseurs, tout le monde se retrouve sur scène et de cette rencontre, comme si l'on était au coeur d'un réacteur, nait une énergie "hénaurme". Oui, mais une énergie sans risques, sans pollution, sans effets secondaires nuisibles. Une énergie qui ne se monnaye pas en dollars, qui ne s'échange pas dans des rapports mercantiles, mais qui se transmet de l'un à l'autre et, chemin faisant, se multiplie...


















0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

Abonnement Publier les commentaires [Atom]

<< Accueil