jeudi 16 octobre - frode haltli
Lundi après-midi, Françoise préparait avec un collègue une série d’interventions à destination de formateurs dont le projet professionnel est de contribuer à la réduction de l’illettrisme. Une tâche difficile s’il en est. Une tâche qui implique un bon tiers de dévouement, un bon tiers de technique, un bon tiers d’organisation de l’organisme d’accueil et un dernier tiers d’empathie pour les publics concernés. Une tâche qu’il faut savoir accomplir sans faiblesse jour après jour en dépit des tentations de découragement. Une tâche qu’il faut savoir accomplir en dépit des errements, de l’incurie, de l’ignorance, des a priori idéologiques, des manœuvres minables et à courte vue des politiciens qui multiplient les décisions mal fondées ou simplement et cyniquement démagogiques. Bref, pour laisser Françoise et son collègue à leur préparation, après leur avoir fait une grande cafetière d’arabica du Costa Rica bien serré, je suis allé faire un tour à l’espace culturel de notre hypermarché.
Etrange atmosphère. Des ouvriers s’affairent aux rayons des ordinateurs, de l’informatique et des disques. Il y a du changement dans l’air. Les employés passent et repassent les bras chargés de cds ; ils disparaissent dans les réserves. Il ne reste que les lumières de sécurité et évidemment les lecteurs sont éteints. Malgré ces conditions, la vente continue. Est-ce déjà une préfiguration de ce que sera un espace culturel en période de crise ?
Dans cette atmosphère de pénombre, je laisse aller mon regard sur les disques en sursis de mise en réserve. Pas d’accordéon. Si pourtant. Alors que je suis sur le point de renoncer, une couverture attire mon regard : il faut imaginer une route droite, dans la nuit la plus noire, avec des traits blancs de part et d’autre jusqu’à l’horizon. Image sombre et floue, difficilement lisible. Horizontalement, à peu près à mi-hauteur, je lis, en lettres blanches, « Trygve Seim » et « Frode Haltli », et, en lettres rouges « Yeraz ». Et puis, « ECM ». « ECM », je connais. Jazz contemporain. « Frode Haltli » aussi. Je me rappelle qu’il joue de l’accordéon. Au dos, je vérifie qu’en effet son nom est associé à « accordion ». Celui de « Trygve Seim » est associé à « saxophones soprano et ténor ». Le disque est de 2008. Je lis « 2008, ECM Records GmbH". Je lis aussi « Produced by Manfred Eicher ». Aucune autre indication. Janséniste ! Rien sur le nombre, la durée des morceaux, rien sur leurs titres. Il faut acheter l’album pour découvrir à l’intérieur, avec une photographie des deux musiciens, la liste des morceaux. Dix au total.
De retour à la maison, je prépare du thé pour Françoise et son collègue, et pour moi-même. Ils sont en plein travail. Je me replie vers le bureau où j’écoute le disque deux fois de suite.
Vers 19 heures, Françoise m’appelle : « On a fini ! ». Je lui raconte mon achat. Elle me demande quelle est mon impression première. Je lui dis : « Il y a un saxophone et un accordéon. Frode Haltli ». Je lui dis encore : « Je sens que je vais devoir faire des efforts pour apprécier pleinement ce disque ». « Ah ! Bon ! Pourquoi ? ». « C’est, disons, plutôt minimaliste. Un parcours de notes tenues. Un parcours en demi-teinte. Une tension dramatique permanente, assurée par le saxophone ». Elle parcourt les disques rangés par ordre alphabétique. Elle en extrait un, uniformément vert foncé, qu’elle me tend : « Frode Haltli, Passing Images, ECM ». « Il est sorti en 2007, je me le rappelle ». Elle ajoute : « Tu l’avais trouvé assez raide, non ? ». « Si ! C’est bien la même inspiration. On avance à tâtons dans un paysage de brumes nordiques, mais on avance et alors, quand la lune se lève, des formes mystérieuses et incertaines se dressent de tous côtés, à peine entrevues, déjà évaporées ».
En tout cas, à la troisième audition, je sens que je rentre dans le labyrinthe du premier morceau : « Praeludium / Bayaty / Duduki.12 :39 ». Le processus d’apprentissage est enclenché.
Etrange atmosphère. Des ouvriers s’affairent aux rayons des ordinateurs, de l’informatique et des disques. Il y a du changement dans l’air. Les employés passent et repassent les bras chargés de cds ; ils disparaissent dans les réserves. Il ne reste que les lumières de sécurité et évidemment les lecteurs sont éteints. Malgré ces conditions, la vente continue. Est-ce déjà une préfiguration de ce que sera un espace culturel en période de crise ?
Dans cette atmosphère de pénombre, je laisse aller mon regard sur les disques en sursis de mise en réserve. Pas d’accordéon. Si pourtant. Alors que je suis sur le point de renoncer, une couverture attire mon regard : il faut imaginer une route droite, dans la nuit la plus noire, avec des traits blancs de part et d’autre jusqu’à l’horizon. Image sombre et floue, difficilement lisible. Horizontalement, à peu près à mi-hauteur, je lis, en lettres blanches, « Trygve Seim » et « Frode Haltli », et, en lettres rouges « Yeraz ». Et puis, « ECM ». « ECM », je connais. Jazz contemporain. « Frode Haltli » aussi. Je me rappelle qu’il joue de l’accordéon. Au dos, je vérifie qu’en effet son nom est associé à « accordion ». Celui de « Trygve Seim » est associé à « saxophones soprano et ténor ». Le disque est de 2008. Je lis « 2008, ECM Records GmbH". Je lis aussi « Produced by Manfred Eicher ». Aucune autre indication. Janséniste ! Rien sur le nombre, la durée des morceaux, rien sur leurs titres. Il faut acheter l’album pour découvrir à l’intérieur, avec une photographie des deux musiciens, la liste des morceaux. Dix au total.
De retour à la maison, je prépare du thé pour Françoise et son collègue, et pour moi-même. Ils sont en plein travail. Je me replie vers le bureau où j’écoute le disque deux fois de suite.
Vers 19 heures, Françoise m’appelle : « On a fini ! ». Je lui raconte mon achat. Elle me demande quelle est mon impression première. Je lui dis : « Il y a un saxophone et un accordéon. Frode Haltli ». Je lui dis encore : « Je sens que je vais devoir faire des efforts pour apprécier pleinement ce disque ». « Ah ! Bon ! Pourquoi ? ». « C’est, disons, plutôt minimaliste. Un parcours de notes tenues. Un parcours en demi-teinte. Une tension dramatique permanente, assurée par le saxophone ». Elle parcourt les disques rangés par ordre alphabétique. Elle en extrait un, uniformément vert foncé, qu’elle me tend : « Frode Haltli, Passing Images, ECM ». « Il est sorti en 2007, je me le rappelle ». Elle ajoute : « Tu l’avais trouvé assez raide, non ? ». « Si ! C’est bien la même inspiration. On avance à tâtons dans un paysage de brumes nordiques, mais on avance et alors, quand la lune se lève, des formes mystérieuses et incertaines se dressent de tous côtés, à peine entrevues, déjà évaporées ».
En tout cas, à la troisième audition, je sens que je rentre dans le labyrinthe du premier morceau : « Praeludium / Bayaty / Duduki.12 :39 ». Le processus d’apprentissage est enclenché.
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