dimanche 9 octobre 2011

dimanche 9 octobre - de l'image de l'accordéon

Dans le dernier numéro de la revue "Accordéon & accordéonistes", le dernier article est consacré à un musicien américain, Alan Keith, qui joue du diatonique, de la cabrette, de la bombarde et d'autres instruments à vent. A la question de savoir quel est l'état de la scène "accordéonistique" à San Francisco, où il vit, il répond que cette scène est très riche pour les accordéons et les accordéonistes, que son histoire y est ancienne, au point qu'on a cru pendant longtemps que l'accordéon à touches piano avait été inventé par un Italien dans cette ville, et qu'on la retrouve aujourd'hui dans de nombreux groupes et dans différents genres musicaux.

Mais, à la question de savoir quelle est l'image de l'accordéon, Alan Keith répond ceci :"J'ai envie de dire que son image est celle d'un instrument assez folk et traditionnel. Même si on le retrouve dans les groupes pop, je trouve que le succés reste assez limité. L'accordéon est hélas perçu par les jeunes générations, et par mes propres enfants, avec mépris, comme l'instrument des vieux, qui est très ringard. C'est dû à une image qui a perduré, celle donnée lors de l'émission de télévision des années 1950/1960, comme "Lawrence Welk Show"... Une image populaire".

Cette réponse me parait intéressante et me donne à réfléchir sur la situation de l'accordéon, en France, au début du vingt-et-unième siècle. Elle se fonde en effet sur un double clivage, qui est une représentation largement répandue ici et maintenant :

- situation passée vs situation présente
- les vieux vs les jeunes

Or, cette double opposition, ce clivage entre hier et aujourd'hui d'une part, entre les générations d'autre part, ne me parait que partiellement vrai. S'il est vrai que certaines émissions, dans les années 80, ont pu donner de l'accordéon une image ringarde et plus populiste que populaire, peut-on dire que ce qu'il y a de ringardise dans l'image de l'accordéon aujourd'hui découle seulement de ce passé ? Je n'en crois rien. Je prends, quasiment au hasard, douze titres dans les cds de la "boutique" d'"Accordéon & accordéonistes" :

- " Allez guincher"
- " La Boubounette"
- " Refrain pour midinettes"
- " Ma belle Savoie"
- " Viens danser dans mon village"
- " Comme à la ferme"
- " Sur les sentes du Bas-Berry"
- " Pas de chicane dans ma cabane"
- " Un accordéon dans la vallée"
- " Les rois du thé dansant"
- " Les feux de l'amour et de la danse"
- " Cri cri d'amour"

Ils ne datent ni de jadis, ni de naguère, mais d'aujourd'hui. Loin de moi l'idée de dévaluer le plaisir qu'ils peuvent procurer à ceux qui les écoutent et qu'ils font danser. Ce que je veux dire, c'est que l'image ringarde de l'accordéon me parait ne pas avoir comme seule origine des pratiques passées. Si tel était le cas, le cours du temps suffirait pour effacer cette image et la faire disparaitre dans les oubliettes de l'histoire. Rien de tel : l'accordéon contemporain ne pourra se libérer de cette image de ringardise qu'en se démarquant du passé et en prenant ses distances par rapport à la pratique d'aujourd'hui illustrée par les titres ci-dessus, produits d'une petite entreprise qui ne connait pas la crise... Justement parce que la génération des seniors n'est dépourvue ni de moyens, ni d'une santé suffisante pour profiter de ses loisirs.

Cette dernière considération nous renvoie à l'dée reçue que l'accordéon est un instrument de vieux ignoré par les jeunes et au clivage entre générations. Du moins en apparence, car si les seniors consomment un certain accordéon, de plus en plus de jeunes en consomment un autre, plus folk, plus rock, plus trad'. Cet accordéon n'a rien de ringard précisément parce qu'il se distingue de l'accordéon représenté par la liste des titres ci-dessus. Tout me porte à penser que cet accordéon pratiqué ou écouté par des jeunes a un bel avenir devant lui, à condition justement de se démarquer radicalement de celui qui fait danser ou chanter les seniors. S'en démarquer radicalement, car j'ai le sentiment qu'on a bien affaire à deux mondes et que seule la distinction radicale entre ces deux mondes assurera la pérennité de l'accordéon par l'intermédiaire des nouvelles générations.

Je ne sais pas quel est le lectorat de la revue "Accordéon & accordéonistes", mais j'ai l'intuition que sous le singulier "Accordéon" se trouvent en fait ces deux mondes : celui des images d'Epinal et de l'accordéon sub specie aeternitatis, d'une part, celui qui se cherche, qui innove, qui se définit chemin faisant, d'autre part.

A suivre... En espérant qu'un jour viendra où quelques chercheurs en sciences sociales, historiens, sociologues, psychosociologues, géographes, en particulier, voudront bien prendre l'accordéon comme objet de recherche.

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