jeudi 18 décembre 2008

samedi 20 décembre - un peu de philosophie

J’ai lu jeudi matin un entretien du philosophe Jacques Rancière dans le numéro 3074, pages 16-20 de « Télérama ». C’est un penseur que j’apprécie particulièrement. Dans cet article, je note deux idées qui font écho à mes propres réflexions et qui donc renforcent ma propre conception du monde :

- « Les intellectuels sont devenus des spécialistes des symptômes, des médecins qui font des diagnostics, qui déplorent et jouent les oracles, mais ne soignent pas […] Ils sont là pour dire que la société est malade… et le répéter encore et encore, en convoquant tous les lieux communs par lesquels depuis très longtemps, les élites déclarent la maladie de leurs contemporains ». J’ajouterais que les soi-disant élites sont d’autant plus péremptoires et arrogantes que leurs prédictions ne sont jamais confrontées à la réalité. Les journalistes ont d’autres chats à fouetter, d’autres catastrophes à annoncer et d’autres flux d’informations à gérer dans l'urgence quotidienne. La fuite en avant. Autre remarque : quand la maladie prend la forme d’une crise généralisée, alors les intellectuels en effet se découvrent tels qu’en eux-mêmes, des charognards. Les intellectuels de la sphère médiatique j’entends. Dont on peut noter que Jacques Rancière ne fait pas partie. Sans doute occupe-t-il son temps à penser et à construire patiemment une pensée. On ne peut tout faire.

- En réponse à la question de savoir « face au discours des experts et des intellectuels, qu’apporte la philosophie ? », il dit ceci : «ça dépend de ce qu’on entend par philosophie. Ma perception et ma pratique, en tout cas, s’opposent totalement à l’idée qu’elle doive produire des diagnostics. La philosophie est une activité qui déplace les compétences et les frontières : elle met en question les savoirs des gouvernants, des sociologues, des journalistes, et tente de traverser ces champs clos. Surtout sans jouer les experts ! Car ces compétences sont une manière de rejeter ceux qu’on dira incompétents, alors que le philosophe cherche justement à mettre en évidence la capacité de penser de chacun. Son but est de sortir de cette vieille tradition intellectuelle qui consiste à expliquer à ceux-qui-ne-comprennent-pas et de mettre en valeur des capacités d’intelligence qui appartiennent à tous, exerçables par tous ». Ces propos méritent d’être médités. Pour ma part, j’y retrouve une position que j’ai maintes fois exposées dans ce blog, à savoir que le recours à la notion de pédagogie par les hommes politiques aujourd’hui donne la mesure du mépris qu’ils portent à leurs électeurs, au peuple. Ils savent, ils ont raison, ils sont tellement plus experts que le vulgum pecus qu’au mieux ils ne peuvent qu’essayer d’expliciter leurs pensées. Quant à écouter la parole d’autrui et à chercher à en comprendre le bien fondé, c’est une autre affaire, une autre conception du monde, du rapport entre les gens.

Le rapport avec l’accordéon ? Comme il n’est pas en crise, chers amis amateurs d’accordéon, profitons de notre chance, il n’intéresse pas les intellectuels, ni, que je sache, les hommes politiques. Le monde de l'accordéon n'est pas encore un réservoir d'électeurs à séduire. On peut y prendre plaisir par soi même sans que des experts viennent nous expliquer d’abord le pourquoi et le comment de nos sensations. C’est une chance, car cette situation n’est déjà plus celle de la peinture, de la littérature ou du cinéma… Trois champs artistiques où les commentaires et autres gloses font obstacles à une appréhension immédiate des œuvres… quand les œuvres ne se réduisent pas elles-mêmes à leur commentaire, conformément à la mort de l’art annoncée par Hegel.

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