lundi 3 novembre - des critères
Mardi 21 octobre. Il est un peu plus de 20h. Une file s'est formée après le concert de Vincent Peirani et Emile Parisien pour solliciter auprès d'eux une dédicace sur leur album : "Belle Epoque". On avance lentement. Une dame, qui a en main un programme complet de Jazz sur son 31, se tourne vers moi et me demande : "Alors, ça vous a plu ?"
- Moi. " Oui, beaucoup !"
- Elle. " Vous les connaissiez ?"
- Moi. " Oui, un peu"
- Elle. " Et... vous étiez à Galliano, hier ?"
- Moi. "Oui"
- Elle. "Comment vous avez trouvé ? Moi, j'ai trouvé trop classique"
- Moi. "Ah! Bon ! Pour ma part, j'ai bien apprécié. Mais il est vrai que je ne crains pas le classique. Encore que "classique" n'est pas exactement le qualificatif que j'aurais employé pour décrire la prestation de Galliano avec le Big Band 31. J'aurais plutôt pensé à des termes comme énergie et créativité. Il ne me parait pas si habituel qu'un accordéoniste se mette ainsi dans la situation de "faire le poids" confronté directement à la puissance d'un big band... Mais, bon, si vous l'avez senti ainsi, pourquoi pas classique ?"
Elle est déjà ailleurs... Elle entreprend déjà de me conseiller, programme à l'appui, les concerts auxquels il faut absolument assister. Mais, moi, je suis déjà ailleurs.
Cette rencontre, que je n'avais pas sollicitée, m'a finalement donné à réfléchir. D'abord, ce qualificatif :"classique", avec une tonalité péjorative. Comme une étiquette qui évite de s'interroger vraiment sur ce qui caractérise un jeu classique et qui, d'autre part, sert de repoussoir par rapport à la prestation du duo Peirani-Parisien. Comme si, quand l'un monte, l'autre devait descendre de son piédestal. Ou c'est l'un ou c'est l'autre, qui est au sommet, mais ça ne peut être les deux. Mais, pour accepter de "positionner" les deux au sommet, il faut d'abord être capable de concevoir des critères différents, je dirais même spécifiques. Par exemple, pour l'un, classique, capable de produire un maximum d'effets en mettant en œuvre un minimum de moyens d'une part et, d'autre part, pour l'autre, avant-gardiste ou, si l'on peut dire, explorateur ou défricheur de territoires nouveaux. A chacun son excellence.
La qualité d'un concert tient toujours en effet à la qualité des compositions, des interprétations, de l'environnement même, mais aussi à la qualité de l'auditeur/spectateur, à la pertinence des critères qu'il mobilise spontanément ou explicitement pour fonder son jugement et évaluer son plaisir. C'est ainsi par exemple que lundi et vendredi on a pu écouter respectivement le duo Peirani-Parisien puis le quintet de Daniel Mille. Deux styles différents à tel point que si on les écoute avec les mêmes critères forcément on sera enthousiaste dans un cas et déçu dans l'autre. Ce qui est bien dommage puisqu'on se prive d'un plaisir potentiel. Ce choix du bon critère est pour moi d'abord une question d'intelligence : il s'agit de juger un objet en sachant choisir les critères pertinents pour ce faire. C'est aussi une question morale : il s'agit de reconnaitre la qualité d'un projet et de sa réalisation, non de lui appliquer une grille d'évaluation a priori.
C'est ainsi que les bons critères pour le concert de Peirani-Parisien me semblent être la qualité de la créativité du duo, la prise de risques et l'audace des tâtonnements alors que pour le quintet de Daniel Mille, c'est la qualité mélodique, la cohérence de cette formation et le climat sentimental entre saudade, spleen et mélancolie. En adaptant ses critères à "l'objet" auquel on les applique, on se donne ainsi toute chance de ne laisser passer aucun plaisir potentiel et, à mon sens, ça n'est pas rien...
On se donne aussi, par la même occasion, la possibilité d'apprendre. Appliquer des critères a priori, c'est en effet s'en tenir à un comportement qui assimile ce que l'on apprécie déjà mais qui exclut ou rejette la nouveauté, l'inconnu, l'inouï. Disons, que c'est une attitude conservatrice. Tout au contraire, faire l'effort de se donner des critères adéquats à l'objet, c'est une attitude d'apprentissage, un effort pour s'accommoder de la nouveauté et l'intégrer à sa propre vision du monde.
- Moi. " Oui, beaucoup !"
- Elle. " Vous les connaissiez ?"
- Moi. " Oui, un peu"
- Elle. " Et... vous étiez à Galliano, hier ?"
- Moi. "Oui"
- Elle. "Comment vous avez trouvé ? Moi, j'ai trouvé trop classique"
- Moi. "Ah! Bon ! Pour ma part, j'ai bien apprécié. Mais il est vrai que je ne crains pas le classique. Encore que "classique" n'est pas exactement le qualificatif que j'aurais employé pour décrire la prestation de Galliano avec le Big Band 31. J'aurais plutôt pensé à des termes comme énergie et créativité. Il ne me parait pas si habituel qu'un accordéoniste se mette ainsi dans la situation de "faire le poids" confronté directement à la puissance d'un big band... Mais, bon, si vous l'avez senti ainsi, pourquoi pas classique ?"
Elle est déjà ailleurs... Elle entreprend déjà de me conseiller, programme à l'appui, les concerts auxquels il faut absolument assister. Mais, moi, je suis déjà ailleurs.
Cette rencontre, que je n'avais pas sollicitée, m'a finalement donné à réfléchir. D'abord, ce qualificatif :"classique", avec une tonalité péjorative. Comme une étiquette qui évite de s'interroger vraiment sur ce qui caractérise un jeu classique et qui, d'autre part, sert de repoussoir par rapport à la prestation du duo Peirani-Parisien. Comme si, quand l'un monte, l'autre devait descendre de son piédestal. Ou c'est l'un ou c'est l'autre, qui est au sommet, mais ça ne peut être les deux. Mais, pour accepter de "positionner" les deux au sommet, il faut d'abord être capable de concevoir des critères différents, je dirais même spécifiques. Par exemple, pour l'un, classique, capable de produire un maximum d'effets en mettant en œuvre un minimum de moyens d'une part et, d'autre part, pour l'autre, avant-gardiste ou, si l'on peut dire, explorateur ou défricheur de territoires nouveaux. A chacun son excellence.
La qualité d'un concert tient toujours en effet à la qualité des compositions, des interprétations, de l'environnement même, mais aussi à la qualité de l'auditeur/spectateur, à la pertinence des critères qu'il mobilise spontanément ou explicitement pour fonder son jugement et évaluer son plaisir. C'est ainsi par exemple que lundi et vendredi on a pu écouter respectivement le duo Peirani-Parisien puis le quintet de Daniel Mille. Deux styles différents à tel point que si on les écoute avec les mêmes critères forcément on sera enthousiaste dans un cas et déçu dans l'autre. Ce qui est bien dommage puisqu'on se prive d'un plaisir potentiel. Ce choix du bon critère est pour moi d'abord une question d'intelligence : il s'agit de juger un objet en sachant choisir les critères pertinents pour ce faire. C'est aussi une question morale : il s'agit de reconnaitre la qualité d'un projet et de sa réalisation, non de lui appliquer une grille d'évaluation a priori.
C'est ainsi que les bons critères pour le concert de Peirani-Parisien me semblent être la qualité de la créativité du duo, la prise de risques et l'audace des tâtonnements alors que pour le quintet de Daniel Mille, c'est la qualité mélodique, la cohérence de cette formation et le climat sentimental entre saudade, spleen et mélancolie. En adaptant ses critères à "l'objet" auquel on les applique, on se donne ainsi toute chance de ne laisser passer aucun plaisir potentiel et, à mon sens, ça n'est pas rien...
On se donne aussi, par la même occasion, la possibilité d'apprendre. Appliquer des critères a priori, c'est en effet s'en tenir à un comportement qui assimile ce que l'on apprécie déjà mais qui exclut ou rejette la nouveauté, l'inconnu, l'inouï. Disons, que c'est une attitude conservatrice. Tout au contraire, faire l'effort de se donner des critères adéquats à l'objet, c'est une attitude d'apprentissage, un effort pour s'accommoder de la nouveauté et l'intégrer à sa propre vision du monde.
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