dimanche 18 mars 2012

lundi 19 mars - francis varis : à propos des suites 1, 5 et 6 pour violoncelle de j.-s. bach

J'ai dit, dans mon post précédent, mon plaisir à l'écoute de l'album de Francis Varis consacré aux "Suites pour violoncelle 1, 5 et 6" de Jean-Sébastien Bach. Depuis hier, il tourne presque sans cesse et je sens bien que je ne suis pas près d'en épuiser les qualités. Mais, tout en écoutant ces suites, j'ai lu avec attention la page du livret rédigée par Francis Varis et cette lecture m'a permis d'approfondir ma perception. J'en retiens deux passages :

- "Je suis un musicien improvisateur, du jazz et des musiques du monde, pas un concertiste classique. Et je commence toutes les journées où je le peux en jouant les Suites pour violoncelle..."
- "L'écriture de Bach semble un flux continu, sans indications de phrasé ni de nuances. Tout reste à faire. Commence alors un travail jamais achevé de sculpteur ; au burin tailler dans ce flux et révéler la forme et le relief des phrases, les césures et les respirations".

Il me semble que ces deux passages expliquent bien comment ces Suites résultent de la rencontre entre une partition et un improvisateur, rencontre d'autant plus "naturelle" que l'écriture de Bach est faite pour provoquer l'improvisation. Je comprends aussi, ce dont j'avais l'intuition à première écoute, que ces Suites, qui ont pris forme provisoirement définitive dans cet album, sont en fait définitivement provisoires pour Francis Varis. A proprement parler, elles sont interminables. "Et je commence toutes les journées...". Les Suites de Bach, c'est la prière quotidienne de l'accordéoniste improvisateur. Prière esthétiques certes, mais prière tout de même : "Donnez-nous aujourd'hui notre Bach quotidien...". C'est aussi un travail de création interminable : "jamais achevé"...

Alors que nous écoutions les Suites pour la énième fois, Françoise s'est souvenu d'un album que nous avions acheté il y a plusieurs années à la boutique Harmonia Mundi de Tarbes. Un disque Winter et Winter, un bel objet culturel. J'avoue que je l'avais oublié. Il s'agit d'un double cd édité en 1998 :

- "Johann Sebastian Bach / Violoncello solo Suites I-VI / Paolo Beschi, baroque cello".

A propos de l'écriture de Bach, Francis Varis dit que tout reste à faire : la forme est donnée, l'animation est l'affaire de l'interprète. La forme pour le compositeur ; l'âme pour l'interprète. Les deux faces de la création. Et justement, comme preuve de la liberté des interprètes, je note, par exemple, que le prélude de la Suite V est d'une durée de 4:57 pour Paolo Beschi et de 6:46 pour Francis Varis. On imagine tout de suite qu'il ne s'agit pas de la même lecture de Bach. Je note à ce sujet que d'écoute en écoute j'ai une sensibilité particulière aux trois préludes, sans doute parce qu'ils sont comme l'indication d'un chemin nouveau, comme la promesse d'un parcours à découvrir.

Pour l'instant, c'est le temps de l'immersion et des découvertes. Les Suites comme un jeu de tiroirs à double ou triple fonds... Je prends quelques notes pour fixer sur le vif quelques impressions en vue de me les rappeler et de les approfondir. Parfois, ces notes sont si lapidaires que je ne me comprends pas toujours moi-même. Peu importe si elles ne sont pas immédiatement explicites. Je leur fais confiance.

- "l'écriture de Bach comme architecture fluide". Une autre façon de dire que les Suites sont très structurées, organisées comme une architecture, et en même temps ouvertes à un certain aléatoire, à une certaine improvisation. L'organisation de l'enchainement des danses est très codé et très rigoureux, sinon contraignant, mais ce cadre offre des marges inépuisables de liberté et de créativité. Déjà, notons que ces Suites pour violoncelle solo sont ici interprétées à l'accordéon, instrument dont Bach ne pouvait même pas avoir de représentation.
- Les Suites (pour l'heure, 1, 5 et 6 ; bientôt 2, 3 et 4) comme un "système". Pour moi, la notion de système désigne une réalité dont les éléments en interactions dynamique sont organisés en fonction d'un but. Le but est clair : il s'agit bien de traduire Bach en une forme qui en manifeste toute la perfection ou qui l'exhausse jusqu'à la perfection esthétique. En quoi les différents morceaux forment-ils un système ? Tout simplement en ce que chaque morceau renvoie à tous les autres, comme un jeu de miroirs ou comme un puzzle. Comme un puzzle en effet où, à la fin, quand il est achevé, on découvre une image qui prend sens et qui est bien plus que la simple juxtaposition des pièces. Dans un système, le tout est plus que la somme des parties. Exactement ce qui se passe pour l'ensemble des pièces des Suites.
- "son boisé / ligne claire". Ne  pas oublier de noter le son du Hohner de Francis Varis. Un son boisé qui, en tant que tel, est déjà chargé d'évocations. Un son de nature à provoquer l'imagination. En même temps, un phrasé lumineux, clair, lisible, précis... Comme une voix capable de prendre toutes les nuances et d'une articulation parfaite.
- "oeuvre de maturité". Intuition : ces Suites, c'est l'expression d'un long cheminement de maturation et d'apprentissage. Je serais tenté de dire que c'est l'oeuvre d'une vie ou, pourquoi pas, le résultat d'un apprentissage d'une vie de musicien et pas seulement. En tout cas, quand Francis Varis écrit "Et je commence toutes les journées...", on comprend bien qu'il y a là quelque chose de vital en jeu, un travail de méditation et d'apprentissage peut-être sans début assignable, en tout cas sans fin prévisible. C'est à ce cheminement que je pensais quand, dans mon post précédent, le mot appropriation m'est venu à l'esprit pour qualifier ce travail qui a créé cet album.

... Bon, il est temps de remettre le cd sur le lecteur...

   

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

Abonnement Publier les commentaires [Atom]

<< Accueil