mercredi 8 septembre - à propos de malenki minki
Malenki Minki est un endroit de la zone interdite de Tchernobyl où Philippe Ollivier s'est rendu en mai 2008 accompagné par un ami qui savait comment y pénétrer en évitant le check point. Information importante à mon sens : il y a quelque chose de l'ordre de la contrebande dans cette prise de sons. Il y a aussi une prise de risques ; en termes de légalité et, de manière latente, en termes de santé. On est dans une une zone contaminée et source de dangers d'autant plus fantasmatiques qu'ils ne sont pas immédiatement visibles. Un monde d'ondes présentes bien qu'imperceptibles.
Au départ, j'avais été intéressé par le projet de Philippe Ollivier. Intérêt intellectuel. Studium. Mais, d'écoute en écoute, ce disque me touche de plus en plus. Pour décrire mes impressions, je dirais qu'il résonne en moi comme les vagues circulaires à la surface d'une eau calme frappée de plein fouet par un caillou. Punctum. Il résonne encore alors que le cd a fini de se répandre dans la maison. Il résonne et me donne encore à réfléchir. Studium.
Philippe Ollivier dit en effet que ses enregistrements sont plus proches de l'écriture automatique que de l'improvisation au sens habituel du terme. Il parle aussi de prise de sons comme d'une prise de notes. Matériaux pour alimenter une boite à idées en vue d'un futur travail d'écriture. Et justement, je suis très sensible à ce caractère "brut de décoffrage" que je perçois particulièrement dans deux morceaux, "Haute Tension" et "Avant de partir". Il y a là quelque chose d'obsessionnel ou d'hypnotique et en même temps de l'ordre de l'approfondissement. C'est à la fois inachevé et interminable au sens d'"inachevable", si je puis risquer ce néologisme. J'ai pensé au disque de Pascal Contet et Wu Wei, "Iceberg".
Ce n'est pas par hasard que m'est venu spontanément à l'esprit ce rapprochement avec "Iceberg". Dans l'un et l'autre cas, on est dans un monde réel, mais en tant que tel quasiment imaginaire, en tout cas invivable au sens où une vie "normale" n'y est pas possible. Mais dans les deux cas aussi on est au coeur d'une caractéristique fondamentale pour moi de la musique. On part de l'évocation d'un monde particulier, zone irradiée de Tchernobyl ou icebergs, et on a affaire à une traduction de cette évocation en sons. Mais cette traduction justement n'est pas simple description, sinon on serait dans le registre du documentaire ou du reportage. S'il s'agit d'un objet artistique, d'une oeuvre esthétique, c'est justement qu'elle met en mouvement notre imaginaire, qui peut à son tour se lancer sur les chemins de la création, même si elle ne prend pas forme d'une oeuvre.
Bref, "Malenki Minki" est un cd à la fois étrange et beau. En tout cas, sa charge émotionnelle est de forte densité. J'ai donc pensé à Pascal Contet ; on peut aussi penser à Nano ou pourquoi pas à John Cage. C'est assez dire où il se situe.
Un mot encore : à l'heure actuelle, parmi les pièces de ce disque, c'est "1.30" qui me fascine le plus. Un morceau de 2:43, que Philippe Ollivier présente ainsi dans son entretien avec F. Jallot : "A la fin d'une impro, Pascal Rueff, mon passeur à Tchernobyl, passe à un mètre de moi. Avec le dosimètre, il mesure 1.30 microsievert et me le dit sur un ton sarcastique. Je commence une autre impro, fort de cette nouvelle information. A deux mètres de moi, le brûlis est complétement contaminé ! Je suis incapable de dire dans quelle mesure ce genre d'éléments influence la musique, même si je crois vraiment qu'il y ait une influence". Je suis persuadé qu'il est impossible de mesurer et d'identifier l'influence de cette information sur mon écoute et sur mon goût pour ce morceau, mais j'ai la conviction qu'elle a une influence tant en ce qui concerne mon attention que le travail spontané de mon imagination.
La durée de ce cd est de 39 minutes. C'est peu, mais ici la durée en termes quantitatifs n'est pas un critère pertinent. Le critère pertinent, c'est la densité : le rapport entre la qualité de l'émotion et la durée mesurée.
Au départ, j'avais été intéressé par le projet de Philippe Ollivier. Intérêt intellectuel. Studium. Mais, d'écoute en écoute, ce disque me touche de plus en plus. Pour décrire mes impressions, je dirais qu'il résonne en moi comme les vagues circulaires à la surface d'une eau calme frappée de plein fouet par un caillou. Punctum. Il résonne encore alors que le cd a fini de se répandre dans la maison. Il résonne et me donne encore à réfléchir. Studium.
Philippe Ollivier dit en effet que ses enregistrements sont plus proches de l'écriture automatique que de l'improvisation au sens habituel du terme. Il parle aussi de prise de sons comme d'une prise de notes. Matériaux pour alimenter une boite à idées en vue d'un futur travail d'écriture. Et justement, je suis très sensible à ce caractère "brut de décoffrage" que je perçois particulièrement dans deux morceaux, "Haute Tension" et "Avant de partir". Il y a là quelque chose d'obsessionnel ou d'hypnotique et en même temps de l'ordre de l'approfondissement. C'est à la fois inachevé et interminable au sens d'"inachevable", si je puis risquer ce néologisme. J'ai pensé au disque de Pascal Contet et Wu Wei, "Iceberg".
Ce n'est pas par hasard que m'est venu spontanément à l'esprit ce rapprochement avec "Iceberg". Dans l'un et l'autre cas, on est dans un monde réel, mais en tant que tel quasiment imaginaire, en tout cas invivable au sens où une vie "normale" n'y est pas possible. Mais dans les deux cas aussi on est au coeur d'une caractéristique fondamentale pour moi de la musique. On part de l'évocation d'un monde particulier, zone irradiée de Tchernobyl ou icebergs, et on a affaire à une traduction de cette évocation en sons. Mais cette traduction justement n'est pas simple description, sinon on serait dans le registre du documentaire ou du reportage. S'il s'agit d'un objet artistique, d'une oeuvre esthétique, c'est justement qu'elle met en mouvement notre imaginaire, qui peut à son tour se lancer sur les chemins de la création, même si elle ne prend pas forme d'une oeuvre.
Bref, "Malenki Minki" est un cd à la fois étrange et beau. En tout cas, sa charge émotionnelle est de forte densité. J'ai donc pensé à Pascal Contet ; on peut aussi penser à Nano ou pourquoi pas à John Cage. C'est assez dire où il se situe.
Un mot encore : à l'heure actuelle, parmi les pièces de ce disque, c'est "1.30" qui me fascine le plus. Un morceau de 2:43, que Philippe Ollivier présente ainsi dans son entretien avec F. Jallot : "A la fin d'une impro, Pascal Rueff, mon passeur à Tchernobyl, passe à un mètre de moi. Avec le dosimètre, il mesure 1.30 microsievert et me le dit sur un ton sarcastique. Je commence une autre impro, fort de cette nouvelle information. A deux mètres de moi, le brûlis est complétement contaminé ! Je suis incapable de dire dans quelle mesure ce genre d'éléments influence la musique, même si je crois vraiment qu'il y ait une influence". Je suis persuadé qu'il est impossible de mesurer et d'identifier l'influence de cette information sur mon écoute et sur mon goût pour ce morceau, mais j'ai la conviction qu'elle a une influence tant en ce qui concerne mon attention que le travail spontané de mon imagination.
La durée de ce cd est de 39 minutes. C'est peu, mais ici la durée en termes quantitatifs n'est pas un critère pertinent. Le critère pertinent, c'est la densité : le rapport entre la qualité de l'émotion et la durée mesurée.
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