mercredi 7 janvier - à propos de richard galliano et du brussels jazz orchestra
Patrick E. m’avait informé début décembre de la sortie d’un disque de Richard Galliano avec le Brussels Jazz Orchestra et indiqué l’adresse où le commander. Nous étions alors convenus de l’écouter attentivement, de prendre pour cela tout le temps nécessaire, et ensuite d’échanger nos impressions. C’est chose faite depuis lundi. Comme Patrick habite dans le nord-est et que j’habite moi-même à Pau, notre échange a bien évidemment eu lieu par courriels. Cet échange est privé et il ne m’appartient pas de le diffuser tel quel ; en revanche, comme j’y ai pris un réel plaisir et trouvé beaucoup d’intérêt, je voudrais le transcrire ci-dessous sous la forme d’un entretien imaginaire. Un entretien imaginaire, mais suivant l’expression commune « plus vrai que nature ».
- […] En fait, je me rends compte que j’identifie spontanément et même je puis dire que j’identifierai ce disque dans l’avenir plus comme « la rencontre de Richard Galliano & du Brussels Jazz Orchestra » que par son titre « Ten Years Ago », du nom du troisième morceau. Ce disque en effet est d’abord le résultat d’une rencontre, c’est vraiment ce qui le spécifie. De la même manière, « Blow Up », c’est pour moi le disque de la rencontre entre Galliano et Portal. Même chose pour « Coloriage » : c’est le duo Galliano / Mirabassi. Je me rends compte d’ailleurs en disant cela que plusieurs de mes albums sont ainsi d’abord « la rencontre entre… et… ».
- A propos de cette idée de rencontre, dont vous parlez, je suis bien d’accord avec vous. Je crois que Galliano a toujours eu l’intelligence de ne pas s’acoquiner avec n’importe qui et cette authenticité l’honore. Il faut dire en effet que ces rencontres sont souvent fort réussies. A ce sujet, je ne me rappelle plus si je vous en avais parlé, mais il faut écouter « Douces Illusions » enregistré avec l’excellent pianiste belge Ivan Paduart et des cordes…
- Oui, c’est vous qui m’aviez fait connaître ce disque. Il y a aussi Aerts à la contrebasse, Aerts que l’on retrouve en particulier dans le quartet Tangaria…
- Je les ai écoutés aussi, Galliano et Paduart, dans un duo accordéon / piano. De toute beauté. Mais je pense aussi à la rencontre entre Galliano et Jean-Charles Capon sur « Blues sur scène ». Pour moi, c’est un chef-d’œuvre. Entre parenthèses, un disque Frémeaux. « Les forains » de Sauguet, « Fou rire », ce sont des merveilles. Dans ce cas précis, l’amitié qui les unit s’entend comme une évidence. Il me parait clair que pour Galliano la rencontre musicale et la rencontre humaine vont de pair. Cette même évidence, je l’éprouve avec « Mare Nostrum » où tout parait tellement couler de source…
- Je partage sans restriction votre sentiment. Je me souviens de « Mare Nostrum » à Gaveau et à Junas, c’est exactement ce que vous dites, ça coulait de source…J’avais l’impression que l’espace entre les trois interprètes était saturé de signes d’attention réciproques et qu’ils se comprenaient à demi-signes… Je dois dire, même si je n’ai vu aucune image de Galliano avec le Brussels Jazz Orchestra, que j’ai eu immédiatement, à l’écoute du cd, cette impression d’accord intuitif entre tous les musiciens. Je ne connais pas le monde du big band et j’ai bien conscience de ne pas savoir l’apprécier. Sans doute est-ce parce que la masse sonore m’asphyxie et que souvent ce que j’entends manque pour moi de lisibilité… Mais, justement, en l’occurrence mon impression est toute différente. Puissance et clarté ne sont plus incompatibles. Le texte de présentation fait allusion à la technique des peintres juxtaposant de fines couches de peinture jusqu’à ce que la lumière éclairant le tableau paraisse venir de l’intérieur de la toile elle-même. Eh bien en effet cette idée traduit bien une impression que j’ai ressentie à l’écoute de l’orchestre, sans savoir bien l’exprimer : l’orchestre semble créer des couches sonores successives, masses sonores puissantes et quasi translucides, par opposition ou simplement par rapport auxquelles se construit la perception lumineuse des solos.
- Je suis tout à fait d’accord avec ce parallèle avec la peinture. Pour écouter beaucoup de jazz, je dois dire que ce cd du BJO ave Richard Galliano est, à mon sens, fort réussi, car les musiciens n’en font pas de trop, pas de surcharge ni de recherche de prouesses instrumentales : tout tend vers la musique, la musique avant tout, ce qui fait que ce cd défile sur la platine sans provoquer de saturation chez l’auditeur. De même, il y a des « tempi enlevés » qui font que ça swingue, que ça « balance » ce qu’il faut, mais sans exagération, sans imposer un rythme d’enfer , écueil classique de ce type de formation de jazz qui cherche parfois trop à jouer la carte de l’esbroufe au détriment de la musique et de LA note, comme dirait Carter, autre rencontre musicale de Richard Galliano.
- Oui… cette idée de « rythme d’enfer », c’est cela que j’exprimais en parlant d’impression d’asphyxie de ma part…
- Au contraire, il arrive parfois que l’on observe une certaine lourdeur et une mollesse qui rendent l’ensemble ennuyeux…
- … Oui, oui, ça aussi ça m’asphyxie. Je pourrais même dire que dans ce cas : lourdeur, mollesse… ça m’asphyxie parce que ça m’angoisse.
- Avec ce disque, on a affaire à un équilibre parfait.
- J’ai noté dans le texte de présentation cette remarque suivant laquelle il y a eu deux arrangeurs, Richard Galliano, lui-même, et un certain Joris que je ne connaissais pas, et surtout j’ai noté que l’auteur de ce texte commente les différences entre ces deux arrangeurs, mais, pour ma part, celles-ci me sont restées imperceptibles ou non-perceptibles, comme on voudra. Déficience de ma culture musicale ! En revanche, j’ai beaucoup apprécié, et bien perçu, l’articulation entre l’orchestre, l’accordéon solo et les autres solistes. Je trouve même que c’est une caractéristique de ce disque. Et puis, je dois dire que j’ai beaucoup aimé la qualité de la présence du batteur.
- Vous avez, vous aussi, remarqué le batteur ! Il faut dire que tous les musiciens sont très bons et que les arrangements, qu’ils soient de Galliano ou de Bert Joris sont très beaux : ils permettent d’apprécier les nuances des différents instruments. Entre parenthèses, Bert Joris est un excellent trompettiste, qui joue souvent avec Philippe Catherine, et qui est trop méconnu à mon goût… Je reviens aux arrangements. Là encore, ce cd fait la différence avec ces morceaux joués par un big band monolithique ou presque. On a affaire à une musique fluide, qui s’écoute sans difficultés, et qui pourtant est suffisamment complexe pour qu’on n’ait pas la sensation, désagréable, d’en avoir tout capté, tout saisi tout de suite… auquel cas, on écoute une fois et l’on range définitivement avec le sentiment d’avoir tout épuisé d’un coup. Tout au contraire avec « Ten Years Ago », après plusieurs écoutes intégrales, je sais que je n’ai pas fini de le (re)découvrir. C’est un signe certain de qualité en soi.
- Et puis, il y a le jeu de Galliano…
- Oui… J’apprécie son jeu… Bien sûr… Mais aussi son humilité. Je veux dire que je l’entends, que je le perçois comme un musicien du BJO, un soliste parmi d’autres. Je ne trouve pas qu’il « se pousse sur le devant de la scène ». Efficace et pertinent… Comme d’habitude, mais sans jouer, pas du tout, au grand soliste invité. J’aurais d’ailleurs été gêné s’il s’était comporté ainsi, je veux dire si j’avais eu l’impression d’un disque « 15 + 1 » ou « 1 + 15 ». Je veux dire « Moi et les autres ». Cette humilité, c’est ce qui me fait dire que Galliano est un « honnête homme », sensible et profond (Apollinaire n’est pas cité par hasard !), qui n’est toujours pas tombé dans le narcissisme en dépit d’un succès incontestable et incontesté.
- Absolument d’accord ! La « qualité » de Galliano me parait être en effet le résultat d’un alliage artistique et, si j’ose dire, éthique. C’est un accordéoniste, compositeur et interprète hors du commun, mais c’est, je suis d’accord, essentiellement un « honnête homme ». On sent bien, à travers ses différentes expériences musicales, à quel point la recherche de la rencontre des autres est pour lui quasi obsessionnelle. Parfois, je me demande d’ailleurs si la conscience qu’il a du temps qui passe, conscience que son âge doit aiguiser, ne le pousse pas, comme une pulsion vitale, à enchaîner les projets et les expériences de métissages avec une urgence croissante. J’en veux pour preuve le rythme de sa « production », qu’il s’agisse de disques ou de concerts, ou encore les délais de plus en plus courts de « fabrication » de ses derniers albums. Je suis frappé aussi par la tonalité de ses derniers disques qui semblent de plus en plus construits autour de la notion de moments forts de la vie, disques non de bilan, surtout pas de bilan comptable, mais de synthèse, de mise en ordre et de mise en perspective, presque de retour sur la construction de soi. Chemins, parcours, non trajectoire. La référence à Apollinaire, au « Pont Mirabeau », dont je note qu’il est manuscrit, n’est certes pas l’effet du hasard.
- A propos de hasard ou plus exactement d’absence de hasard, j’ai été intéressé par le fait que le premier titre, « Michelangelo 70 » est à la fois le seul qui ne soit pas une composition de Galliano et le plus court des dix morceaux. Mais je ne sais pas quel sens donner à cette observation. Manière de « lancer » l’écoute ? De l’orienter ? Hommage particulier à Piazzolla ? La rencontre avec celui-ci comme moment exceptionnellement fort parmi les moments forts ? De même, pourquoi avoir choisi comme titre générique « Ten Years Ago », qui est le nom de l’un des morceaux, morceau dédié à Barbara ? En tout cas, même si je ne sais pas comment les interpréter, ce sont évidemment des choix délibérés.
- J’avoue que je serais assez curieux, moi aussi, d’avoir quelques aperçus sur les choix qui ont présidé à la sélection des titres, à la répartition des arrangements et à la mise en ordre des morceaux… Sentir un peu comment se prépare cette cuisine… En attendant ce moment improbable, et après quelques écoutes in extenso de l’album, j’ai bien envie maintenant d’entreprendre une écoute comparative, je veux dire en comparant, chaque fois que cela me sera possible, tel ou tel titre interprété par Richard Galliano et le BJO à telle ou telle autre interprétation. Je pense par exemple à « Ten Years Ago », à « Tango pour Claude », à « Coloriage », à « Giselle », à « Taraf », je pense notamment aux duos Richard Galliano / Michel Portal ou Galliano / Mirabassi… Ce projet me parait d’autant plus légitime que Galliano, lui-même, écrit que tous ces titres évoquent pour lui des moments forts de sa vie et qu’il me parait du coup intéressant d’en saisir les différentes tonalités ou facettes à travers ses interprétations successives. Non pour faire un classement, encore moins pour établir un palmarès, non ! Tout simplement pour en saisir sur le vif les différentes facettes.
- ... J'ai comme une petite faim. Je pense qu'il doit rester du foie gras, du jambon de Bayonne et du fromage de pays... du vache et du mixte, vache / brebis... J'ouvre un Madiran pour le jambon et le fromage. Il me reste un fond de blanc liquoreux de Loupiac pour le foie gras. Quelques clémentines corses. Quelques tasses de café du Costa-Rica. J'attrape les assiettes et les verres... Bon appêtit ! A la vôtre !
- […] En fait, je me rends compte que j’identifie spontanément et même je puis dire que j’identifierai ce disque dans l’avenir plus comme « la rencontre de Richard Galliano & du Brussels Jazz Orchestra » que par son titre « Ten Years Ago », du nom du troisième morceau. Ce disque en effet est d’abord le résultat d’une rencontre, c’est vraiment ce qui le spécifie. De la même manière, « Blow Up », c’est pour moi le disque de la rencontre entre Galliano et Portal. Même chose pour « Coloriage » : c’est le duo Galliano / Mirabassi. Je me rends compte d’ailleurs en disant cela que plusieurs de mes albums sont ainsi d’abord « la rencontre entre… et… ».
- A propos de cette idée de rencontre, dont vous parlez, je suis bien d’accord avec vous. Je crois que Galliano a toujours eu l’intelligence de ne pas s’acoquiner avec n’importe qui et cette authenticité l’honore. Il faut dire en effet que ces rencontres sont souvent fort réussies. A ce sujet, je ne me rappelle plus si je vous en avais parlé, mais il faut écouter « Douces Illusions » enregistré avec l’excellent pianiste belge Ivan Paduart et des cordes…
- Oui, c’est vous qui m’aviez fait connaître ce disque. Il y a aussi Aerts à la contrebasse, Aerts que l’on retrouve en particulier dans le quartet Tangaria…
- Je les ai écoutés aussi, Galliano et Paduart, dans un duo accordéon / piano. De toute beauté. Mais je pense aussi à la rencontre entre Galliano et Jean-Charles Capon sur « Blues sur scène ». Pour moi, c’est un chef-d’œuvre. Entre parenthèses, un disque Frémeaux. « Les forains » de Sauguet, « Fou rire », ce sont des merveilles. Dans ce cas précis, l’amitié qui les unit s’entend comme une évidence. Il me parait clair que pour Galliano la rencontre musicale et la rencontre humaine vont de pair. Cette même évidence, je l’éprouve avec « Mare Nostrum » où tout parait tellement couler de source…
- Je partage sans restriction votre sentiment. Je me souviens de « Mare Nostrum » à Gaveau et à Junas, c’est exactement ce que vous dites, ça coulait de source…J’avais l’impression que l’espace entre les trois interprètes était saturé de signes d’attention réciproques et qu’ils se comprenaient à demi-signes… Je dois dire, même si je n’ai vu aucune image de Galliano avec le Brussels Jazz Orchestra, que j’ai eu immédiatement, à l’écoute du cd, cette impression d’accord intuitif entre tous les musiciens. Je ne connais pas le monde du big band et j’ai bien conscience de ne pas savoir l’apprécier. Sans doute est-ce parce que la masse sonore m’asphyxie et que souvent ce que j’entends manque pour moi de lisibilité… Mais, justement, en l’occurrence mon impression est toute différente. Puissance et clarté ne sont plus incompatibles. Le texte de présentation fait allusion à la technique des peintres juxtaposant de fines couches de peinture jusqu’à ce que la lumière éclairant le tableau paraisse venir de l’intérieur de la toile elle-même. Eh bien en effet cette idée traduit bien une impression que j’ai ressentie à l’écoute de l’orchestre, sans savoir bien l’exprimer : l’orchestre semble créer des couches sonores successives, masses sonores puissantes et quasi translucides, par opposition ou simplement par rapport auxquelles se construit la perception lumineuse des solos.
- Je suis tout à fait d’accord avec ce parallèle avec la peinture. Pour écouter beaucoup de jazz, je dois dire que ce cd du BJO ave Richard Galliano est, à mon sens, fort réussi, car les musiciens n’en font pas de trop, pas de surcharge ni de recherche de prouesses instrumentales : tout tend vers la musique, la musique avant tout, ce qui fait que ce cd défile sur la platine sans provoquer de saturation chez l’auditeur. De même, il y a des « tempi enlevés » qui font que ça swingue, que ça « balance » ce qu’il faut, mais sans exagération, sans imposer un rythme d’enfer , écueil classique de ce type de formation de jazz qui cherche parfois trop à jouer la carte de l’esbroufe au détriment de la musique et de LA note, comme dirait Carter, autre rencontre musicale de Richard Galliano.
- Oui… cette idée de « rythme d’enfer », c’est cela que j’exprimais en parlant d’impression d’asphyxie de ma part…
- Au contraire, il arrive parfois que l’on observe une certaine lourdeur et une mollesse qui rendent l’ensemble ennuyeux…
- … Oui, oui, ça aussi ça m’asphyxie. Je pourrais même dire que dans ce cas : lourdeur, mollesse… ça m’asphyxie parce que ça m’angoisse.
- Avec ce disque, on a affaire à un équilibre parfait.
- J’ai noté dans le texte de présentation cette remarque suivant laquelle il y a eu deux arrangeurs, Richard Galliano, lui-même, et un certain Joris que je ne connaissais pas, et surtout j’ai noté que l’auteur de ce texte commente les différences entre ces deux arrangeurs, mais, pour ma part, celles-ci me sont restées imperceptibles ou non-perceptibles, comme on voudra. Déficience de ma culture musicale ! En revanche, j’ai beaucoup apprécié, et bien perçu, l’articulation entre l’orchestre, l’accordéon solo et les autres solistes. Je trouve même que c’est une caractéristique de ce disque. Et puis, je dois dire que j’ai beaucoup aimé la qualité de la présence du batteur.
- Vous avez, vous aussi, remarqué le batteur ! Il faut dire que tous les musiciens sont très bons et que les arrangements, qu’ils soient de Galliano ou de Bert Joris sont très beaux : ils permettent d’apprécier les nuances des différents instruments. Entre parenthèses, Bert Joris est un excellent trompettiste, qui joue souvent avec Philippe Catherine, et qui est trop méconnu à mon goût… Je reviens aux arrangements. Là encore, ce cd fait la différence avec ces morceaux joués par un big band monolithique ou presque. On a affaire à une musique fluide, qui s’écoute sans difficultés, et qui pourtant est suffisamment complexe pour qu’on n’ait pas la sensation, désagréable, d’en avoir tout capté, tout saisi tout de suite… auquel cas, on écoute une fois et l’on range définitivement avec le sentiment d’avoir tout épuisé d’un coup. Tout au contraire avec « Ten Years Ago », après plusieurs écoutes intégrales, je sais que je n’ai pas fini de le (re)découvrir. C’est un signe certain de qualité en soi.
- Et puis, il y a le jeu de Galliano…
- Oui… J’apprécie son jeu… Bien sûr… Mais aussi son humilité. Je veux dire que je l’entends, que je le perçois comme un musicien du BJO, un soliste parmi d’autres. Je ne trouve pas qu’il « se pousse sur le devant de la scène ». Efficace et pertinent… Comme d’habitude, mais sans jouer, pas du tout, au grand soliste invité. J’aurais d’ailleurs été gêné s’il s’était comporté ainsi, je veux dire si j’avais eu l’impression d’un disque « 15 + 1 » ou « 1 + 15 ». Je veux dire « Moi et les autres ». Cette humilité, c’est ce qui me fait dire que Galliano est un « honnête homme », sensible et profond (Apollinaire n’est pas cité par hasard !), qui n’est toujours pas tombé dans le narcissisme en dépit d’un succès incontestable et incontesté.
- Absolument d’accord ! La « qualité » de Galliano me parait être en effet le résultat d’un alliage artistique et, si j’ose dire, éthique. C’est un accordéoniste, compositeur et interprète hors du commun, mais c’est, je suis d’accord, essentiellement un « honnête homme ». On sent bien, à travers ses différentes expériences musicales, à quel point la recherche de la rencontre des autres est pour lui quasi obsessionnelle. Parfois, je me demande d’ailleurs si la conscience qu’il a du temps qui passe, conscience que son âge doit aiguiser, ne le pousse pas, comme une pulsion vitale, à enchaîner les projets et les expériences de métissages avec une urgence croissante. J’en veux pour preuve le rythme de sa « production », qu’il s’agisse de disques ou de concerts, ou encore les délais de plus en plus courts de « fabrication » de ses derniers albums. Je suis frappé aussi par la tonalité de ses derniers disques qui semblent de plus en plus construits autour de la notion de moments forts de la vie, disques non de bilan, surtout pas de bilan comptable, mais de synthèse, de mise en ordre et de mise en perspective, presque de retour sur la construction de soi. Chemins, parcours, non trajectoire. La référence à Apollinaire, au « Pont Mirabeau », dont je note qu’il est manuscrit, n’est certes pas l’effet du hasard.
- A propos de hasard ou plus exactement d’absence de hasard, j’ai été intéressé par le fait que le premier titre, « Michelangelo 70 » est à la fois le seul qui ne soit pas une composition de Galliano et le plus court des dix morceaux. Mais je ne sais pas quel sens donner à cette observation. Manière de « lancer » l’écoute ? De l’orienter ? Hommage particulier à Piazzolla ? La rencontre avec celui-ci comme moment exceptionnellement fort parmi les moments forts ? De même, pourquoi avoir choisi comme titre générique « Ten Years Ago », qui est le nom de l’un des morceaux, morceau dédié à Barbara ? En tout cas, même si je ne sais pas comment les interpréter, ce sont évidemment des choix délibérés.
- J’avoue que je serais assez curieux, moi aussi, d’avoir quelques aperçus sur les choix qui ont présidé à la sélection des titres, à la répartition des arrangements et à la mise en ordre des morceaux… Sentir un peu comment se prépare cette cuisine… En attendant ce moment improbable, et après quelques écoutes in extenso de l’album, j’ai bien envie maintenant d’entreprendre une écoute comparative, je veux dire en comparant, chaque fois que cela me sera possible, tel ou tel titre interprété par Richard Galliano et le BJO à telle ou telle autre interprétation. Je pense par exemple à « Ten Years Ago », à « Tango pour Claude », à « Coloriage », à « Giselle », à « Taraf », je pense notamment aux duos Richard Galliano / Michel Portal ou Galliano / Mirabassi… Ce projet me parait d’autant plus légitime que Galliano, lui-même, écrit que tous ces titres évoquent pour lui des moments forts de sa vie et qu’il me parait du coup intéressant d’en saisir les différentes tonalités ou facettes à travers ses interprétations successives. Non pour faire un classement, encore moins pour établir un palmarès, non ! Tout simplement pour en saisir sur le vif les différentes facettes.
- ... J'ai comme une petite faim. Je pense qu'il doit rester du foie gras, du jambon de Bayonne et du fromage de pays... du vache et du mixte, vache / brebis... J'ouvre un Madiran pour le jambon et le fromage. Il me reste un fond de blanc liquoreux de Loupiac pour le foie gras. Quelques clémentines corses. Quelques tasses de café du Costa-Rica. J'attrape les assiettes et les verres... Bon appêtit ! A la vôtre !
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire
Abonnement Publier les commentaires [Atom]
<< Accueil