vendredi 28 novembre - le syndrome de l'ardèche
Le 17 novembre, à 14h25, je recevais un courriel signé de Françoise Descaillot au nom de l’équipe d’ «accordéon sans frontières ». Je cite :
« Fanfare légère et primesautière empruntant au terroir son instrumentation typique (cornemuses françaises, accordéon diatonique) et au jazz son sens de l'improvisation, Le Syndrome de l’Ariège propose une musique originale largement inspirée des mélodies et traditions du Vivarais et des Cévennes, magistralement réinventées par la grâce d’arrangements mutins alternant effets de masse, contrepoints chantants et embardées collectives. Une vivifiante plongée sensorielle et poétique au cœur d’un France mythique et populaire ».
Comme je connais bien l’équipe d’ «accordéon sans frontières », sans hésiter une seconde, j’ai pris contact avec le « contact » du Syndrome, Stéphane Méjean. Je n’ai en effet pas l’habitude d’écouter de la cornemuse, c’était donc pour moi l’occasion de découvrir cet instrument à côté de l’accordéon diatonique et de quelques autres.
Bref, vendredi soir, vers 20 heures, à notre retour de Toulouse, le dernier cd du Syndrome de l’Ardèche, « Mastic Central » nous attendait dans la boite à lettres parmi quantité de publicités et autres prospectus.
Comment dire ? L’écoute de ce disque a été pour nous une vraie révélation. Je sais bien, après ma rencontre récente avec l’Orchestre National de Salilhe, que la bourrée et le jazz ne sont point incompatibles ; mon oreille commence même à s’accoutumer à la collaboration entre la cabrette, les saxophones et la trompette. Je situe bien le projet du Syndrome dans une mouvance apparentée à celui de l’ONS. Mais, comme il y a un son ONS, il y a un son Syndrome. Et c’est ce son qui me touche.
Je note, en page 2 du livret, ces mots : « Le Syndrome de l’Ardèche ou la musique du rebord oriental du massif central. Musique traditionnelle visitée par le jazz ou lecture jazzistique de la musique traditionnelle ? Peu importe, la limite est plutôt tracée dans nos têtes que dans nos cœurs ; la musique doit avant tout véhiculer une émotion. Toutefois, si des territoires distincts existent, retrouvons-nous au poste frontière et là, comme ailleurs : « enrichissons-nous de nos différences ». Stéphane Méjean ».
Trois remarques à propos de ce texte :
- « musique traditionnelle visitée par le jazz ou lecture jazzistique de la musique traditionnelle… ». Peu importe dit S. Méjean. Et en effet je retrouve ici une idée qui m’est chère, à savoir que pour comprendre des projets complexes comme celui du Syndrome, il faut les penser en termes de conjonction («et ») et non en termes de disjonction («ou ») comme le fait la penser analytique, comme nous incite à la faire la pensée cartésienne. A la question : « Finalement, c’est quoi cette musique (sous-entendu, c’est ou bien… ou bien…) ? », la réponse est : « Ouvrez vos oreilles, jetez vos préjugés et autres stéréotypes à la poubelle, vous reconnaitrez que c’est à la fois de la musique traditionnelle et du jazz ». Dépassement dialectique des contradictions apparentes, dirait le philosophe.
- « la musique doit avant tout véhiculer une émotion ». Je retrouve ici la distinction de Roland Barthes, à laquelle je me réfère souvent car elle est pour moi très éclairante, entre studium et punctum. Le plaisir esthétique, et c’est bien le cas lorsque j’écoute « Mastic Central », est à la rencontre de deux plaisirs : plaisir d’ordre intellectuel (le projet du Syndrome ; l’intelligence du texte introductif ci-dessus ; la découverte de la cornemuse, que dis-je des cornemuses, par exemple, 16 et 20 pouces) et plaisir de la sensation (par exemple, « le lion du Panjshir » ou « Valse pour le soleil » ou « Ascension »).
- S. Méjean mobilise ici l’image du poste frontière. Pour ma part, en écoutant ce disque, une autre image me vient à l’esprit, celle du passeur qui fait et refait sans cesse la navette entre deux rives, au point qu’il arrive à tisser de part et d’autre des liens ténus mais impossibles à dénouer. J’aime bien cette image de nœuds entre la musique traditionnelle et le jazz.
Tout cela pour dire que j’ai pris le plus grand plaisir à écouter l’acidité des cornemuses et la rondeur des saxophones, et puis aussi la rencontre du tuba et du diatonique, quel couple !
Je m'aperçois enfin qu'il y a cette indication sur la couverture de l'album : "Jazz & Traditions Nouvelles du Vivarais et des Cévennes". Le concept de tradition nouvelle me parait tout à fait intéressant, car en un sens il me surprend. Une tradition peut-elle être déclarée nouvelle aujourd'hui même ? Ne faut-il pas attendre que l'Histoire se soit développée pour pouvoir identifier des pratiques nouvelles comme étant devenues des traditions ? A moins qu'il ne s'agisse de formes nouvelles données à la tradition ou, en d'autres termes, de traditions vivantes ? Auquel cas, ce que je pense, ce disque témoigne bien de ce mouvement que pour ma part je nomme volontiers de la "culture en acte". Culture qui se fait et pas seulement culture pour des discours savants.
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