jeudi 20 novembre 2008

samedi 22 novembre - classer

Jeudi, jour anniversaire de Françoise, aller-retour Pau/Hossegor. Il fait froid. Le temps est incertain. A l'aller, durant tout le trajet sur l’autoroute, les Pyrénées sur notre gauche. « Hénaurmes ! ». Elles se dressent, sombres et inquiétantes dans la partie basse, mais la ligne des sommets est lumineuse et même éclatante. A peu près à mi-hauteur, une écharpe grise d’épaisseur variable : on imagine la beauté de la mer de nuages qui s’étend sur des dizaines de kilomètres.

Le but de notre aller-retour ? Récupérer un demi-jambon que « les petits » avaient acheté chez Oteiza à l’occasion de leur dernier week-end à la villa et qu’ils ont oublié sur le bar en partant. Heureusement que la ventilation conserve la villa bien sèche et qu’au frais le jambon ne risque pas de se gâter. Tout de même, il fallait bien se décider à aller le récupérer.

En cette mi-novembre, c’est le moment creux à Hossegor et nous savons qu’il nous sera difficile de trouver un restaurant où déjeuner. C’est pourquoi nous nous arrêtons, sur le coup de midi, chez « Kebab », à Saint-Vincent de Tyrosse. Nous n’avons jamais été déçus ; « les petits » et « les filles » adorent. Et la cuisine, et les coussins moelleux autour de tables rondes pour six convives. Manger et faire la sieste, c’est le régal de Charlotte et de Camille, qui retrouvent ainsi spontanément un art de vivre romain.

Avant de rejoindre la villa, nous passons par la place des Landais. Vide. En regardant bien, on peut voir deux surfers dans les vagues et un troisième qui se prépare à les rejoindre. Les rouleaux sont réguliers, sans malice, et de hauteur tout à fait raisonnable. Des traces de pneus indiquent que même en cette saison les engins d’entretien cherchent à domestiquer le sable. Travail de Sisyphe ! Quelle constance ne faut-il pas pour faire croire aux gens que la nature est naturelle ! Et, moins poétique, combien d’impôts locaux !

















Après avoir aéré la villa et récupéré le jambon des « petits », nous récupérons aussi deux dvds oubliés sur le poste de télévision, un coffret de quatre disques de Barbara intitulé « Le temps du lilas », où l’on peut entendre Joss Baselli et Roland Romanelli, qui l’accompagnent, et un livre sur la corrida que je relis chaque année au moment des fêtes de Dax : « Toreros » d’A. Lafront, critique taurin connu sous le nom de Paco Tolosa.

Dans cet ouvrage, A. Lafront explicite une classification des toreros, de leur style, en quatre grandes catégories :

- les scientifiques
- les artistes
- les belluaires
- les pathétiques

Grosso modo, les scientifiques sont ceux qui « savent » beaucoup. On pourrait les assimiler à des théoriciens ou du moins à des toreros qui abordent ce combat qu’est la corrida sous l’angle des règles de l’art. Règles qu’ils connaissent parfaitement. Parfois un peu froids, ils donnent une impression de maîtrise, comme si ce qui va se passer devait se dérouler nécessairement suivant le plan qu’ils ont conçu, comme si le toro était d’abord un problème à résoudre. Les artistes, a contrario, donnent l’impression de jouer avec leur tempérament et leur imagination. On parle à leur sujet de duende ou d’inspiration. A l’opposé du torero géomètre, le torero intuitif, imprévisible, capable de séduire par l’élégance, la pureté et souvent le rythme de son geste. Ils provoquent des émotions fragiles comme le frôlement d’un tissu de soie. Ils provoquent parfois la chair de poule chez les aficionados médusés par tant de beauté. Les belluaires aussi peuvent provoquer la chair de poule, mais ce n’est pas la même que celle des artistes. Alors que ceux-là arrivent à faire oublier les difficultés de l’art tauromachique et donnent une illusion de facilité, ceux-ci rappellent sans cesse la présence du danger et de la mort. Exhiber les risques est le ressort de leur art. Durant toutes leurs faenas, on a peur. On tremble de peur. Bien loin de la finesse des passes rusées des artistes, les belluaires recherchent la violence du combat au corps à corps. Quant aux pathétiques, ils jouent sur le pathos. Suivant l’expression populaire, « ils en rajoutent », « ils en font trop ». Ils cherchent l’émotion à tout prix : froideur du scientifique, oui… mais froideur excessive et sur-jouée ; délicatesse de l’artiste, oui… mais une délicatesse mièvre, qui se dégrade en préciosité et simple afféterie ; courage du belluaire, oui… mais un courage qui se confond avec les rodomontades d’un gladiateur décervelé.

En parcourant ce livre une nième fois, je me dis que cette classification pourrait bien s’appliquer, mutatis mutandis, aux accordéonistes. Il y aurait les scientifiques, dont la technique parfaite et le savoir musical transmettent une impression de maîtrise absolue. Toute interprétation est résolution de problème. On admire. Parfois, c’est un peu distancié, un peu froid, un peu prévisible. Il y aurait les artistes, qui à chaque nouveau concert éblouissent par leur inventivité. Il peut leur arriver de « se planter »… peu importe, ils savent susciter le plaisir esthétique. On les aime pour ça. Il y aurait les belluaires. On en trouve beaucoup dès que l’accordéon s’aventure dans le monde du rock. Pour eux, l’accordéon est un instrument qui se conduit comme un camion. Toujours au bord du précipice, ça passe ou ça casse. Et puis, il y aurait les pathétiques, ceux qui à proprement parler font du pathos, de l’excès de sensiblerie ou de sentimentalisme, leur fonds de commerce. Je pense à tous ces accordéonistes dont le sourire béat découvre des dents blanches impeccables. Dois-je l’avouer, ce ne sont pas ceux que je préfère. Il m'arrive de les trouver pathétiques en effet.







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