dimanche 12 mars - alerte agenda ! "barocco tango" !
Je suis en train de découvrir « Barocco Tango » du duo David Louwerse, violoncelle, et Guillaume Hodeau, bandonéon. Après une première écoute de prise de contact, me voilà engagé dans quelques écoutes en boucles qui sont à proprement parler mon parcours de découverte.
La première idée qui me vient à
l’esprit, c’est cette évidence que « L’écoute de « Barocco
Tango » sera active ou ne sera pas. Cet opus se situe en effet aux
antipodes de la musique consommée en flux ininterrompu, sans début ni fin. Aux
antipodes donc de la musique de simple accompagnement. Ecoute active. L’écoute
de ce disque implique en effet un véritable travail d’interprétation de la part
de l’auditeur. Un travail de
questionnements, un travail d’hypothèses que chacun, en tant qu’auditeur sommé
d’être actif, doit accomplir pour son propre compte. Le travail d’un artiste en
effet a, me semble-t-il, pour fonction de susciter la curiosité, de provoquer
des impressions et non de donner des réponses ou d’imposer des interprétations.
Cette attitude quasi maïeutique est bien celle du duo. Elle me convient.
Ecouter « Barocco
Tango », c’est accomplir en effet un vrai travail de mise en questions :
-
Pourquoi ce duo ? D’où vient cette complicité
entre les deux instruments, le bandonéon et le violoncelle ; entre les deux
interprètes ?
-
Pourquoi ce choix de compositions alternées :
Piazzolla / Marin Marais / Piazzolla-Bach / Piazzolla / Vivaldi / Gardel /
Matos Rodriguez / Bach ?
-
Piazzolla en ouverture, Bach en clôture : pourquoi
ce parcours d’aval en amont, comme une remontée généalogique du tango à la
musique baroque ? Un travail de mise en évidence d’une filiation.
Il ne s’agit certes pas de
demander leurs réponses aux interprètes. Il s’agit bien, pour chaque auditeur,
de construire pas à pas ses réponses. Un travail risqué. Mais le plaisir du
sens est au bout. Un travail qui laisse à l’auditeur toute sa responsabilité
d’interprétation. L’écoute comme un problème dont il appartient à chacun de
construire la solution.
Au cœur de ce parcours personnel
de l’auditeur, qui en ce sens peut-être à bon droit dit interprète, une rencontre avec les musiciens, eux-mêmes
par définition interprètes. L’écoute active comme rencontre entre deux
processus d’interprétation. Un double travail en miroir.
Mais aussi une écoute en forme de
puzzle. Les différents titres de « Barocco Tango », bien loin de se
réduire à une simple succession de morceaux, à un flux, fonctionnent en effet comme les
pièces d’un puzzle qui se construit par tâtonnements successifs réitérés, par
un jeu de questions-réponses peut-être sans fin. Plaisir de l’écoute active,
plaisir du travail de l’interprétation. Plaisir du jeu de la mise en relation
des pièces pour les combiner en puzzle. Plaisir d’un parcours guidé par une
musique savante, par une musique dont les compositeurs et les interprètes
dialoguent par delà l’espace et le temps. Comme un jeu de reconnaissances réciproques.
Mais, au-delà de la diversité des
formes musicales, des auteurs et des époques, il y a un fil rouge qui les
traverse et les unit. La lecture du programme du disque et la liste des
compositeurs peut donner l’impression d’un certain éclectisme. Il faut aller
au-delà de cette apparence. Au-delà de celle-ci, il y a en effet une certaine
retenue, une certaine réserve, une manière de privilégier demi-teintes et
nuances. Aucun effet facile. L’émotion comme un cadeau offert par les deux
interprètes à l’auditeur actif. Une rigueur que l’on peut paradoxalement
qualifier de classique et de baroque, aux antipodes des tentations
expressionnistes excessives. Alliance de la liberté dans le classique et
de la rigueur dans le baroque. Suivant l’expression de la philosophie
antique : « Rien de trop ». Rien à soustraire, rien à ajouter.
« Barocco Tango » est
un disque de maîtrise tant en ce qui concerne la composition que la technique ou
l’interprétation. C’est en cela qu’il est au-delà de la virtuosité comme simple
habileté formelle, brio ou maestria. Au-delà de la performance. Au-delà de la
virtuosité vide de sens, ici, un climat s’installe au fil des écoutes :
une mélancolie sereine. Ni tristesse, ni exaltation. Une musique, ni solaire,
ni nocturne, une musique crépusculaire : crépuscule du matin, au lever du
jour, crépuscule du soir, à la tombée de la nuit. Tout en nuances.
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