jeudi 6 mai - barboza, dominguez et un percolateur
Hier après-midi, je suis allé rendre visite à mes parents, à la maison de retraite Saint Joseph, à Nay. Après plusieurs journées chaudes, le temps a tourné. C'est ainsi que, vendredi, le 30 avril, nous prenions un pot avec des copains, dans la rue, devant le théâtre où Galliano et le quartet Tangaria avaient donné leur concert. Nous nous étions quittés vers 23 heures : nous n'avions pas froid. Mardi, il neigeait sur l'Aude, sur Carcassonne en particulier.
Hier donc j'ai fait les dix derniers kilomètres jusqu'à Nay avec des flocons légers qui se collaient sur le parebrise de la voiture. Le thermomètre indiquait 3°. On devinait, à travers le brouillard, que les sommets alentour étaient couverts de neige fraiche. Sans doute de mauvaise qualité : gorgée d'eau. Une vraie soupe.
A Saint Joseph, mes parents m'attendaient dans la chambre de ma mère. Il y faisait chaud. J'ai fait de mon mieux pour atténuer leurs handicaps. Je l'ai fait un peu mécaniquement, car si l'on songe à leur sort, pourtant déchargé de toute difficulté matérielle ou financière, si l'on songe à leur sort, ça devient un peu difficile. Passons ! Nettoyer l'appareil dentaire de l'un, coiffer l'autre puis l'un, couper les ongles de l'un puis de l'autre, retrouver le pantalon égaré par l'un, vérifier les ourlets des robes de l'autre, ranger cinq mouchoirs dans le sac à main de l'une, plier et mettre en pile les polos de l'autre, contrôler que les albums de photographies, à travers lesquels on peut reconstituer une vie : rencontres, mariages, naissances, anniversaires, noëls et autres repas de famille, voitures, maisons, etc... contrôler que ces albums sont en bonne place et accessibles pour l'aide-soignante à qui ma mère les commente. Montrer à mes parents le courrier que j'ai relevé dans la boite aux lettres de leur villa et leur expliquer que ça c'est un relevé bancaire, ça la facture du téléphone (réduite à l'abonnement), ça celle de l'eau (réduite à l'abonnement), ça les remboursements de leur mutuelle, etc... etc... Il faudra demander au jardinier de venir tondre la pelouse dès que le temps le permettra. Mais bientôt, c'est l'heure du goûter. Je les accompagne jusqu'au foyer où ils vont grignoter un gâteau et boire leur café au lait. Ils sont ensemble. En tout cas, côte à côte. Au moment de les quitter, j'en crois à peine mes yeux : je me les rappelle à tel ou tel moment de leur vie et je ne peux croire qu'ils sont devenus "si peu de choses"...
En arrivant à la maison, je sens une odeur de café. Françoise vient d'en préparer deux tasses. Pour ce faire, elle a remis en service un petit percolateur que nous avions offert à mon beau-père, il y a je ne sais plus combien d'années. Je me rappelle combien ce cadeau lui avait fait plaisir. Nous avions en effet, quelque temps auparavant, acheté un percolateur pour notre usage. C'est celui que l'on voit sur la photographie à droite. Il est toujours en service. Mon beau-père nous l'enviait, mais il le trouvait trop gros pour lui seul. Après de multiples recherches, nous avions fait venir le petit percolateur spécialement d'Italie. On aurait pu croire qu'il n'avait jamais reçu cadeau ou jouet plus désirable.
Je me rappelle que Françoise appelait son père : "Payou". Moi-même, dès notre mariage, je l'ai appelé ainsi. Je l'ai toujours vouvoyé. Il m'a toujours vouvoyé, sauf peu de temps avant sa mort et lors de la mort de ma belle-mère. J'avais pour lui du respect et de l'affection. L'un comme l'autre, nous avions beaucoup de retenue et de pudeur dans la manifestation de nos sentiments. Il m'aimait bien, alors même que l'intrusion d'un gendre, c'est toujours un peu, beaucoup, dérangeant dans la vie d'une cellule familiale.
C'est dire que ce café, dans ce percolateur, je ne le bois pas sans une réelle émotion.
Et ce soir, en rédigeant ces quelques paragraphes, j'écoute pour la troisième fois un disque que j'ai emprunté à Toulouse :
- "Raul Barboza / JuanJo Dominguez, Misionerita", La Lichère, distribution Night and Day, 1999.
J'aime beaucoup l'accordéon de Barboza. J'aime ce qu'il joue : valses, chamamé et autres airs de son Argentine. J'aime ses coups de soufflet comme les stridences d'un fouet fendant l'air. J'aime sa manière de tenir ensemble, paradoxalement, des mouvements saccadés et amples, discontinus et continus, hachés et fluides, crispés et détendus, etc... En l'écoutant, je vérifie que la musique, pour moi, est bien inséparable d'une mélodie que j'ai envie de fredonner, que je découvre tout en ayant l'impression de pouvoir l'anticiper. Sans doute est-ce une conception un peu simple, un peu naïve, mais je sens bien qu'elle correspond à ce qui me fait plaisir. Mais alors, je m'interroge :"Comment m'expliquer que je n'arrive pas à apprécier le musette en dents blanches ? Peut-être parce que la mélodie y est par trop racoleuse ?"
Comme auraient pu le dire, à peu près, les surréalistes : "Emouvant comme la rencontre d'un percolateur et d'un album de Barboza, un soir, entre 21h et 22h30".
Hier donc j'ai fait les dix derniers kilomètres jusqu'à Nay avec des flocons légers qui se collaient sur le parebrise de la voiture. Le thermomètre indiquait 3°. On devinait, à travers le brouillard, que les sommets alentour étaient couverts de neige fraiche. Sans doute de mauvaise qualité : gorgée d'eau. Une vraie soupe.
A Saint Joseph, mes parents m'attendaient dans la chambre de ma mère. Il y faisait chaud. J'ai fait de mon mieux pour atténuer leurs handicaps. Je l'ai fait un peu mécaniquement, car si l'on songe à leur sort, pourtant déchargé de toute difficulté matérielle ou financière, si l'on songe à leur sort, ça devient un peu difficile. Passons ! Nettoyer l'appareil dentaire de l'un, coiffer l'autre puis l'un, couper les ongles de l'un puis de l'autre, retrouver le pantalon égaré par l'un, vérifier les ourlets des robes de l'autre, ranger cinq mouchoirs dans le sac à main de l'une, plier et mettre en pile les polos de l'autre, contrôler que les albums de photographies, à travers lesquels on peut reconstituer une vie : rencontres, mariages, naissances, anniversaires, noëls et autres repas de famille, voitures, maisons, etc... contrôler que ces albums sont en bonne place et accessibles pour l'aide-soignante à qui ma mère les commente. Montrer à mes parents le courrier que j'ai relevé dans la boite aux lettres de leur villa et leur expliquer que ça c'est un relevé bancaire, ça la facture du téléphone (réduite à l'abonnement), ça celle de l'eau (réduite à l'abonnement), ça les remboursements de leur mutuelle, etc... etc... Il faudra demander au jardinier de venir tondre la pelouse dès que le temps le permettra. Mais bientôt, c'est l'heure du goûter. Je les accompagne jusqu'au foyer où ils vont grignoter un gâteau et boire leur café au lait. Ils sont ensemble. En tout cas, côte à côte. Au moment de les quitter, j'en crois à peine mes yeux : je me les rappelle à tel ou tel moment de leur vie et je ne peux croire qu'ils sont devenus "si peu de choses"...
En arrivant à la maison, je sens une odeur de café. Françoise vient d'en préparer deux tasses. Pour ce faire, elle a remis en service un petit percolateur que nous avions offert à mon beau-père, il y a je ne sais plus combien d'années. Je me rappelle combien ce cadeau lui avait fait plaisir. Nous avions en effet, quelque temps auparavant, acheté un percolateur pour notre usage. C'est celui que l'on voit sur la photographie à droite. Il est toujours en service. Mon beau-père nous l'enviait, mais il le trouvait trop gros pour lui seul. Après de multiples recherches, nous avions fait venir le petit percolateur spécialement d'Italie. On aurait pu croire qu'il n'avait jamais reçu cadeau ou jouet plus désirable.
Je me rappelle que Françoise appelait son père : "Payou". Moi-même, dès notre mariage, je l'ai appelé ainsi. Je l'ai toujours vouvoyé. Il m'a toujours vouvoyé, sauf peu de temps avant sa mort et lors de la mort de ma belle-mère. J'avais pour lui du respect et de l'affection. L'un comme l'autre, nous avions beaucoup de retenue et de pudeur dans la manifestation de nos sentiments. Il m'aimait bien, alors même que l'intrusion d'un gendre, c'est toujours un peu, beaucoup, dérangeant dans la vie d'une cellule familiale.
C'est dire que ce café, dans ce percolateur, je ne le bois pas sans une réelle émotion.
Et ce soir, en rédigeant ces quelques paragraphes, j'écoute pour la troisième fois un disque que j'ai emprunté à Toulouse :
- "Raul Barboza / JuanJo Dominguez, Misionerita", La Lichère, distribution Night and Day, 1999.
J'aime beaucoup l'accordéon de Barboza. J'aime ce qu'il joue : valses, chamamé et autres airs de son Argentine. J'aime ses coups de soufflet comme les stridences d'un fouet fendant l'air. J'aime sa manière de tenir ensemble, paradoxalement, des mouvements saccadés et amples, discontinus et continus, hachés et fluides, crispés et détendus, etc... En l'écoutant, je vérifie que la musique, pour moi, est bien inséparable d'une mélodie que j'ai envie de fredonner, que je découvre tout en ayant l'impression de pouvoir l'anticiper. Sans doute est-ce une conception un peu simple, un peu naïve, mais je sens bien qu'elle correspond à ce qui me fait plaisir. Mais alors, je m'interroge :"Comment m'expliquer que je n'arrive pas à apprécier le musette en dents blanches ? Peut-être parce que la mélodie y est par trop racoleuse ?"
Comme auraient pu le dire, à peu près, les surréalistes : "Emouvant comme la rencontre d'un percolateur et d'un album de Barboza, un soir, entre 21h et 22h30".
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