samedi 6 février 2010

samedi 6 février - lourdes : six photonotes

Lourdes est une ville qui me fascine. Tout y est démesuré. Au moment des grandes processions, trop de monde, trop de malades, trop de soutanes et de cornettes. On est pris dans les mouvements de foule comme dans les baïnes de la côte landaise, ces courants parallèles à la plage qui vous entrainent inexorablement vers le large dès lors que vous avez eu l'imprudence de vous y aventurer. Entre les rassemblements religieux, le vide. Vide des rues, vide de l'esplanade, vide de la basilique souterraine, belle comme un parking déserté. Entre le trop et le vide, rien ou presque rien : des touristes et non plus des pélerins, qui errent comme des âmes en peine. Ici ou là, immobile comme une statue, un pénitent venu d'ailleurs prie au pied d'un saint ou de sainte Bernadette... Lourdes est une ville de montagne. Il y fait trop chaud en été et trop froid en hiver.

Lourdes me fascine par son fonctionnement. Ce qui s'y passe est un modèle de processus alchimique et un modèle de mouvement perpétuel.

Je m'explique. Modèle de processus alchimique ? On sait que le travail alchimique a pour but de transformer le plomb en or au terme d'un processus d'une infinie patience. Ici, on a affaire à une variante moderne : il s'agit de la transmutation quasi instantanée du plastique en fric. De nuit, quand les pélerins dorment, harassés par leurs chemins de croix, des camions livrent au poids leur marchandise : statuettes de la Vierge, images pieuses, gourdes pour recueillir l'eau de la grotte, etc..


Le matin, aux premières heures du jour, toutes ces choses sont installées, offertes aux croyants qui y voient des figures saintes. Miracle de la foi, miracle de la rencontre du commerce et de la piété.

On a peine à en croire ses yeux. Une armée blanche et bleue est en ordre de marche, prête à envahir la planète.

D'autre part, Lourdes, c'est aussi un modèle de mouvement perpétuel. La rencontre du développement durable ou infini et de l'éternité. Les gens achètent des cierges et les déposent dans des bacs. Des employés viennent les y chercher et les installent dans ces drôles de baraques où ils se consument, flammes fragiles mais tendues vers les cieux comme des âmes aspirées par leur foi. Notons qu'à Lourdes tout est multiple : c'est pourquoi je ne parle pas du ciel, mais des cieux.



L'armée des cierges, elle aussi, est en marche.


Mais je parlais de développement durable et de mouvement perpétuel. Je m'explique. L'image ci-dessous n'est pas celle d'un barbecue et la flamme des cierges n'a aucune fonction culinaire. Il ne s'agit pas ici de rôtisserie. Non, on voit ici la cire des cierges qui se dépose au fond de réservoirs ad hoc. Des employés viendront bientôt la ramasser et l'emporter dans des sortes de remorques jusqu'à des ateliers où, purifiée et moulée, propre comme un sou neuf, elle reprendra forme de cierges. Lesquels cierges seront installés en bon ordre dans des présentoirs où, moyennant finance, les gens pourront les prendre pour aller les déposer dans des bacs, où des employés viendront les chercher, etc... etc... etc... Vous comprenez pourquoi je parlais de mouvement perpétuel. Le cierge est une pompe à fric indéfiniment renouvelable. Pour ceux qui en douteraient encore, comment ne pas voir que c'est cela le miracle de Lourdes. Et c'est pour cela que cette cité me fascine.







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