lundi 27 juillet 2009

mardi 28 juillet - five tango sensations

Il y a quelques mois, Jacques Pellarin m'avait fait découvrir le dernier disque enregistré par Astor Piazzolla, ou du moins l'un des tout derniers :

- "Kronos Quartet / Astor Piazzolla / Five Tango Sensations", édité en 1991 par Elektra Entertainment, division de Warner Communication.

Je me rappelle avoir écrit une page sur ce disque, mais comme je ne relis jamais ce que j'ai publié, sauf exception pour retrouver telle ou telle information de fait, peut-être vais-je me répèter. Mais il ne faut pas redouter la redondance. En l'occurrence, elle serait plutôt l'indice de la permanence de mes goûts ; mais si ce n'est pas le cas, alors ce sera l'indice que je change. Toutes choses bien normales.

Ce disque est étrange. Enregistré en 1989, publié en 1991, il associe le Kronos Quartet, une formation basée en Californie - violon, violon, alto et violoncelle - et Piazzolla au bandonéon. Sa durée est de 26,16 minutes, ce qui est anormalement peu. Il est composé de cinq titres : "Asleep", "Loving", " Anxiety", "Despertar", "Fear".

Les titres donnent une idée du climat. Endormissement, engourdissement / Affection, tendresse / Angoisse, inquiétude, détresse / Eveil / Crainte, peur, danger. On est loin des éclats, des stridences et des violences de Piazzolla. On est loin du tango à fleur de peau, de la lutte incessante entre les débordements de l'énergie et la rigueur de l'écriture. Tout est clair, plein de retenue, apaisé, distancié. Le quartet entoure Piazzolla de tous ses soins et de toute son affection.

Un disque étrange en vérité. Je pense à cette expression un peu surannée : le parfum de la mort. Les stoïciens parlaient d'ataraxie, un état de sérénité, d'absence de troubles, une mise à distance du monde et de ses propres sensations par rapport à soi-même. On a parfois le sentiment que Piazzolla est "ailleurs", encore de ce monde, mais déjà outre-tombe.

Plus j'écoute ce disque, plus me reviennent à l'esprit des images de dessins de Picasso, d'Ingres, de Cartier-Bresson, de Giaccometti. Je pense en particulier aux travaux préparatoires à ses sculptures que faisaient celui-ci, où l'on voit comment d'esquisse en esquisse, il essaie inlassablement d'enlever des lignes pour arriver à la forme cherchée avec un minimum de traits, de traces. J'ai, à l'écoute de ce disque, la même impression de travail tendu vers l'élimination de tout ce qui est inessentiel.

Du coup, j'ai rarement éprouvé un sentiment de tension aussi fort que dans ces 26 minutes. Je pourrais presque dire, sans exagérer, que cette écoute a quelque chose d'épuisant, tant elle nous oblige, pour la suivre, à avancer sur le fil du rasoir.

Un disque noir ! Fiat lux obscura !

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