mercredi 18 avril - à propos de pascal contet sur france musique
Dans un post précédent, daté du mardi 17, je m'étais fait l'écho d'une émission de France Musique, diffusée dans la nuit de dimanche à lundi - "A l'improviste", de minuit à minuit 40 - et animée par Anne Montaron. Emission consacrée à l'improvisation avec Joëlle Léandre, contrebasse, et Pascal Contet, accordéon : un duo rompu à cet exercice.
J'ai trouvé cette émission doublement intéressante : d'abord, au plan musical, par le travail d'improvisation en acte, si je puis dire, qu'elle proposait, ensuite, au plan réflexif ou conceptuel, par l'explicitation que donnaient les deux musiciens de leur conception de l'improvisation. J'ai beaucoup aimé la manière dont, à travers cinq improvisations de cinq à six minutes, on assistait à la construction d'un dialogue de tâtonnements en tâtonnements. La notion de tâtonnements connotant un cheminement de recherche tâtonnante et non ce qui pourrait être assimilé à de simples tentatives par essais et erreurs. Pour reprendre une expression empruntée à la pédagogie, je parlerais volontiers de démarche de tâtonnement expérimental, voire expérientiel.
L'émission était donc construite de la manière suivante : une introduction présentant les deux interprètes, disons plutôt compositeurs-interprètes, composition et interprétation live, in vivo, se confondant, puis une première impro d'environ 8 minutes, suivie d'un entretien approfondi sur les notions d'improvisation et de créativité, d'une deuxième impro de 5 minutes, d'une troisième immédiatement enchainée de 5 minutes, d'une quatrième idem et d'une dernière de 3 minutes.
Une émission très dense donc, dont je retiens quelques idées et quelques impressions. D'abord, cette impression de dialogue qui, de moments en moments, se construit. Des essais, des prises de risques, des amorces d'échanges, qui au fil des improvisations font place à des phrases partagées de plus en plus longues et élaborées. Comme la naissance d'une mélodie. Fascinant. Quelque chose "prend". Je pense à cette idée d'Antonio Machado disant que le chemin ne préexiste pas au cheminement : ce sont les pas, l'un après l'autre, qui font le chemin. Ces échanges ne sont possibles que par le respect et l'attention réciproques qui lient les deux artistes. On sent bien ici que les exigences esthétiques et morales, sans se confondre, se renforcent mutuellement. Au-delà de l'esthétique, l'éthique.
L'entretien vaut la peine d'être écouté attentivement, car Joëlle Léandre et Pascal Contet y explicitent leur conception de l'improvisation. Et l'on sent bien que c'est une pratique qui "leur tient à coeur". Quelque chose de vital, en tout cas qui est lié intimement à la vie. L'improvisation, en particulier, est pour ces deux artistes une voie royale vers la compréhension du processus de création. On retrouve ici la notion de tâtonnements et l'improvisation comme expérience du processus tâtonnant de la création qui se manifeste, une fois achevé, sous la forme d'une partition écrite. Il me semble à ce sujet que J. Léandre parle de l'improvisation comme d'une cérémonie à la vie. L'image me vient à l'esprit de la lave en fusion d'un volcan - l'impro - qui, refroidie et figée, semble intangible - la partition -.
A un certain moment, Pascal, pour expliciter sa pensée, parle, comme dans l'article qui lui est consacré dans le dernier numéro d' "Accordéon et accordéonistes", de "comprosition", notion résultant d'un court-circuit entre composition et improvisation. Improviser et, ce faisant, composer. Composer et, pour ce faire, improviser. On sent bien que la création procède de ce jeu dialectique. Dialectique de l'ordre et du désordre. Curieusement d'ailleurs, d'improvisation en improvisation, j'ai eu l'impression de quelque chose qui, de plus en plus, faisait penser à des phrases écrites. En particulier les deux dernières improvisations. Mais justement, ayant écouté les précédentes, on est plus sensible à la fragilité de l'équilibre qui se construit. On participe mieux à la prise de risque - au risque du ratage, de la forme avortée, de la voie sans issue - à laquelle les deux compositeurs / interprètes nous font participer, plus encore que simplement assister. Une fragilité assumée et revendiquée.
L'improvisation : une certaine philosophie de la vie. Du coup, je comprends mieux à quel point les projets multiples de Pascal Contet lui sont une nécessité vitale. En particulier ceux qui impliquent l'improvisation. Pour notre plus grand bonheur.
ps : à propos de la notion de "comprosition" imaginée par Pascal Contet, notion qui donne à réfléchir, je me dis qu'il vaudra la peine, un jour prochain, d'approndir l'analyse de ces deux autres notions, apparemment paradoxales, en tout cas liées comme les deux faces d'un Janus : celle de composition improvisée et celle d'improvisation composée. L'une désignant un schéma de composition organisée et structurée faisant une place plus ou moins importante à des improvisations, donc à de l'imprévu, l'autre désignant une démarche d'improvisation fondée sur une trame en partie organisée a priori et incluant des éléments déjà existants, voire même écrits. Au coeur de cette réflexion, j'ai l'intuition que se trouve la notion d'imprévu qui, en fait, recouvre deux niveaux : l'imprévu absolu, ce qui est complétement imprévisible et donc inattendu, d'une part, et d'autre part l'imprévu relatif, ce qui est prévisible ou attendu, mais sans que l'on puisse anticiper le moment où tel phénomène se produira. Distinction à reprendre pour penser une improvisation absolue et une improvisation relative.
J'ai trouvé cette émission doublement intéressante : d'abord, au plan musical, par le travail d'improvisation en acte, si je puis dire, qu'elle proposait, ensuite, au plan réflexif ou conceptuel, par l'explicitation que donnaient les deux musiciens de leur conception de l'improvisation. J'ai beaucoup aimé la manière dont, à travers cinq improvisations de cinq à six minutes, on assistait à la construction d'un dialogue de tâtonnements en tâtonnements. La notion de tâtonnements connotant un cheminement de recherche tâtonnante et non ce qui pourrait être assimilé à de simples tentatives par essais et erreurs. Pour reprendre une expression empruntée à la pédagogie, je parlerais volontiers de démarche de tâtonnement expérimental, voire expérientiel.
L'émission était donc construite de la manière suivante : une introduction présentant les deux interprètes, disons plutôt compositeurs-interprètes, composition et interprétation live, in vivo, se confondant, puis une première impro d'environ 8 minutes, suivie d'un entretien approfondi sur les notions d'improvisation et de créativité, d'une deuxième impro de 5 minutes, d'une troisième immédiatement enchainée de 5 minutes, d'une quatrième idem et d'une dernière de 3 minutes.
Une émission très dense donc, dont je retiens quelques idées et quelques impressions. D'abord, cette impression de dialogue qui, de moments en moments, se construit. Des essais, des prises de risques, des amorces d'échanges, qui au fil des improvisations font place à des phrases partagées de plus en plus longues et élaborées. Comme la naissance d'une mélodie. Fascinant. Quelque chose "prend". Je pense à cette idée d'Antonio Machado disant que le chemin ne préexiste pas au cheminement : ce sont les pas, l'un après l'autre, qui font le chemin. Ces échanges ne sont possibles que par le respect et l'attention réciproques qui lient les deux artistes. On sent bien ici que les exigences esthétiques et morales, sans se confondre, se renforcent mutuellement. Au-delà de l'esthétique, l'éthique.
L'entretien vaut la peine d'être écouté attentivement, car Joëlle Léandre et Pascal Contet y explicitent leur conception de l'improvisation. Et l'on sent bien que c'est une pratique qui "leur tient à coeur". Quelque chose de vital, en tout cas qui est lié intimement à la vie. L'improvisation, en particulier, est pour ces deux artistes une voie royale vers la compréhension du processus de création. On retrouve ici la notion de tâtonnements et l'improvisation comme expérience du processus tâtonnant de la création qui se manifeste, une fois achevé, sous la forme d'une partition écrite. Il me semble à ce sujet que J. Léandre parle de l'improvisation comme d'une cérémonie à la vie. L'image me vient à l'esprit de la lave en fusion d'un volcan - l'impro - qui, refroidie et figée, semble intangible - la partition -.
A un certain moment, Pascal, pour expliciter sa pensée, parle, comme dans l'article qui lui est consacré dans le dernier numéro d' "Accordéon et accordéonistes", de "comprosition", notion résultant d'un court-circuit entre composition et improvisation. Improviser et, ce faisant, composer. Composer et, pour ce faire, improviser. On sent bien que la création procède de ce jeu dialectique. Dialectique de l'ordre et du désordre. Curieusement d'ailleurs, d'improvisation en improvisation, j'ai eu l'impression de quelque chose qui, de plus en plus, faisait penser à des phrases écrites. En particulier les deux dernières improvisations. Mais justement, ayant écouté les précédentes, on est plus sensible à la fragilité de l'équilibre qui se construit. On participe mieux à la prise de risque - au risque du ratage, de la forme avortée, de la voie sans issue - à laquelle les deux compositeurs / interprètes nous font participer, plus encore que simplement assister. Une fragilité assumée et revendiquée.
L'improvisation : une certaine philosophie de la vie. Du coup, je comprends mieux à quel point les projets multiples de Pascal Contet lui sont une nécessité vitale. En particulier ceux qui impliquent l'improvisation. Pour notre plus grand bonheur.
ps : à propos de la notion de "comprosition" imaginée par Pascal Contet, notion qui donne à réfléchir, je me dis qu'il vaudra la peine, un jour prochain, d'approndir l'analyse de ces deux autres notions, apparemment paradoxales, en tout cas liées comme les deux faces d'un Janus : celle de composition improvisée et celle d'improvisation composée. L'une désignant un schéma de composition organisée et structurée faisant une place plus ou moins importante à des improvisations, donc à de l'imprévu, l'autre désignant une démarche d'improvisation fondée sur une trame en partie organisée a priori et incluant des éléments déjà existants, voire même écrits. Au coeur de cette réflexion, j'ai l'intuition que se trouve la notion d'imprévu qui, en fait, recouvre deux niveaux : l'imprévu absolu, ce qui est complétement imprévisible et donc inattendu, d'une part, et d'autre part l'imprévu relatif, ce qui est prévisible ou attendu, mais sans que l'on puisse anticiper le moment où tel phénomène se produira. Distinction à reprendre pour penser une improvisation absolue et une improvisation relative.
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