samedi 9 avril 2011

samedi 9 avril - le vampire, le catalyseur et l'animateur

Après le concert de Bordeaux donné par le Trio Miyazaki et Junko Saito et après un détour par Pau en raison de l'hospitalisation en urgence de mon père, nous sommes allés poser nos pénates à Hossegor pour ouvrir la villa à des ouvriers qui malgré tous leurs efforts n'arrivent pas à rendre étanche la terrasse dont je rêve. Nous y sommes restés de mercredi soir à ce matin avant de revenir à la maison.

Quelques jours de farniente, quelques jours où nous avons eu loisir d'écouter quelques disques. Parmi ceux-ci, trois, que nous voulions, si j'ose dire, explorer pariculièrement :

- "Gilles Apap / No piano on that one", 2001, Apapaziz Productions.
- "Gilles apap & the colors of invention / Vivaldi's Four Seasons", 2002, Apapaziz Productions
- "Gilles Apap & the colors of invention / Sans orchestre", 2008, Apapaziz Productions

Le premier disque comprend six membres : G. Apap, violon ; M. Lafar, accordéon, L. Kovac, cymbalum, Ph. Noharet, contrebasse, tous les trois membres de Colors of Invention ; C. Jamason, clavecin et M.-P. Langlamet, harpe. Les deux autres sont joués par G. Apap et les trois Colors of Invention.

En écoutant maintes et maintes fois ces trois disques, une impression a fini par s'imposer à nous comme une évidence. La virtuosité de Gilles Apap est manifeste. Il fait, si l'on peut dire, ce qu'il veut de son violon. Aucun style ne lui résiste, aucun ne lui est étranger. Il a une façon de tout traduire dans son propre langage, qui fait aussi partie de sa virtuosité. Plus on l'écoute, plus on pense à un équivalent musical de ce que l'on appelle fou littéraire. D'une certaine façon, je serais tenté de dire qu'il y a de l'alchimiste en lui : tout ce qu'il touche devient or. Sa présence a quelque chose de phénoménal...

Mais justement, je me rends compte que voulant parler des trois disques, que je citais plus haut, je ne parle en définitive que de Gilles Apap. Et les autres ? Eh bien les autres ils sont relégués au second plan, dans le rôle de la toile de fond et pourquoi pas de faire valoir. A bien écouter ces trois disques, on prend conscience qu'il se comporte sur chaque morceau comme un enfant surdoué, qui n'a de cesse qu'il ait réussi à se retrouver seul sur le devant de la scène. Sa présence est envahissante, tellement qu'il est souvent difficile d'identifier le rôle de ses collègues. A ce sujet, on peut douter que pour lui il s'agisse de collègues, tant il avance "moi devant et les autres derrière".

Tout à ces réflexions, un mot m'est venu à l'esprit :"vampire". Un vampire certes plutôt sympathique, mais un vampire tout de même, qui se nourrit de l'énergie des autres et qui les laisse exsangues, cherchant en vain à l'accompagner dans des chemins qu'il finit par être seul à explorer. On aurait ainsi affaire à la figure du leader vampire, qui suce le sang de ses prétendus collègues réduits en fait au rôle de simples comparses.

Mais tout aussitôt, par comparaison, me sont venues à l'esprit deux autres figures de leaders. J'ai pensé à Daniel Mille qui, pour moi, incarne celle du catalyseur. Sa présence est souvent discrète ; il n'hésite pas à faire trois pas de recul pour mettre en évidence tel ou tel de ses collègues. Mais sa discrétion est une manière de donner confiance aux autres et de leur permettre ainsi de donner le meilleur d'eux-mêmes. Et quand il est lui-même au premier plan, on sent bien qu'il entraine avec lui les autres, qui ne sont jamais loin.

Autre figure de leader, Richard Galliano bien sûr. Il est certes tout à fait capable d'assurer des concerts solo, et il le fait souvent. Sa présence alors est magnifique. Plus rien alors n'existe que sa musique. Mais quand il joue dans différentes formations - des duos avec M. Portal aux trios comme Acoustic Trio jusqu'aux big bands comme le Brussel Jazz Orchestra en passant par les quartets du new musette ou de Tangaria - alors je le perçois à proprement parler comme animateur. Non pas celui qui veut à toute force être sur le devant de la scène, mais celui qui, par sa présence lumineuse et attentive, donne élan vital aux autres. J'entends le mot animateur au sens le plus fort du terme, c'est-à-dire celui qui insuffle la vie. Cette qualité est encore une facette de son génie. Elle explique assez bien pourquoi ceux qui l'entourent et l'accompagnent ont toujours tant de talent.

Bien sûr, ces quelques réflexions demandent vérification et confirmation, mais pour l'instant, je l'avoue, je trouve quelque valeur opératoire à cette typologie du leader, composée de trois figures : le vampire, le catalyseur et l'animateur.    

 

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