dimanche 27 mars - richard galliano concert solo : sept photonotes pour en esquisser l'environnement
Un concert de Richard Galliano se suffit certes en tant que tel quant à son intensité esthétique. Mais quand on arrive à l'inclure dans un environnement de plaisirs esthétiques, alors la satisfaction s'en trouve renforcée et multipliée. C'est pourquoi, nous nous efforçons toujours et systématiquement d'associer aux concerts soit des visites d'expositions, soit des promenades dans de beaux paysages ou dans de beaux ensembles du point de vue de l'urbanisme ou de l'architecture. A cet égard, Bordeaux est un lieu privilégié. Un site et une histoire exceptionnels. Le musée d'Aquitaine dédié à Bordeaux et sa région de la préhistoire au XVIII ème est d'une richesse incroyable. Sans parler de la qualité muséographique. Actuellement, il y a aussi une exposition temporaire dédiée à l'art d'Afrique, plus particulièrement à la qualité artistique des fétiches. D'une beauté exceptionnelle ! Aucune photo de tous ces beaux objets. Problème de droit de propriété et de conservation matérielle des fétiches. Beaux, mais fragiles.
Mais, avant de revenir à Bordeaux, partons du départ. Le concert de Richard Galliano ayant lieu mardi, nous avions décidé de rejoindre Bordeaux dès lundi pour avoir justement le temps de "nous" fabriquer cet environnement culturel que j'évoquais ci-dessus. Mais avant de nous mettre en route, nous avons attendu le passage du facteur pour voir si, par hasard, il avait les deux cds que nous avions commandés à Amazon. Chance ! Bon présage ! Il a bien "Paris Village", de Viviane Arnoux et François Michaud, dont nous avions repéré la sortie grâce à un article de Françoise Jallot dans le dernier "Accordéon & accordéonistes". Il a aussi le premier des trois cds "Accordion Tribe", que nous avons commandé en fait après les deux autres, sans que cet ordre corresponde à une intention quelconque. Nous l'avons commandé d'abord parce que le port est gratuit à partir de 25 euros, mais après une première écoute je ne le regrette pas. Finalement, cette manière de forcer la main de l'acheteur me convient assez, car elle m'a permis de faire des découvertes que je n'aurais pas faites sans ce coup de pouce.
Munis de nos deux cds, on a donc parcouru les deux cents kilomètres d'autoroute entre Pau et Bordeaux sans voir passer le temps, ni le paysage dont j'ai dit déjà à quel point il peut être désolant tant les ravages de la dernière tempête sont manifestes et, sans être irrémédiables ou irréversibles, très profonds.
"Paris Village" est frais comme un vin nouveau. Une série de croquis pleins de charme. Faussement simple et naïf. Tendresse, nostalgie, vague à l'âme, avec un zeste d'humour et un soupçon d'ironie. "Accordion Tribe" se situe bien dans la ligne des deux autres disques que nous connaissons. Parfois, la présence de plusieurs accordéons est un peu pesante, lourde, dépourvue de réactivité, mais le plus souvent c'est la puissance qui l'emporte dans un registre qui évoque très fort le folklore des pays nordiques. En tout cas, l'ensemble des trois albums constitue ce qu'on peut à juste titre qualifier d'oeuvre, avec sa cohérence et son unité.
Mardi après-midi, on est allé au musée d'art contemporain de Bordeaux. Un lieu magnifique : les anciens entrepôts maritimes des négociants en vin. une exposition se prépare. Au rez-de-chaussée, partout des échafaudages, des portiques, des ouvriers et des techniciens, des lumières, des cables et des outils. Une machinerie fascinante. Qu'il s'agisse des objets exposés ou de la vie même du musée, chaque fois que nous visitons cette institution, je m'interroge sur ce qu'est un objet d'art. Quel critère appliquer pour attribuer à un objet cette carractéristique ? Ce n'est certes pas le fait qu'un artiste le désigne comme tel. Ce n'est pas non plus le fait qu'un conservateur ou qu'un expert en décide ainsi. Disons que, pour moi, cela tient à un je-ne-sais-quoi qui fait que par sa présence même un objet se désigne, se manifeste, s'impose comme objet d'art eu égard à l'émotion qu'il me procure, ici, en cet instant. De ce point de vue, la vie des échafaudages d'une exposition future est tout autant objet d'art que les pièces exposées, et même parfois plus légitimement, car il arrive parfois, souvent, que tel ou tel objet exposé, installé, signé et désigné comme artistique me "laisse froid" : c'est chose morte, ou "ne me parle pas" : on n'a rien à se dire.
En passant dans l'une des galeries du musée, on s'avise qu'un projecteur de couleur rose inscrit nos ombres sur la paroi de pierres blondes. On se tire le portrait en ombre chinoise. J'imagine déjà un plasticien imaginant à partir de ce dispositif une performance un peu ludique et beaucoup métaphysique. Quelque chose comme le mythe de la caverne.
Autre lieu qui me laisse perplexe et dubitatif. Dans l'angle d'une salle, dont on voit à gauche que le sol est recouvert d'un texte à lire en marchant, trois "choses" : au milieu, un écran où défilent et s'agitent des personnages violemment colorés, au fond un objet rouge formé de deux parties, l'une ronde en haut, l'autre cylindrique en bas, et au premier plan un objet formé de trois parties : quatre barres verticales, une surface ronde horizontale et trois barres verticales dans une barre cintrée perpendiculaire à la surface ronde. Trois objets étranges, énigmatiques, du moins tant que l'on a décidé délibérément de ne pas les désigner par leur nature fonctionnelle : téléviseur, chaise, matériel contre l'incendie. Voilà pourquoi les installations de ce musée m'incitent toujours à m'interroger sur ce qui permet de désigner un objet comme artistique ou comme esthétique.
C'est ainsi que vers 19 heures, mardi, soit environ une heure et demie avant le concert solo de Richard Galliano, on se trouve, à Talence, dans une brasserie, à boire un porto en grignotant des tapas. C'est ainsi que l'on voit arriver Richard Galliano et l'organisateur, que nous connaissons un peu : ils viennent boire un demi et, eux aussi, grignoter quelques tapas. Sur la photographie ci-dessous, on reconnait Richard Galliano.
Avant de quitter la brasserie pour rejoindre le lieu du concert, je demande à Richard Galliano de bien vouloir me signer un disque parmi trois que j'apprécie particulièrement. Non seulement il accepte de bonne grâce, mais il me propose de signer les deux autres. Il se rappelle, ce qui m'étonne, que nous nous étions rencontrés à Saint Martin de Crau et que nous habitons à Pau où il doit venir fin avril jouer avec l'orcheste de Pau Béarn. On parle de son futur "Nino Rota", qui devrait sortir chez Deutsche Grammophon, d'un "Best of" très bientôt dans les bacs des disquaires. On évoque un certain cd, plus ou moins pirate, dit-il, enregistré en Pologne et dédié à Piazzolla... Je lui explique que ce cd est comme une absence impossible à combler au milieu de la cinquantaine d'albums que nous avons, où il joue, sans être forcément leader. Je crois que ça l'amuse. Peut-être un certain décalage entre notre enthousiasme et notre âge ?
Pour tout dire, on espère bien le rencontrer à Pau où, phénomène exceptionnel, il jouera avec l'orchestre de la ville et de la région les 28, 29 et 30 avril, sans compter un concert le 27, toujours avec le même orchestre, à Mourenx, une ville très moyenne et très dynamique située à environ 30 kilomètres de Pau.
Mais, avant de revenir à Bordeaux, partons du départ. Le concert de Richard Galliano ayant lieu mardi, nous avions décidé de rejoindre Bordeaux dès lundi pour avoir justement le temps de "nous" fabriquer cet environnement culturel que j'évoquais ci-dessus. Mais avant de nous mettre en route, nous avons attendu le passage du facteur pour voir si, par hasard, il avait les deux cds que nous avions commandés à Amazon. Chance ! Bon présage ! Il a bien "Paris Village", de Viviane Arnoux et François Michaud, dont nous avions repéré la sortie grâce à un article de Françoise Jallot dans le dernier "Accordéon & accordéonistes". Il a aussi le premier des trois cds "Accordion Tribe", que nous avons commandé en fait après les deux autres, sans que cet ordre corresponde à une intention quelconque. Nous l'avons commandé d'abord parce que le port est gratuit à partir de 25 euros, mais après une première écoute je ne le regrette pas. Finalement, cette manière de forcer la main de l'acheteur me convient assez, car elle m'a permis de faire des découvertes que je n'aurais pas faites sans ce coup de pouce.
Munis de nos deux cds, on a donc parcouru les deux cents kilomètres d'autoroute entre Pau et Bordeaux sans voir passer le temps, ni le paysage dont j'ai dit déjà à quel point il peut être désolant tant les ravages de la dernière tempête sont manifestes et, sans être irrémédiables ou irréversibles, très profonds.
"Paris Village" est frais comme un vin nouveau. Une série de croquis pleins de charme. Faussement simple et naïf. Tendresse, nostalgie, vague à l'âme, avec un zeste d'humour et un soupçon d'ironie. "Accordion Tribe" se situe bien dans la ligne des deux autres disques que nous connaissons. Parfois, la présence de plusieurs accordéons est un peu pesante, lourde, dépourvue de réactivité, mais le plus souvent c'est la puissance qui l'emporte dans un registre qui évoque très fort le folklore des pays nordiques. En tout cas, l'ensemble des trois albums constitue ce qu'on peut à juste titre qualifier d'oeuvre, avec sa cohérence et son unité.
Mardi après-midi, on est allé au musée d'art contemporain de Bordeaux. Un lieu magnifique : les anciens entrepôts maritimes des négociants en vin. une exposition se prépare. Au rez-de-chaussée, partout des échafaudages, des portiques, des ouvriers et des techniciens, des lumières, des cables et des outils. Une machinerie fascinante. Qu'il s'agisse des objets exposés ou de la vie même du musée, chaque fois que nous visitons cette institution, je m'interroge sur ce qu'est un objet d'art. Quel critère appliquer pour attribuer à un objet cette carractéristique ? Ce n'est certes pas le fait qu'un artiste le désigne comme tel. Ce n'est pas non plus le fait qu'un conservateur ou qu'un expert en décide ainsi. Disons que, pour moi, cela tient à un je-ne-sais-quoi qui fait que par sa présence même un objet se désigne, se manifeste, s'impose comme objet d'art eu égard à l'émotion qu'il me procure, ici, en cet instant. De ce point de vue, la vie des échafaudages d'une exposition future est tout autant objet d'art que les pièces exposées, et même parfois plus légitimement, car il arrive parfois, souvent, que tel ou tel objet exposé, installé, signé et désigné comme artistique me "laisse froid" : c'est chose morte, ou "ne me parle pas" : on n'a rien à se dire.
En passant dans l'une des galeries du musée, on s'avise qu'un projecteur de couleur rose inscrit nos ombres sur la paroi de pierres blondes. On se tire le portrait en ombre chinoise. J'imagine déjà un plasticien imaginant à partir de ce dispositif une performance un peu ludique et beaucoup métaphysique. Quelque chose comme le mythe de la caverne.
Autre lieu qui me laisse perplexe et dubitatif. Dans l'angle d'une salle, dont on voit à gauche que le sol est recouvert d'un texte à lire en marchant, trois "choses" : au milieu, un écran où défilent et s'agitent des personnages violemment colorés, au fond un objet rouge formé de deux parties, l'une ronde en haut, l'autre cylindrique en bas, et au premier plan un objet formé de trois parties : quatre barres verticales, une surface ronde horizontale et trois barres verticales dans une barre cintrée perpendiculaire à la surface ronde. Trois objets étranges, énigmatiques, du moins tant que l'on a décidé délibérément de ne pas les désigner par leur nature fonctionnelle : téléviseur, chaise, matériel contre l'incendie. Voilà pourquoi les installations de ce musée m'incitent toujours à m'interroger sur ce qui permet de désigner un objet comme artistique ou comme esthétique.
Avant de quitter le musée, une dernière photographie qui, je l'avoue, me réjouit. Une machine à faire du béton, un lustre de cristal tout allumé, plus loin des rayures à la façon de Buren et, au sol, un matelas sculpté dans un bloc de bois. Tout à coup, un gardien, traverse l'espace à pas lents, son ombre l'accompagne fidèlement. L'intrusion d'un humain dans ce monde, je trouve cela assez esthétique, sinon artistique, à moins de décider que je suis l'auteur de ce dispositif et, ce faisant, de m'instituer artiste. Bref, je quitte le musée de très bonne humeur. D'autant plus qu'en discutant avec Françoise de mes interrogations, on s'amuse beaucoup de nos spéculations quasiment philosophiques.
C'est ainsi que vers 19 heures, mardi, soit environ une heure et demie avant le concert solo de Richard Galliano, on se trouve, à Talence, dans une brasserie, à boire un porto en grignotant des tapas. C'est ainsi que l'on voit arriver Richard Galliano et l'organisateur, que nous connaissons un peu : ils viennent boire un demi et, eux aussi, grignoter quelques tapas. Sur la photographie ci-dessous, on reconnait Richard Galliano.
Avant de quitter la brasserie pour rejoindre le lieu du concert, je demande à Richard Galliano de bien vouloir me signer un disque parmi trois que j'apprécie particulièrement. Non seulement il accepte de bonne grâce, mais il me propose de signer les deux autres. Il se rappelle, ce qui m'étonne, que nous nous étions rencontrés à Saint Martin de Crau et que nous habitons à Pau où il doit venir fin avril jouer avec l'orcheste de Pau Béarn. On parle de son futur "Nino Rota", qui devrait sortir chez Deutsche Grammophon, d'un "Best of" très bientôt dans les bacs des disquaires. On évoque un certain cd, plus ou moins pirate, dit-il, enregistré en Pologne et dédié à Piazzolla... Je lui explique que ce cd est comme une absence impossible à combler au milieu de la cinquantaine d'albums que nous avons, où il joue, sans être forcément leader. Je crois que ça l'amuse. Peut-être un certain décalage entre notre enthousiasme et notre âge ?
Pour tout dire, on espère bien le rencontrer à Pau où, phénomène exceptionnel, il jouera avec l'orchestre de la ville et de la région les 28, 29 et 30 avril, sans compter un concert le 27, toujours avec le même orchestre, à Mourenx, une ville très moyenne et très dynamique située à environ 30 kilomètres de Pau.
Au début de ce post, je disais l'importance à mes yeux de l'environnement d'un concert. Une promenade le long des quais, notre visite au musée d'art contemporain de Bordeaux, l'écoute de "Paris Village" et d'"Accordion Tribe" pendant le parcours de Pau à Bordeaux, l'exposition de fétiches d'Afrique, la rencontre avec Richard Galliano, voilà ce que j'appelle un environnement favorable où chaque élément renforce le plaisir inhérent au concert stricto sensu.
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