samedi 19 février 2011

samedi 19 février - à propos d'arnottodrom et de the cyclop and i

J'ai dit hier comment j'avais commencé à découvrir les deux opus d'Arnaud Méthivier et Otto Lechner intitulés "Arnottodrom" et "Arnotto / The Cyclop and I". J'ai dit comment leur première écoute m'avait fait penser à une certaine poésie, celle des poètes qui ont du souffle et une inspiration cosmique. M'étaient venus à l'esprit les noms de Saint-John-Perse, de Lautréamont, de Patrice de la Tour du Pin, d'Henri Michaux, de Joyce, d'Aragon, etc... Une poésie de longues périodes.

Si vous voulez vérifier par vous-même... Une vidéo YouTube d'Arnotto en concert. Durée : 10:13.

http://www.youtube.com/watch?v=dj1hZg8KaYk&feature=related


J'ai pu, aujourd'hui, trouver assez de temps pour écouter alternativement à deux reprises l'un et l'autre disque. Je me suis laissé guider et j'ai laissé mon esprit enchainer les associations d'idées, sans aucun souci rationnel ni critique. Aucune distance ; simplement, laisser aller, lâcher prise...

- "Arnotto" ! Je comprends "Arn[aud = o]tto. Forcément ! Mais ce nom, lui-même, signe un dépassement dialectique. Il ne s'agit pas de l'oeuvre de deux musiciens, de deux accordéonistes, d'un duo ; il s'agit d'une entité de niveau supérieur, plus complexe que la simple juxtaposition ou addition de deux interprètes. 1 + 1, ça ne fait pas 2, mais une unité où le tout est plus que la somme des parties. Une entité résultant des interactions entre ses deux éléments, les deux accordéonistes.

- "Arnottodrom" ! Je pense au mot grec : dromos, qui signifie d'abord "course, promenade", puis "emplacement pour courir, lieu ou espace pour aller et venir". Il s'agit bien en effet d'un parcours suivant une divagation contrôlée, nécessaire et arbitraire. On va, on vient, on revient sur ses pas et nonobstant ce retour, on avance.

- Mais "Arnottodrom" évoque aussi pour moi ce film de Tony Gatlif sur le peuple Rom, sa culture et ses errances. Un peuple, non d'immigrés ou d'émigrés, non d'immigrants ou d'émigrants, termes qui connotent le point de départ ou d'arrivée, le destin subi ou le choix volontaire, non ! Un peuple de migrants, tout simplement, un peuple sans attaches, ni en amont ni en aval, ni dans le passé ni dans l'avenir. Du coup, j'écoute ce disque en me fabriquant dans ma tête des images de migrations, lentes mais irréversibles, erratiques et cependant réglées.

- "The cyclop and I". Cyclope, cycle. Je pense que le verbe "cucléo", en grec, signifie d'abord "tourner en rond", "revenir sur ses pas", et ensuite "se mouvoir circulairement (suivant une marche réglée)". Et en effet, ce disque ne refuse ni la répétition, ni le ressasssement. Quant au cyclope, ce personnage rencontré par Ulysse, on sait qu'il fait partie d'une race de géants cruels aux moeurs sauvages, avec un seul oeil au milieu du front. Un seul oeil ? Encore le rond, la circularité. Mais, à bien écouter ce disque, on prend vite conscience que cette circularité n'est pas répétition indéfiniment reprise et recommencée. Je pense à cette notion des Epicuriens : le "clinamen", qui désignait une variation, un écart, l'effet du hasard dans le cours nécessaire du monde. Notion essentielle, car c'est cet écart, cette déviation inattendue qui permet à la liberté de s'exprimer malgré la pesanteur des lois du monde. Eh bien, dans ce disque aussi il en est ainsi : on croirait avancer dans un chemin de répétition et de rumination quand tout à coup, un écart, et l'inspiration se développe suivant des voies surprenantes, nouvelles, inattendues, inouïes. C'est tout le paradoxe de la spirale : on tourne en rond et cependant on progresse.

Oserais-je le dire ? L'accordéon d'Arnotto sera spiralaire ou ne sera pas !

Un dernier mot. Tout en écoutant les deux albums en laissant venir librement à ma conscience les quelques idées que je viens de décrire, je me mis à penser que cet accordéon et cette inspiration étaient de la même famille que cet autre :"Sea of Reeds" d'Accordion Tribe. Or, en regardant les noms des accordéonistes qui ont créé cet album, j'ai pu lire : Brakto Bibic, Lars Holmer, Maria Kalaniemi, Guy Klucevsek et... Otto Lechner. Comme par hasard ! Et je me dis qu'Arnaud Méthivier aurait bien sa place dans la famille Accordion Tribe. Décidément, il n'y a pas de hasard.

Pour se faire une idée du style et du projet d'Accordion Tribe...

http://www.youtube.com/watch?v=YpaJY9c8CuQ

1 commentaires:

Anonymous Anonyme a dit...

Merci pour ce blog !
A ce sujet, en voici un autre à lire : "Arnotto ou la greffe cœurs-poumons" au Charlie Jazz Festival 2007 (Vitrolles) : http://cpourdireplus.over-blog.com/article-6917962.html
Christophe

11 avril 2011 à 04:22  

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