vendredi 28 mai - de cinq à sept chez notre voisin, monsieur L...
Nous étions convenus depuis plusieurs jours avec notre voisin, monsieur L..., de nous retrouver chez lui, dans cette pièce que nous appelons son salon de musique, pour l'écouter interprèter pour nous quelques danses traditionnelles et d'autres morceaux composés spécialement pour nous.
Mais, une fois il reçoit ses enfants, une autre fois il va passer quelques jours chez les uns ou les autres, et quand il est seul chez lui c'est nous qui partons à Toulouse ou qui recevons "les petits" à la maison. On pourrait croire qu'étant à la retraite nous pouvons disposer du temps en toute liberté. L'expérience montre le contraire. Je n'arrive pas à comprendre où passe le temps, mais je dois bien constater qu'il dure de moins en moins longtemps. Sa vitesse me laisse incrédule, mais l'évidence est là. Tout au plus peut-on esquisser une hypothèse : Charlotte, par exemple, est âgée de dix ans ; une année, pour elle, c'est donc un dixième de sa vie. Pour moi, une année, c'est un soixante-septième de ma vie. On voit l'accélération !
Bref ! Nous avons tout de même réussi à trouver un espace commun de temps libre de deux heures : jeudi, de cinq à sept. Monsieur L... avait préparé son récital. Il avait en particulier préparé sur son lecteur de cassettes une douzaine d'amorces de morceaux pour se les remettre en mémoire. Certains, que nous avions déjà entendus, avaient été retravaillés ; d'autres, des compositions originales, étaient inédits. Ce soir, en création mondiale, mazurkas, polkas et autres valses. On alterne l'écoute des amorces et des morceaux correspondants. Monsieur L... hésite entre son Maugein et son Castagnari. Choix difficile et variable suivant les morceaux en fonction du poids des instruments, de l'efficacité du soufflet et de leur son.
Après ce premier temps où, entre chaque morceau, nous échangeons nos impressions, d'auditeurs pour nous, d'interprète et de compositeur pour notre voisin, et comme la fatigue, physique et nerveuse, commence à se faire sentir, monsieur L... nous propose de prendre l'apéritif. Il a préparé du porto et des biscuits au salon. Mais finalement nous préférons tous les trois nous installer à la cuisine. Sans doute, le lieu nous parait-il plus intime, plus familial, plus convivial.
Seconde partie du concert : reprise de morceaux de la première partie, reprise de morceaux que monsieur L... a hérité de son père, reprise de morceaux traditionnels, qu'il jouait "du temps qu'il animait des bals gascons" ; reprises d'airs de danses bretonnes et de chants de marins... Au fur et à mesure, la fatigue semble s'évaporer et les doigts plus agiles. Alternance de tâtonnements pour retrouver tel ou tel air, qui se dérobe au souvenir, et de morceaux joués maintes fois, pour le plaisir d'en maîtriser l'exécution.
Finalement, nous avons quitté notre voisin bien après les sept heures prévues. Il jouait de mieux en mieux et avec de plus en plus de facilité. A un certain moment, il m'a même semblé qu'il avait pour ainsi dire passé un seuil et que ses doigts n'avaient plus besoin d'aucun contrôle volontaire pour jouer juste.
Entre cinq heures et sept heures, c'est comme si la mémoire des morceaux s'était déplacé de la tête au bout des doigts de monsieur L... Comme s'ils avaient assimilé les partitions au point de se les approprier corporellement. Comme une mémoire corporelle à l'oeuvre sans détour par quelque représentation mentale explicite. Ce déplacement m'a fasciné.
C'est sûr, d'ici quelques jours nous reviendrons écouter notre voisin, ses valses, ses polkas, ses mazurkas, son cercle circasien et son fandango. Son fandango car il en a bien deux à son répertoire mais, hier, impossible de retrouver l'un des deux.
Mais, une fois il reçoit ses enfants, une autre fois il va passer quelques jours chez les uns ou les autres, et quand il est seul chez lui c'est nous qui partons à Toulouse ou qui recevons "les petits" à la maison. On pourrait croire qu'étant à la retraite nous pouvons disposer du temps en toute liberté. L'expérience montre le contraire. Je n'arrive pas à comprendre où passe le temps, mais je dois bien constater qu'il dure de moins en moins longtemps. Sa vitesse me laisse incrédule, mais l'évidence est là. Tout au plus peut-on esquisser une hypothèse : Charlotte, par exemple, est âgée de dix ans ; une année, pour elle, c'est donc un dixième de sa vie. Pour moi, une année, c'est un soixante-septième de ma vie. On voit l'accélération !
Bref ! Nous avons tout de même réussi à trouver un espace commun de temps libre de deux heures : jeudi, de cinq à sept. Monsieur L... avait préparé son récital. Il avait en particulier préparé sur son lecteur de cassettes une douzaine d'amorces de morceaux pour se les remettre en mémoire. Certains, que nous avions déjà entendus, avaient été retravaillés ; d'autres, des compositions originales, étaient inédits. Ce soir, en création mondiale, mazurkas, polkas et autres valses. On alterne l'écoute des amorces et des morceaux correspondants. Monsieur L... hésite entre son Maugein et son Castagnari. Choix difficile et variable suivant les morceaux en fonction du poids des instruments, de l'efficacité du soufflet et de leur son.
Après ce premier temps où, entre chaque morceau, nous échangeons nos impressions, d'auditeurs pour nous, d'interprète et de compositeur pour notre voisin, et comme la fatigue, physique et nerveuse, commence à se faire sentir, monsieur L... nous propose de prendre l'apéritif. Il a préparé du porto et des biscuits au salon. Mais finalement nous préférons tous les trois nous installer à la cuisine. Sans doute, le lieu nous parait-il plus intime, plus familial, plus convivial.
Seconde partie du concert : reprise de morceaux de la première partie, reprise de morceaux que monsieur L... a hérité de son père, reprise de morceaux traditionnels, qu'il jouait "du temps qu'il animait des bals gascons" ; reprises d'airs de danses bretonnes et de chants de marins... Au fur et à mesure, la fatigue semble s'évaporer et les doigts plus agiles. Alternance de tâtonnements pour retrouver tel ou tel air, qui se dérobe au souvenir, et de morceaux joués maintes fois, pour le plaisir d'en maîtriser l'exécution.
Finalement, nous avons quitté notre voisin bien après les sept heures prévues. Il jouait de mieux en mieux et avec de plus en plus de facilité. A un certain moment, il m'a même semblé qu'il avait pour ainsi dire passé un seuil et que ses doigts n'avaient plus besoin d'aucun contrôle volontaire pour jouer juste.
Entre cinq heures et sept heures, c'est comme si la mémoire des morceaux s'était déplacé de la tête au bout des doigts de monsieur L... Comme s'ils avaient assimilé les partitions au point de se les approprier corporellement. Comme une mémoire corporelle à l'oeuvre sans détour par quelque représentation mentale explicite. Ce déplacement m'a fasciné.
C'est sûr, d'ici quelques jours nous reviendrons écouter notre voisin, ses valses, ses polkas, ses mazurkas, son cercle circasien et son fandango. Son fandango car il en a bien deux à son répertoire mais, hier, impossible de retrouver l'un des deux.
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