samedi 22 mai 2010

dimanche 23 mai - photographies d'un totem en cage

J'ai raconté dans un post précédent [jeudi 15 avril - totem] comment j'avais disposé en forme de totem les branches de bouleaux que le jardinier avait laissées dans le jardin et comment l'idée m'était alors venue en contemplant cet objet de le photographier systématiquement de deux heures en deux heures. Je suis en effet fasciné par le jeu d'ombres et de lumières, par le travail à proprement parler photographique que le cours apparent du soleil génère par variations imperceptibles. Le mouvement du soleil en effet, son déplacement, modifie nos perceptions sans cesse et en particulier la forme des objets de notre environnement, mais cette modification est impossible à percevoir dans sa continuité ; elle n'est perceptible que par l'intermédiaire d'instantanés. On voit bien alors en comparant deux de ses instantanés, en comparant par exemple les ombres, que le monde a changé d'apparence mais sans que l'on ait pu à aucun moment saisir ce changement sur le vif.

Ayant photographié mon totem sous plusieurs de ses coutures, je me suis engagé ensuite, pendant environ un mois, dans une série de tâtonnements en disposant de diverses façons mes morceaux de branches de bouleaux. Tâtonnements suivant l'humeur du moment, avec ou sans principe géomètrique, en fonction du temps aussi, souvent pluvieux, en m'inspirant de dispositifs créés par des artistes du land art, etc...

15 avril, 8:21
16 avril, 9:56
17 avril, 9:52

18 avril, 17h22



19 avril, 10:15. Ici, se produit une sorte de déclic. Je sens intuitivement, mais avec force, que cette coupure entre ombre et soleil - sol y sombra - mérite d'être explorée. En particulier en fixant ses transformations.



11 mai, 11h20. Avant d'explorer la piste qui s'ouvre à moi et que je signalais ci-dessus, j'ai laissé les herbes folles envahir le totem pour observer pas à pas sa disparition progressive. Ici aussi on voit bien que les choses changent, mais à aucun moment il n'est possible de surprendre le mouvement en cours. La perception se construit par seuils et par sauts qualitatifs.




12 mai, 18:39. Sans que je sache pourquoi, sans doute parce que j'ai l'impression d'avoir épuisé une certaine combinatoire dans le plan, l'idée me vient de planter mes bouts de bois en quinconce. Je les enfonce dans le sol humide à grands coups de marteau. Je fais mine, tout à mon entreprise, de ne pas voir le voisin à sa fenêtre, qui parait intrigué. A sa place, je ne le serais pas moins. Mais je ne suis pas à sa place et je n'en sais pas moins ce que je cherche. Peu importe : l'important, c'est de faire...

Cette disposition étant en place, nous quittons Pau pour Trentels via Toulouse. Je laisse donc mes "petits soldats" en l'état. A mon retour, je retrouve aussi en l'état mon idée de les photographier systématiquement durant un laps de temps donné. Et je ne saurais dire pourquoi, mais j'ai envie d'accompagner cette série de photographies avec l'écoute d'un album dont j'ai un souvenir précis :
- "3 compositions by John Cage" par Teodoro Anzellotti. Winter & Winter, 2003. Le disque est d'une durée de 62'59. J'ouvre les portes fenêtres. Je lance la lecture du disque. Je règle le son à un niveau suffisamment élevé pour l'entendre tout à fait distinctement dans le jardin et je m'installe avec mon "petit gros" [Samsung] à côté de moi. Je me donne le temps d'écoute de ces trois compositions pour saisir les changements d'apparence de mon dispositif.









9:31.





9:33









9:45
9









9:58












10:11










10:24














10:34









Jamais je n'avais écouté ces trois compositions avec une telle attention et avec un tel plaisir : c'est comme si, par une sorte d'harmonie préétablie, la durée de mon observation photographique et l'organisation de la durée mise en forme par John Cage et Anzellotti se développaient en consonance.
Je retrouve dans cette expérience un sentiment analogue à celui que j'avais éprouvé un jour, à Hossegor, entre l'allure et le mouvement des vagues d'une part et les morceaux de l'album de Pascal Contet et Wu Wei, "Iceberg". La notion d'harmonie préétablie ou de correspondances me parait exprimer assez bien l'essence de ces moments rares mais intenses.








































































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