dimanche 29 novembre 2009

lundi 30 novembre - un moment d'accordéon live

Pour moi qui n'ai la pratique d'aucun instrument, le moment où la musique vivante se manifeste, le moment de son surgissement ou de son apparition, est toujours un moment miraculeux et mystérieux, en tout cas toujours émouvant. Quelque chose comme le passage de l'autre côté du miroir, dans un monde autre que celui de mon environnement concret.

Mais, en écoutant monsieur L..., mon sentiment ne se réduit pas à cette seule émotion. Je trouve en effet qu'il a un talent particulier, que je ne saurais décrire ou expliciter en termes techniques, mais que je peux résumer en quelques notions. D'abord, une précision du toucher qui m'épate. Un sens de ce que, faute peut-être de mots justes, je désignerais comme un sens de la cadence ou du tempo. Un sens très juste des rythmes. Et puis, de belles mélodies, parfois simples et claires, parfois beaucoup plus complexes qu'il n'y parait de prime abord.

Ainsi s'enchainent valses, javas, chants de marins, scottishes et autres cercles circasiens... D'associations d'idées ou de rythmes en associations de rythmes et d'idées, les morceaux se suivent. Les souvenirs aussi, associés à chacun d'entre eux, qui prennent ainsi une réalité singulière.

Et puis enfin un dernier morceau, une valse, que monsieur L... vient de composer pour nous. Il projette de l'enregistrer et de nous en donner l'enregistrement. D'ici là, il veut la travailler encore, la mettre au point. Déjà, elle nous plait.



Un petit dernier et puis c'est le moment de l'apéro : un excellent porto. Nous parlons de choses et d'autres. Monsieur L... se rappelle le temps où il participait chaque semaine à un bal des béarnais. Un soir de répétition ; un soir de bal.



La musique, en l'occurrence l'accordéon, est un véritable élixir de jouvence !



lundi 30 novembre - le salon des accordéons

- Le Castagnari- Le Cavagnolo
- Le Crucianelli Super King / Piermaria

- Le Maugein






Samedi, nous étions convenus avec notre voisin, monsieur L..., de nous retrouver chez lui pour parler un peu d'accordéons et pour l'écouter en direct live. 17 heures - 19 heures : une pièce chaleureuse, un piano, un violon, des photographies de famille, une table ronde avec un ordinateur et des cds, des fauteuils profonds et doux. Un moment de présentation de ses quatre accordéons : un peu de technique, beaucoup de relation intime et sentimentale à chacun de ses instruments. Un moment d'écoute, de souvenirs et d'anecdotes. Un moment de porto pour échanger nos impressions.
Lors de ma visite précédente, monsieur L... m'avait présenté ses quatre accordéons : brève description et quelques notes pour me montrer leurs caractéristiques. Le Castagnari a plus de coffre que je l'aurais imaginé ; le Maugein est souple et nerveux ; le Cavagnolo sonne musette et le Crucianelli en impose avec ses basses d'orgue. Aujourd'hui, Françoise s'étant jointe à moi, on entre un peu plus dans le détail. Chemin faisant, monsieur L... nous dit son regret de n'avoir pas récupéré l'accordéon de son père, dont il admire encore aujourd'hui "l'oreille" et la virtuosité. On apprend aussi que ce père et ses six frères, qui habitaient près les uns des autres, se réunissaient chaque semaine pour jouer ensemble. On apprend encore que le grand-père, tisserand, qui travaillait parfois avec notre voisin, enfant, sur ses genoux, jouait de l'harmonica. Cette filiation entre cet harmonica, l'accordéon du père et ceux des oncles, et les quatre accordéons, ici, devant nous, cette filiation me touche. Surtout si l'on y ajoute que l'épouse de monsieur L... jouait du piano et que ses enfants et petits-enfants sont tous musiciens, sans compter les gendres...

Mais le moment de musique vivante est venu...








samedi 28 novembre 2009

dimanche 29 novembre - curriculum manifeste curriculum caché

Charlotte et Camille aiment l'école. Elles y réussissent et donc se passionnent pour les apprentissages qu'elles y réalisent. A moins qu'elles ne se passionnent pour les activités proposées parce qu'elles réussissent. Causalité circulaire diraient les systémiciens. Elles sont nées et se développent dans une famille d'enseignants. Elles connaissent pour ainsi dire naturellement les règles du jeu et les codes de l'école. Question d'habitus diraient certains sociologues.

Mais justement comme elles sont dans le milieu scolaire comme des poissons dans l'eau et comme je les crois capables d'un regard déjà critique sur le fonctionnement social, j'ai commencé pendant notre dernier séjour à Toulouse à leur transmettre quelques outils d'observation et d'analyse du monde réel. Qui n'est pas forcément celui que le discours scolaire et les instructions officielles sont censés préconiser.

Pour entreprendre ce travail d'outillage conceptuel, je me suis référé à deux notions du sociologue suisse Philippe Perrenoud, notions dont j'ai toujours admiré la pertinence. Il distingue en effet dans les apprentissages qu'un individu peut réaliser dans le cadre de l'école le curriculum manifeste et le curriculum caché. Le curriculum manifeste, c'est en fait le parcours des apprentissages visibles, disons pour faire court les apprentissages exhibés sur un curriculum vitae. Le curriculum caché, ce sont tous les apprentissages effectivement réalisés mais soit inconsciemment, soit en contrebande. Par exemple, pendant sa scolarité, on apprend à "se préparer des pompes" pour les examens. Autre exemple, on apprend à savoir se comporter avec tel professeur de telle manière, avec tel autre autrement. Ce sont des apprentissages sociaux fondamentaux, un bagage ou plus exactement une boite à outils sociaux qui vaut bien le bagage intellectuel ou estampillé scolaire.

Comme Charlotte et Camille me montraient leur bonne compréhension, en me donnant des exemples bien choisis vécus par elles-mêmes, comme par exemple la limite à ne pas dépasser quand le visage de telle maîtresse vire au rouge ou par exemple la méfiance qu'il faut avoir à l'égard de tel enfant voleur ou menteur, comme je vérifiais qu'elles étaient loin de l'innocence originelle, il m'a semblé possible d'aller plus loin.

Charlotte et Camille sont des enfants d'internet et de la société de communication. Elles savent bien que le flux d'informations est destiné à rendre impossible tout travail critique, tout travail de mémoire. Elles ont bien conscience que ce que l'on appelle communication est d'abord propagande, trucage, effets d'annonce et manipulations d'images. C'est une bonne base. A partir de là, je leur ai proposé trois exemples, fondés sur des faits qu'elles connaissaient, pour aiguiser leur sens de l'observation critique.

Premier exemple. Si je dis à un quidam dont le comportement ne me revient pas "casse-toi, pauvre con !", je risque quelques ennuis avec la police et avec la justice. Je peux le penser, mais il ne faut pas le dire. Une seule personne en effet peut proférer publiquement ce jugement personnel, la seule personne qui a droit à une impunité absolue en la matière, à savoir le président de la république. Elles ont convenu évidemment qu'il était peu probable qu'elles pourraient acquérir une telle impunité. En revanche, elles peuvent penser ce qu'elles veulent in petto.

Deuxième exemple. Si je dis à un autre quidam "dégage, sale arabe", je risque aussi quelques ennuis. Sauf si je suis un policier en uniforme. Elles ont paru surprises. J'explique : si vous êtes policier et si vous proférez un tel jugement à haute et intelligible voix, il vous suffira d'être syndiqué et donc d'avoir à votre service toute une armée d'avocats pour repartir du tribunal "plus blanc que blanc", si j'ose dire. Par contre, il vaut mieux ne pas être l'arabe insulté, car sa présence même est déjà un trouble à l'ordre public. Et je ne dis rien de résistance et insultes opposées à la force publique, opposées au représentant de la police qui a été recruté pour faire un usage en tout cas légitime de la force. Président de la république parait inaccessible ; policier est un objectif plus réaliste.

Troisième exemple. Représentant du peuple est une noble mission et une louable ambition. Mais Charlotte et Camille comprennent mal comment les ministres passent d'un ministère à l'autre suivant une sorte de jeu de chaises musicales. Elles croyaient qu'un ministre était nommé dans sa fonction en raison de ses compétences, qu'elles croyaient spécifiques. Eh non ! En revanche, je n'ai eu aucun mal à leur montrer sur trois exemples bien choisis que la vie politique, qu'un parcours politique, qu'un curriculum politique digne de ce nom, implique une maîtrise absolue de la trahison. La trahison comme habitus. Quant aux exemples, chacun les trouvera lui-même. Les cas sont si nombreux que je ne veux pas faire ici un palmarès.

Ces trois exemples m'ont paru suffisants pour convaincre Charlotte et Camille que la morale des hommes politiques qui nous gouvernent et des représentants institutionnels de l'ordre public n'est pas forcément celle qu'ils demandent à l'école d'enseigner.

Cette réflexion leur avait donné des envies de goûter : chocolat au lait, pastis landais (c'est un gâteau !), jus d'oranges, pommes découpées en fines tranches. Quant à moi, j'avais des envies d'air pur, de grand air :

- "François Castiello / Solo II"

"Flamenco Valse", "L'idole défunte", variation sur "Indifférence".

C'est comme si, ouvrant portes et fenêtres, j'avais purgé la maison de quelques miasmes.

vendredi 27 novembre 2009

samedi 28 novembre - les troublamours à viven

Samedi dernier, 21 novembre, nous sommes allés écouter les Troublamours à Viven, petit village au nord de Pau. Environ à 20 kilomètres. 160 habitants ; 160 mètres d'altitude. L'association "Pourquoi pas" a monté un festival Contes & Musiques. La soirée se compose de deux parties ou plus exactement de trois : un moment de conte assuré par un artiste africain et un moment de concert assuré par le quartet des Troublamours, le moment initial étant un repas... interminable, qui décale le début du concert jusqu'à 23h15.

Pas de scène à proprement parler. Un tapis au sol pour délimiter l'espace du quartet. Pas de spots. Une lumière sombre qui tombe des cintres. Difficile de faire des photographies. Acoustique pur : un espace qui, littéralement, absorbe paroles et musique.
Les conditions ne sont pas favorables, mais malgré cela on a plaisir à écouter ce quartet qui fabrique une musique que l'on peut localiser du côté de la Sardaigne. En tout cas une Sardaigne imaginaire. Voix éraillée des chanteurs, tuba, accordéon tenu la tête en bas, tambourin, saxophones. Le charme opère.

Je suis frappé par la "densité" du quartet ; je veux dire qu'ils occupent un espace fort réduit. Ils sont tout proches les uns des autres, c'est pourquoi le mot densité me vient à l'esprit.



Au fur et à mesure que le concert avance, une partie du public s'en va, une autre partie se laisse envoûter par les rythmes en forme de "valsentelle" (valse / tarentelle) du quartet et danse.


En rentrant chez nous dans la nuit noire, par de routes étroites et souvent dépourvues de panneaux d'orientation, nous nous disons que ce concert nous a vraiment donné envie d'écouter les Troublamours dans des conditions dignes de leur talent.




vendredi 27 novembre - monsieur L..., mon voisin a quatre accordéons

Il ne m'a pas fallu longtemps pour répondre à l'invitation de monsieur L... . Invitation à découvrir la "physionomie" et le son de ses quatre accordéons.

A 16 heures, comme je sonne au portail, j'entends le diatonique de monsieur L... qui diffuse sa joie de vivre par la fenêtre du premier étage. Du coup, il faut insister un peu sur la sonnette.

Pendant que nous transportons les quatre accordéons dans le bureau / salon de musique, monsieur L... me parle de sa famille : un père qui jouait de l'accordéon, ses enfants et petits-enfants qui pour la plupart sont concertistes ou professeurs de musique, l'un de ses gendres aussi. Pas forcément tous amateurs d'accordéon, mais tous musiciens. Il me parle de lui, de ses prestations, d'un duo avec un joueur de cornemuse landaise et d'un "boeuf" dont il garde un souvenir vif et ému.

Monsieur L... a joué successivement de ses quatre accordéons et ce "concert" m'a fait plaisir. Plaisir de l'écoute vivante, plaisir des instants où la mélodie se déploie, fragile et déterminée. Prise de risques et miracle d'harmonie. Par delà les gestes et les postures propres à chaque instrument, j'observe que chaque morceau se réalise suivant une succession de trois moments. Le premier moment est celui des tâtonnements : moment de recherche et d'ajustement des doigts, moment de mémoire. Un rythme se forme. Visage un peu penché en avant ou légérement sur le côté.

Le temps de l'exécution proprement dite est aussi celui du regard intérieur. Un regard qui a oublié le monde, ici et maintenant ; un regard lointain. Monde intérieur. Concentration. Densité.


Et puis, le troisième temps, quasi instantané, coïncide avec la dernière note. Détente. Les poumons qui s'emplissent d'air. Sourire. Rire. Un effort physique intense !


Je publie cette photographie, car elle me touche. Elle correspond au deuxième temps : ce que vise le regard n'est pas de l'ordre de la distance mesurable ou mesurée ; ce qu'il vise, c'est un autre monde, intérieur, personnel et qui a quelque rapport avec la création.



Mais déjà, Françoise n'ayant pu se joindre à moi, monsieur L... nous adresse une autre invitation. D'autant plus qu'il est en train de mettre au point une valse et qu'il aurait plaisir à nous en donner la primeur de l'écoute.



vendredi 27 novembre - monsieur L..., mon voisin

Monsieur L... est notre premier voisin. Nos maisons se font face de part et d'autre de la rue. Il n'est pas notre premier voisin en termes de distance, mais il l'est assurément en termes de sympathie. Monsieur L... est âgé de quatre-vingt-dix ans. Il fait de temps en temps des séjours chez ses enfants, séjours dont il nous parle toujours comme de moments heureux, mais je soupçonne qu'il préfère encore son autonomie à l'attention des siens. Nous entretenons des relations simples : quelques mots échangés sur le pas de porte quand nous ouvrons en même temps nos boites à lettres ou quand nous garons nos voitures le long du trottoir. Quelques mots à propos du jardinier qui vient entretenir nos jardins. Des conversations pleines de banalités, par exemple sur la couleur du temps et sur les prévisions météorologiques, mais ce n'est pas l'essentiel. L'essentiel, c'est le plaisir de se parler et de s'écouter. Ces rencontres plus ou moins impromptues me plaisent. Un moment de politesse et d'affabilité.

Mais, vendredi dernier, à je ne sais quel détour de la conversation, Françoise a dévoilé à monsieur L... que nous avions beaucoup de goût pour l'accordéon, ce qui expliquait certaines de nos absences assez fréquentes. Ce fut un déclic. On a découvert alors notre passion commune pour cet instrument. Passion de la pratique pour monsieur L... ; passion de l'écoute pour nous. Passions complémentaires. Il n'en fallait pas plus pour que notre voisin m'invite à aller l'écouter et voir ses quatre accordéons. On sent bien à quel point il est attaché à chacun de ses instruments. Et je le comprends !

J'ai eu envie de photographier monsieur L... dans son environnement et, je l'avoue, cette image me plait : la tapisserie, la clarté de 13 heures, sa posture, son ordinateur, la table ronde et son regard plein de sagesse et de bienveillance.
Quelques minutes plus tard, au moment de nous quitter, monsieur L... m'offre un exemplaire de "son" cd et m'invite à revenir l'écouter avec Françoise. Bien entendu, je suis très touché de ces deux attentions. Il ne passera pas beaucoup de temps avant que je réponde à cette aimable invitation, d'abord pour mon plaisir, mais aussi, c'est évident, pour le plaisir de monsieur L...


Françoise et moi, nous sommes surpris par la qualité des morceaux du cd. Une précision et un sens du rythme qui nous épatent. Des morceaux traditionnels et des compositions personnelles, qui sont plus que de jolis morceaux ; par exemple, "Douce Valse", "Irlandaise", "Valse à Robert", Polka à Robert"...

jeudi 26 novembre 2009

jeudi 26 novembre - retour de stage

Nous avons retrouvé notre maison, à Pau, après quelques jours passés à Toulouse. Le parcours, bordé par la masse des Pyrénées désenneigées après plusieurs jours de redoux, suscite en nous un émerveillement chaque fois renouvelé. On cherche au loin le Pic du Midi de Bigorre et l'on s'extasie en s'approchant puis en s'éloignant de ce signal "hénaurme". En arrivant à Pau, quelques gouttes de pluie nous accueillent. Une petite averse sans conséquences.

Quelques jours à Toulouse pour cause de mission "Papou / Mamou". Nadja et Sébastien, chacun de son côté, Bordeaux pour elle, Montpellier pour lui, étaient en effet pour trois jours en stages professionnels. L'occasion de retrouver Chalotte et Camille, de les conduire à l'école, de leur mijoter des plats qu'elles aiment, de faire de gros goûters, de les amener à l'éveil musical ou à la chorale, d'aller visiter une exposition de masques de théâtre au Théâtre Garonne, face aux Abattoirs, de faire un long câlin le soir avant de s'endormir, de déguster un café comme un fruit défendu, et bien d'autres choses encore. Pour nous aussi, on peut parler de stage professionnel et de formation continue ou, suivant une expression que je préfère, de formation permanente. Charlotte a le goût de l'écriture ; Camille découvre avec délice et assiduité les plaisirs de la lecture. Nadja et Sébastien ont l'esprit tranquille. C'est bien !

En arrivant à la maison, on ouvre les fenêtres et la boite à lettres. Un petit colis nous attend. Rituel : regarder d'abord le recto. Imaginer déjà son contenu.
Puis le verso. Un envoi d'"accordeon-musicstore", de Thierry Descaillot donc, assurance de qualité.
Et en effet, à l'intérieur, deux cds :
- "Frédéric Guérouet". Tout simplement. Pas de date. Etonnant de jeunesse !
- "Solo II, François Castiello", Soli Solo 2008.

Une première exploration me convainc que j'ai eu raison de commander ces deux titres. Je ne saurais dire pourquoi, mais, en écoutant Guérouet, c'est le mot "délicatesse" qui me vient à l'esprit. Ou encore "fluidité". Mais aussi "passages obligés". Une manière de marquer sa place, d'afficher son identité. Quant au disque de François Castiello, il me donne à penser qu'il s'agit d'un album très personnel. Comme s'il avait voulu faire le point, d'abord pour lui-même, sur ses obsessions. Et les fixer.
Mais je n'ai guère le temps de profiter du plaisir d'une première écoute. Le devoir m'appelle, à Nay, auprès de mes parents. Maison de retraite Saint Joseph. En début de soirée, retour à la maison. Françoise, tout sourire, bien qu'elle ait dû assumer la corvée de "grande surface" et le travail de rangement des courses dans les réfrigérateurs et autres placards, Françoise donc m'accueille en me montrant une enveloppe sur la table de la cuisine. C'est un envoi de Carma Productions.



- "Duo Michel Coco Le Meur / Pascal Lefeuvre, Le bal du bout du monde", enregistré en 2002. Tirage limité, n° 13.
Le Meur, accordéon, steel drum, Lefeuvre, vielle alto. En première écoute, je retiens une version étonnante de "Libertango" et un fascinant "Kaboul blues again" (trad. Suède, Afghanistan) de 4:49.



C'est Noël avant Noël.



dimanche 22 novembre 2009

dimanche 22 novembre - partage

Je découvre à l'instant un courriel de Patrick E. qui me signale que l'on peut trouver sur YouTube plusieurs extraits du concert donné en 2006 à Marciac par le quartet Galliano / Paduart / Bona / Katché. Pour cela, il suffit de cliquer sur le lien ci-dessous. On accède ainsi au site de "Jazz in Belgium". Qui vaut un large détour. A partir de la page d'accueil, en bas à droite, cliquer sur "Toutes les nouvelles". Les extraits apparaissent à la date du 18 novembre.

http://www.jazzinbelgium.com/home/lang=fr

Pour qui voudrait arriver sans efforts sur "la bonne page", ci-dessous le lien direct :

http://www.jazzinbelgium.com/newsflashes

Je m'empresse de répercuter sans délai l'information de Patrick, car évidemment il n'est de bon plaisir que partagé.

Merci encore, Patrick !

jeudi 19 novembre 2009

vendredi 20 novembre - c'est quand même meilleur avec de vraies patates

Hier, jeudi, midi. On a comme une petite faim. Qu'est-ce qu'on mange ? Françoise a dessalé de la morue, qui n'attend que d'être cuisinée. Oui, mais comment ? Et si on faisait de la brandade ? Françoise fait blanchir la morue de son côté ; de mon côté, je fais bouillir quatre pommes de terre. Françoise émiette le filet, du moins une partie, car elle réserve le reste pour le cuisiner à l'espagnole. J'écrase grossièrement les pommes de terre avec une fourchette. Françoise se charge de faire la brandade avec de l'huile, un peu de lait et de l'ail que j'ai pilé. On goûte, forcément, pour vérifier si le mélange est bien salé.

Oui, bon, mais où manger ? Dedans ? Dehors ? Manger dedans, ce serait de l'ingratitude tant le fond de l'air est doux. Une nappe sur la table, un coup de balai pour enlever de la terrasse les feuilles du prunier. Tout en mettant le couvert, je trouve l'atmosphère si chaude que j'éprouve le besoin de vérifier mon impression. Au bord de la table, on devine le thermomètre devant les bouteilles. Finalement, à l'ombre de l'arbre et à l'abri du mur, je lis 23°.

Les faits : jeudi 19 novembre, à Pau : à 12 heures et 20 minutes, 23°. Un verre de bordeaux, 13°. On va attaquer la brandade.

Quelques minutes plus tard, le plat brille. Il ne reste plus trace de brandade sur ses parois. Il est propre comme un sou neuf. Alors, Françoise finit son verre de vin et profère cette formule définitive :"C'est quand même meilleur avec de vraies patates". A mon tour, je finis mon verre ; je reprends un peu de vin, histoire de m"éclaircir la voix et je lui dis, après un temps de réflexion :"C'est sûr !"

Un ange passe. Sur ses ailes, on lit ce mot :"Ionesco".


Mais le tableau ne serait pas complet si j'omettais de dire que ce repas frugal mais chaleureux est accompagné de l'écoute du petit dernier "Orchestral duo". Pour le plaisir, j'en recopie le programme :

1. Alfonsino (Vamerland), 4:21
2. Bolu aussi (Pascal Lefeuvre) & Bolu Karsilamani, 6:12
3. Longa Nahawand (trad.), 6:47
4. Simon (Michel Macias), 3:01
5. Samaï Nahawand (Jamil Awiss), 7:07

Bonus track - Extra bal
6. Biguine à Léa (M. Macias), 4:20
7. Valsestar (Pascal Lefeuvre), 3:26

Les chats des voisins s'approchent et nous regardent d'un air étonné. D'habitude, ils font leur sieste sur les chaises de jardin. Qu'est-ce qui se passe aujourd'hui ? Je bois mon quatrième Costa Rica et je vous laisse la place.

On débarrasse. On charge la machine. Il est temps pour moi de téléphoner à mes parents. Le rituel ne souffre ni exception, ni retard. Ainsi va la vie !

mardi 17 novembre 2009

jeudi 19 novembre - orchestral duo

D'abord un salut amical à Olivier et mes remerciements pour son dernier commentaire.

Quelques mots maintenant pour raconter un petit moment de bonheur musical.












Mardi. Le temps est sans éclats. Tout est comme éteint. Le ciel bas et lourd comme un couvercle. Françoise est partie ce matin vers neuf heures. Elle doit passer la journée à Dax où elle rejoint sa soeur. Je me charge des courses domestiques à l'hypermarché et des courses alimentaires aux "fruits et légumes" du quartier Berlioz. Après avoir déchargé mes achats, les avoir rangés et plié les sacs biodégradables, j'ai mangé une tranche de jambon blanc, des rondelles de coeur de palmier et du fromage de chèvre. Un verre de bordeaux et quatre tasses de café. Depuis quelques jours, mon corps hésite entre un rhume carabiné et une grippe de saison. Un état propice à un zapping nonchalant entre les informations interchangeables des différentes chaînes. Je retiens que le premier ministre doit se faire allumer par les maires réunis pour leur congrès annuel. Il va y avoir du sport. Le convoyeur de fonds qui a détourné plusieurs millions d'euros, qui en a abandonné la plus grosse partie, qui est allé planquer le reste chez lui, en Serbie et qui est revenu tirer ses trois ans maxi de prison, n'est pas décidé à coopérer avec la police. Source autorisée. Et puis il y a les questions orales à l'assemblée. Orales ? Tu parles... En tout cas il est difficile de trouver mieux pour créer un environnement favorable à l'état comateux que l'on appelle la sieste.
C'est dans cet état d'esprit, si j'ose dire, que j'entends claquer le volet de la boite à lettres. Parmi des publicités et autres réclames, approche de Noël oblige, le catalogue de Frémeaux & Associés. 196 pages. Inutile de redire ici l'excellence de cette maison d'édition. Une entreprise qui mérite toute notre admiration. Mais aussi, une enveloppe dont je devine aussitôt le contenu. Il s'agit d'un disque, "Orchestral duo", réunissant Michel Macias, accordéon, et Pascal Lefeuvre, vielle alto. Sept titres. En fait, cinq plus deux en bonus. Un peu plus de 36 minutes. 12,5 euros, port compris. Il y a quelques jours en effet en interrogeant Google : "Michel Macias discographie", j'avais découvert l'existence de cet album, qui n'apparait pas si l'on ne demande que "Michel Macias". Je découvre aussi à cette occasion l'existence de Carma Productions, dont le catalogue dit assez le projet culturel et l'exigence artistique, hors des sentiers battus.
Un disque très singulier. Des harmonies venues d'un monde que l'on peut situer entre l'occitanie, l'andalousie, le maghreb et la renaissance. On pense à un monde de troubadours et de cours raffinées. L'alliance de la vielle et de l'accordéon est moins surprenante qu'envoûtante. L'accordéon a cette "pêche acide" qui est la caractéristique de Michel Macias. La vielle a des subtilités que je ne lui connaissais pas. De la dentelle.
Je note au verso de la pochette que le cd fait partie d'un tirage limité. Il porte le numéro 43. Numéro que l'on retrouve manuscrit sur le cd lui-même. Collector ! Cette caractéristique ajoute à mon plaisir. Tous les titres m'enchantent, avec une biguine en bonus, "Biguine à Léa", composée par Michel Macias, et une valse, "Valsestar", composée par Pascal Lefeuvre. Mais je ne voudrais pas laisser croire en les citant qu'elles ont ma préférence. Je garde tout. Et tourne la galette...
Françoise va rentrer dans la soirée. Il me tarde de lui faire écouter "Orchestral duo" et de lui faire partager mon enthousiasme, en attendant de le faire partager à d'autres copains.


ps.- le lien vers Carma Productions : http://www.albacarma.com/discographie/

lundi 16 novembre 2009

mercredi 18 novembre - le sens du moment opportun

Je me rappelle que, dans une vie très antérieure, j'avais été très intéressé, en lisant Aristote, par la notion de kairos. Notion que l'on peut traduire par "sens du moment opportun, du moment favorable". Qualité fondamentale de l'homme d'action. Je me rappelle que, des années plus tard, mais toujours dans une vie antérieure, j'ai beaucoup appris à la lecture du "Macroscope" de Joël de Rosnay. J'ai été très intéressé par l'importance qu'il accorde à la notion de timing dans l'analyse de l'organisation des systèmes. Le sens du timing, c'est cette compétence particulière de l'homme d'action et du manager, qui consiste à savoir, souvent intuitivement, déclencher une action ni trop tôt, ni trop tard, mais juste à temps. J'en ai éprouvé la pertinence à l'occasion d'audits de management d'institutions éducatives. Mon expérience me porte à penser aujourd'hui que cette compétence relève moins de savoirs acquis que de l'expérience, c'est-à-dire d'une observation attentive, constante, approfondie et réfléchie de l'environnement avec lequel on est en interaction. Expérience qui dans l'urgence des décisions à prendre se présente comme une intuition, souvent difficile à expliciter, mais perçue comme une évidence.

Qu'on l'appelle kairos, sens du timing ou du moment opportun, peu importe. Cette compétence m'a souvent servi de guide et, d'une certaine façon, elle me sert de guide dans la vie quotidienne. C'est ainsi que lorsque les lourds nuages noirs se sont dispersés sur les sommets et que le ciel, un beau matin, est si clair qu'on ne peut le regarder en face, il faut savoir, toutes affaires cessantes, aller voir la neige immaculée et s'en mettre plein les yeux. Le spectacle ne durera que quelques heures, car le lendemain ou de nouveaux nuages viendront masquer le tout ou un soleil trop vif transformera la neige en soupe grise. Il vaut mieux avoir le sens du moment favorable pour ne pas rater l'occasion. Qui ne se retrouvera au mieux que dans un an. De même, le prunier aux six troncs devant la maison se couvre de feuilles au printemps, chaque jour un peu plus. Mais il est un jour, un seul, où en ouvrant les volets on se rend compte qu'il n'est qu'une explosion de blanc et que cette blancheur est insoutenable. Si l'on rate ce moment par inattention ou par inadvertance, on en prend pour un an d'attente. Dès le lendemain en effet les pétales ont perdu leur innocence originelle. Un autre exemple ? Il y a toujours, en novembre, un soir où les feuilles des bouleaux tiennent encore comme par miracle aux branches. Jaunes, marrons, rouges, etc... Une infinité de nuances. Impossible à décrire. Il faut le voir pour le croire. Il faut aussi savoir saisir ce moment où aucun souffle de vent ne vient troubler cette harmonie improbable. Au-delà du lacis des branches et des feuilles, on aperçoit le bleu du ciel. Contraste de couleurs qu'il faut savoir voir. Demain, il sera trop tard. Trop de feuilles seront au sol, déjà souillées par des traces de terre.





Curieusement, il se trouve que ce soir, pour accompagner mon travail d'écriture, j'ai eu envie d'écouter un disque que j'ai toujours considéré comme difficile. Ce désir, comme une intuition. Difficile à expliciter, mais en tout cas, impérieux.
- "3 compositions by John Cage / Cheap imitation (1969), Souvenir (1984), Dream (1948)/ Teodoro Anzellotti, accordion". 2003 Winter & Winter.
Eh bien, il se trouve que, ce soir, j'ai l'impression d'entrer dans cette musique ou de me laisser guider par Anzellotti dans un monde qui ne m'est pas familier. Comme une évidence, de l'ordre de l'intuition non de l'explicitation ou de l'explication rationnelle. Du sentiment de cet accord, dont je n'avais pas eu l'expérience jusqu'ici, je déduis que j'ai su ne pas laisser passer un moment opportun. C'est un plaisir qui s'ajoute à celui de l'écoute.
Demain, j'essaierai... Peut-être suis-je prêt à écouter Pascal Contet.


mercredi 18 novembre - spécial copinage

... reçu un courriel de Thierry Descaillot annonçant l'ouverture d'un site dédié à la vente en ligne de cds d'accordéon. Une visite et une commande m'ont convaincu de sa qualité, tant au plan ergonomique qu'en ce qui concerne le catalogue. Un site de passionnés compétents, pas seulement de commerçants. On y est bien accueilli.

http://www.accordeon-musicstore.com/

Je profite de l'occasion pour rappeler ici l'existence du site de Joël Louveau, dont j'ai pu à plusieurs reprises vérifier l'excellence. Comme dans l'autre site, on se sent bien accueilli. Par un professionnel.

http://www.accordinova.fr/

Ces deux sites, deux bonnes nouvelles pour les amateurs d'accordéon !

mardi 17 novembre - à propos de l'esprit musette

Je découvre à l'instant un commentaire déposé par Olivier à propos de l'accordéon musette et de l'esprit musette [lundi 16 novembre - vallée d'aspe et paris musette]. Un vrai plaisir ! Pour trois raisons au moins : un propos personnel, le sentiment d'avoir affaire à quelqu'un qui parle d'expérience ; un propos qui m'aide à approfondir ma réflexion ; le don enfin de deux poèmes, deux textes de Bernard Dimey, "Pépère" et "Mimi". Je l'ai déjà dit, ce sont de tels échanges qui justifient l'écriture de ce blog.

Je suis tout à fait d'accord avec l'idée que ces textes sont l'expression même de l'esprit musette. C'est-à-dire, d'une certaine façon, l'esprit du peuple. Je pense à un très beau livre de Pierre Sansot, "Les gens de peu" [puf, quadrige, sociologie d'aujourd'hui, 1991]. Je pense par exemple aux "bals du 14 juillet" ou à "la légende dorée du Tour de France".

Et justement dans leur simplicité même, c'est-à-dire par leur façon de dire l'essentiel en quelques mots, sans avoir l'air d'y toucher, ces poèmes correspondent bien à ce qu'est pour moi l'accordéon musette authentique. C'est pourquoi je regrette que les accordéonistes "dents blanches, sourire Email Diamant" aient pu imposer l'idée que c'étaient eux les représentants du style musette. Dans ma représentation, Mimi n'est pas outrageusement fardée.

Merci encore !

dimanche 15 novembre 2009

lundi 16 novembre - vallée d'aspe et paris musette

Vendredi 13. Le temps est doux. Un vent chaud souffle, venant d'Espagne. Il annonce de la pluie pour demain ou après-demain, mais aujourd'hui il fait beau. 20° sur le coup de 14 heures. Forcément, l'envie nous prend de bouger un peu. On se dit qu'après les premières neiges, il ne faut pas rater les incandescences des forêts de la vallée d'Aspe. Une vallée qui commence à Oloron (40 kilomètres au sud-ouest de Pau) et se termine par le col du Somport sur la route de l'Espagne.

Chemin faisant, nous nous rappelons que dans cette vallée, à 15 kilomètres au sud d'Oloron, il y a un cloître à Sarrance. Un cloître XVIIIe. Il est ouvert. Pas de visiteurs, pas de guides, pas d'accueil. Il suffit de pousser la porte. Il est petit. Le jardin n'est pas entretenu, mais il m'émeut. Je suis en effet touché par la sérénité, le calme, le silence du lieu. Il est dominé de toutes parts par la montagne.

Il est 15h04 quand nous entrons.

Il est 15h21 quand nous en sortons.


L'église est baroque. Ce n'est pas mon architecture de prédilection. Trop d'ors, trop de colonnes contournées. Dans l'une des chapelles latérales, dans un coin sombre, une statue en assez mauvais état, me touche par son regard tendu vers un horizon au-delà de l'horizon. Je me sens proche, non point de la figure religieuse, mais simplement de cette figure en tant qu'elle est humaine. Simplement.

Un peu plus loin dans la vallée, Bedous. A quelques kilomètres, terme de la route goudronnée, le village d'Aydius. On y trouve ce que l'on était venu chercher : la palette infinie des bruns, roux, rouges, jaunes, verts. Le village, tâche blanche, promontoire que l'on imagine coupé du monde au coeur de l'hiver. On voit que la neige fond à vue d'oeil.




15h55. Un zoom avant du "petit gros". Le village semble se dévoiler. Secret malgré sa candeur apprente.




16h32. Sur le chemin du retour vers Oloron, une halte au bord de la voie ferrée Oloron-Canfranc. Des travaux gigantesques. Une voie abandonnée depuis fort longtemps. Une voie que les écologistes voudraient voir réhabilitée pour mettre en oeuvre un système de ferroutage. Un système pour éviter la noria de camions qui polluent la vallée. Des camions souvent dangereux par leur contenu. Cette ancienne ligne Oloron-Canfranc a quelque chose de fascinant. Une multitude de tunnels et d'ouvrages d'art. Entre autres, l'immense gare de Canfranc, un lieu authentiquement surréaliste, aujourd'hui vandalisé. Mais les murs demeurent intacts. Ou encore le tunnel dit hélicoïdal eu égard à sa forme : 17 kilomètres ! La sortie à pic au-dessus de l'entrée.





16h45. Sur le bord de la route, un tas de traverses récupérées après des travaux sur un tronçon de la voie. Un curieux personnage me regarde. Statue primitive. Il me regarde étonné. Moi aussi je suis surpris. J'ai l'impression qu'il me renvoie mon image en miroir.






Un peu après 18 heures, de retour à Pau, je ne résiste pas au plaisir de me replonger dans les trois albums de "Paris Musette". Plaisir de l'écoute bien sûr, mais aussi plaisir d'avoir affaire à un objet culturel exceptionnel. J'admire le projet culturel et la qualité documentaire. "La valse à Margaux", "Flambée Montalbanaise", "Annie-Zette", "Valse chinoise", "La foule", "Viva Murena", etc... "Mystérieuse", "La rabouine", "La valse des niglos", "Germaine", "Dans ma verdine", etc... "Indifférence", "Brise napolitaine", "La vicieuse", "Rue de la chine", etc...















lundi 16 novembre - premières neiges et paris musette

Il y a quelques jours, j'ai éprouvé le besoin de poser noir sur blanc quelques réflexions, très fragmentaires, à propos du musette. Même si je ne relis pas ce que j'ai pu écrire sur ce blog, je sais que j'ai déjà éprouvé ce besoin de clarifier le musette ou l'accordéon musette. Ou plus exactement mon rapport à ce genre musical. J'ai bien conscience en effet que si cette question insiste et si mes efforts de réflexion restent finalement provisoires, c'est qu'il s'agit moins d'un problème de définition objective que de mon rapport personnel et subjectif à ce style, à cette réalité esthétique. Mon besoin d'analyse porte moins sur l'objet que sur la relation entre cet objet et moi-même. Pour le dire dans les termes de la sociologie de Pierre Bourdieu, ce qui au fond me préoccupe, c'est d'éclaicir cet habitus qui me porte à juger le musette comme je le juge spontanément. Ce qui est en jeu, ce sont mes pensées, mes manières de juger, mes impressions mêmes qui déterminent mon jugement esthétique sur le musette. En fait, les sensations que j'éprouve à l'écoute du musette impliquent mon histoire, mon passé, ma culture et que sais-je encore, non de manière consciente et délibérée mais de manière spontanée. Comme une seconde nature, une nature acquise, mais tellement incorporée que ma conception du monde me parait aller de soi. Or justement d'autres personnes, je le sais, ont un jugement bien différent du mien. Autres habitus, qu'il faut considérer avec attention, pour mieux comprendre, par différences, qui je suis et sur quoi se fondent nos jugements quant au musette. Je sens bien que je ne suis pas sorti de l'auberge, car il s'agit bien d'identité et de diversité. De relativité des conceptions du monde.

Mais en attendant d'y revenir, un petit détour...

Jeudi, en début d'après-midi, je suis allé rendre visite à mes parents. Maison de retraite Saint Joseph à Nay. Vingt kilomètres au sud de Pau. La route, malgré mes préoccupations et une certaine tristesse qui m'envahit, impose sa beauté. Après des jours interminables de pluie, le ciel est aujourd'hui lumineux. Les premières neiges sont comme une explosion de blanc. Ou même de blancs. Au retour, entre tristesse et épuisement, mon regard est comme attiré vers les rétroviseurs où je vois les sommets immaculés s'effacer à l'horizon.

Sans même prendre le temps d'arrêter le moteur de la voiture en arrivant devant notre maison, je me précipite pour inviter Françoise, toutes affaires cessantes, à venir faire un tour dans ce triangle équilatéral que forment Pau, Tarbes et Lourdes. Un triangle de quarante kilomètres de côté. Il y a urgence. Il s'agit de ne pas laisser passer ce moment, qui ne se présentera pas une seconde fois : prendre le temps d'admirer ces premières neiges, avant que la douceur de l'air ne les transforme en soupe grise et sans éclats. Il ne m'est pas nécessaire d'insister beaucoup pour que Françoise m'accompagne. Sans oublier "le petit gros" [Samsung].

Entre Soumoulou et Lourdes, au loin, le Pic du Midi de Bigorre. A perte de vue, le piémont couvert de maïs. La terre est d'évidence riche.

Il est 16h40. Le soleil est déjà très déclinant. La lumière s'est affaiblie, mais les ombres sont magnifiques, interminables.
16h45.
16h54. Il est impossible de s'aventurer dans les chemins. L'eau est partout présente.

16h58. Plus on s'approche du Pic du Midi, plus il ressemble à un mirage. Une sorte de banquise irréelle, une illusion formidable barrant le chemin du sud. Je reste quelques minutes devant cette pure puissance, cette masse comme en suspension.


17h00. Dans les champs, dans les rangs de maïs, des cailloux, gris, striés par les ombres des herbes folles. On dirait des plaquettes portant traces de quelque écriture primitive. Elles sont là, chargées de signes? Des signes qui se modifient puis s'effacent avec le mouvement du soleil.



17h30. Sur le chemin du retour, un arbre. Seul, presque totalement dépouillé de ses feuilles. Je reste encore cette fois fasciné par son équilibre et je ne peux m'empêcher d'admirer l'équilibre de ses forces. Forces biologiques par opposition aux forces mécaniques des machines ou au jeu de forces en quoi consiste l'équilibre des constructions artificielles.





Retour à la maison vers 18 heures. L'envie me prend d'explorer les richesses de ces trois disques magnifiques : "Paris Musette 1", "Paris Musette 2 / Swing et manouche", "Paris musette 3 / Vent d'automne". Azzolla, Barboza, Privat, Galliano, Rossi, Parisi, etc... etc... Je serais tenté de parler de musette authentique, non parce qu'il reproduit le musette des origines, mais parce qu'au risque de rompre avec celles-ci, il en manifeste l'esprit. L'esprit du musette, voilà, c'est ça...



























dimanche 15 novembre - bouteille à la mer

Dans un commentaire déposé en date du 14 novembre ["à propos d'un autre commentaire"], Marcel Cuivre signale l'existence d'un accordéoniste de concert, Stefano Pietrodarchi, que je ne connaissais pas et dont en effet j'ai bien apprécié le jeu. A cette occasion, il fait part de son interrogation quant à la possibilité de se procurer des disques de cet accordéoniste. Une recherche certes rapide m'a permis de retrouver l'adresse en Italie de Pietrodarchi mais pas de distributeur en France, ni même de distributeur à qui on pourrait passer commande par internet. Je profite donc de ce post pour lancer ma première bouteille à la mer : si quelqu'un connaissait le moyen de commander des disques de Pietrodarchi, je lui en serais très reconnaissant et je répercuterais illico l'information...

Mais j'ai une autre bouteille à lancer. Il y a quelques mois, Sylvie Jamet et Caroline Philippe m'avait fait connaitre l'existence de Claudio Jacomucci. Leur enthousiasme disait assez son talent. J'avais alors fait quelques recherches : adresse en Italie, pas de distributeur en France. J'avais fini par renoncer. J'avais renoncé en particulier eu égard aux frais bancaires afférents à un chèque. Je profite donc de l'occasion pour solliciter de l'aide...


... et pour signaler l'existence de deux blogs exceptionnels dédiés à l'accordéon :

- celui de Sylvie Jamet
http://sylviejamet.over-blog.com/

- celui de Caroline Philippe
http://bayan.skyrock.com/

En d'autres temps, j'avais parlé à leur propos d'encyclopédie et de bible de l'accordéon. Mon jugement n'a pas changé d'un iota.

jeudi 12 novembre 2009

samedi 14 novembre - à propos d'un autre commentaire

En date du 12 novembre, j'ai publié quelques réflexions personnelles sous le titre "musette et expression personnelle". Des réflexions à la vérité pleines de doutes et destinées à m'aider à clarifier mes impressions et mon jugement. Je découvre aujourd'hui, en complément de ce texte, un commentaire signé Olivier, que je trouve plein d'intérêt, de nuances et de finesse ; commentaire d'autant plus important pour moi que, contrairement à Olivier, je n'ai aucune pratique de l'accordéon.

Ce commentaire mérite vraiment d'être lu et je voudrais ici remercier Olivier de son apport argumenté à la définition ou même à la question du musette dans le monde de l'accordéon. En tout cas, ses réflexions me sont une aide précieuse.

Merci aussi pour l'encouragement à continuer. Ce sont de tels commentaires qui justifient l'écriture de ce blog.

mercredi 11 novembre 2009

samedi 14 novembre - à propos d'un commentaire

... reçu un commentaire, signé Marcel Cuivre [post en date du vendredi 13 novembre - daniel mille encore ].

"Je viens d'écouter Daniel MILLE et je souscris à tout ce que vous en dites. Modestement j'ajouterai : pas de poudre aux yeux, une atmosphère, une ambiance, une construction collective où chacun donne avec sa voix, son instrument et ce qu'il est sans tirer la couverture à lui. Résultat : un plaisir à l'état pur. On reçoit pleinement et on a envie de dire merci".

Merci pour ces lignes d'approbation. A mon tour je souscris tout à fait à ce commentaire, qui complète bien mes impressions.

A titre de complément, je signale en outre, d'une part une critique plus qu'élogieuse de "L'attente" par Michel Contat dans le numéro 3121, du 7 au 13 novembre, de Télérama, page 69 :"Mille, merci - Très bien accompagné, l'accordéon de Daniel Mille frôle la perfection", d'autre part, sur le site de la revue, un article du même Michel Contat et la version internet de l'article-papier.

http://www.telerama.fr/musique/mille-mercis-daniel-mille,49163.php

http://www.telerama.fr/musiques/daniel-mille-l-attente,49001.php




samedi 14 novembre - spécial copinage : dallas vietty


A plusieurs reprises, j'ai eu le plaisir de recevoir sur ce blog des commentaires signés "Dallasvietty". Certes, nous ne nous connaissons pas personnellement, mais tout montre que nous avons des goûts communs. Du coup, j'ai eu envie d'en savoir un peu plus sur mon sympathique correspondant. Plusieurs documents sont consultables à partir d'une recherche sur Google. Des informations, des comptes-rendus, des coups de coeur, etc... Très riche, très intéressant. Pour le moment, je retiens trois "entrées" sur le monde de Dallas Vietty. Ses sites valent le détour !

http://dallasvietty.com/

http://www.youtube.com/user/dallasvietty

http://www.myspace.com/dallasvietty

mardi 10 novembre 2009

vendredi 13 novembre - daniel mille encore

A propos d'expression personnelle et d'intériorité, Daniel Mille fait partie, pour moi, des tout meilleurs. Quand je l'écoute et quand je considère ses disques, du moins ceux dont je dispose, j'ai vraiment le sentiment d'avoir affaire à une oeuvre. Une oeuvre profondément personnelle qui se construit en prenant le temps nécessaire. Continuité et approfondissement. Ici, c'est le mot création qui convient, par opposition à la soupe que j'évoquais hier, qui fait plutôt penser à une production industrielle.

C'est ainsi qu'après avoir écouté en boucle les dix morceaux de son dernier opus, "L'attente", l'envie m'est venue d'explorer à nouveau sa discographie. En remontant le temps. Après "L'attente" (Universal Music, 2009) donc, "Après la pluie" (Universal Music, 2005), puis "Entre chien et loup" (2001, Universal Music), "Le funambule" (Saravah, 1999), "Les heures tranquilles" (Saravah, 1995) et enfin "Sur les quais" (Saravah, 1993).

De disque en disque, vers l'origine, on retrouve la permanence de certains thèmes : les entremondes, la permanence des amitiés musicales, la présence de textes lus et donc de la voix humaine, la présence du Brésil, comme en pointillés. Mais, deux choses m'ont frappé au terme de ce parcours :

- "L'attente", dernier opus, titre 04. "place sainte-catherine", 6:55. "Sur les quais", premier opus, titre 2. "place sainte-catherine", 6:17. La version de "Sur les quais" est en solo. La version de "L'attente" est en trio avec Azzolla et Suarez. Continuité et approfondissement.

- Dans la présentation du premier disque, Richard Galliano (Paris, 14.11.93) écrit :" Daniel Mille est un musicien très sensible qui possède le sens du son et de la mélodie. Il prend son temps et jamais ne force mais sa démarche est plus que pertinente : en effet, à une époque où l'on assiste à un "revival" quelque fois un peu insupportable de musette rétro, nostalgique passéiste, Daniel a le courage de prendre un chemin complétement différent, moins "carte postale" mais tellement plus évocateur".

Et c'est un orfèvre ès accordéon qui parle. Qui parle des qualités de Daniel Mille et qui parle, comme par hasard, du musette sous sa forme "néo/rétro".

jeudi 12 novembre - musette et expression personnelle

Dans le dernier numéro de la revue "Accordéon & accordéonistes", on peut lire les deux propos ci-dessous :

- page 31, Alain Musichini répond ceci :"[...] je reste fidèle au bal musette avec mon orchestre. Mais je veux aussi me donner à une autre musique. Celle qui me permet de swinguer et d'improviser sans retenue. De m'exprimer à ma façon, comme je le ressens".

- page 38, Alexandre Léauthaud : "J'ai fait beaucoup de musette mais, à un moment donné, j'ai ressenti le besoin de me démarquer. Je ne nie rien de ce que j'ai pu faire, sauf que je n'aime pas la technique seule, le creux, le manque d'émotion. Je voulais exprimer une partie de moi, que je ne pouvais faire en proposant un certain répertoire. J'avais envie de découvrir d'autres univers, de jouer une musique qui émeut. [...] J'ai voulu éviter de faire ce que j'appelle parfois de la prostitution musicale. Car j'ai eu l'impression que je ne jouais pas ce que j'étais. J'ai alors découvert le répertoire et la culture française autour de cet instrument [l'accordéon]. Je m'inspirais d'influences diverses et découvrais aussi d'autres rythmes : latino, Europe de l'Est, pop, rock et chanson française".

J'ai toujours perçu le musette comme une expression de l'extériorité pure jusqu'à cette caricature qui est la virtuosité pour la virtuosité, le trop plein de notes jusqu'à l'écoeurement. Et j'entends les propos de ces deux accordéonistes comme l'expression de l'exigence d'intériorité, comme le désir impérieux de donner à entendre sa personnalité, soi-même en son intimité. Cette opinion me conduit même jusquà ce paradoxe que je n'arrive pas à reconnaître dans la catégorie du musette les accordéonistes, pourtant classés comme tels, qui me touchent par justement leur intériorité. Par exemple, Jo Privat. Lorsqu'il est vraiment lui-même, pour moi, il est au-delà de ce qui définit ce style.

C'est dire que les propos que j'ai cités viennent me conforter dans mon jugement. Mais justement, comme ils apportent de l'eau à mon moulin, je me donne le temps d'examiner mon sentiment de manière critique. Même si, je l'avoue, les disques classifiés "musette" dans la rubrique "chroniques" me renforcent dans ma position. A savoir que "musette" rime trop souvent avec "marchand de soupe". Pour s'en convaincre, lire par exemple la chronique consacrée au coffret de 2 cds "Accordéon / souvenir guinguette, souvenir musette". Je cite les deux dernières phrases : "Dire que n'importe qui fait n'importe quoi et qu'on prend les gens pour des imbéciles est un doux euphémisme. Ces bêtises mises à part, c'est une belle affaire à ne pas louper". Je ne peux croire ce que je crois comprendre, à savoir que les amateurs d'accordéon, à condition d'être imbéciles et heureux de l'être, y trouveront leur compte.

lundi 9 novembre 2009

mercredi 11 novembre - "accordéon & accordéonistes"... alain musichini

De la dernière livraison de la revue "Accordéon & accordéonistes", novembre 2009, n° 91, je retiens deux articles. J'aurais certes pu en retenir d'autres, comme les portraits d'Alexandre Léauthau ou de Mikhail Popov, signés Françoise Jallot, mais pour l'heure je m'en tiens à ceux qui ont particulièrement attiré mon attention :

- "Nous y étions", compte-rendu des "nuits de nacre", à Tulle, sous-titré "il a plu des cordes et des vents". Texte de F. Jallot, photographies de Bill Akwa Béotè. assurance qualité. Textes et images donnent un compte-rendu objectif, complet et vivant de la manifestation. La mise en page donne envie de lire. Très intéressant. L'exigence d'objectivité alliée à l'enthousiasme subjectif. Pages 20 à 23.

- "Tête d'affiche" consacrée à Alain Musichini. Pages 26 à 31. Texte de F. Jallot ; photographies d'archives et pour les plus récentes de Bill Akwa Bétotè. Un article bien documenté et qui approfondit bien la personnalité d'Alain Musichini. Au-delà de sa biographie et des dates qui jalonnent sa carrière depuis ses débuts d'accordéoniste, ce sont les idées suivantes qui ont surtout retenu mon intérêt.

1. A l'observation de F. Jallot notant qu'il peut jouer aussi bien du classique, du jazz que du musette, il répond qu'en effet ce triangle a toujours existé en lui. Dans un premier temps de sa carrière, dit-il, il passait en effet d'un style à l'autre. Parmi ses influences, il cite les accordéonistes de concert russes, Joss Baselli, Marcel Azzolla, Joë Rossi, André Astier. Mais aussi Van Damme. Et encore beaucoup d'oeuvres de musique classique ou de jazz. Ensuite, c'est le musette et le bal qui ont, semble-t-il, monopolisé toute son énergie. Question économique, sans doute ; mais il dit aussi, plus loin, qu'il lui semblait préférable de ne pas avoir plusieurs casquettes pour rester crédible.

2. Chemin faisant, il évoque le "concept musette": changer l'accordage de son accordéon, changer sa couleur (jaune et noir), modifier son style, sa façon de jouer, le répertoire et les arrangements musicaux, le décor, les tenues, la façon de parler au public. Petit vade-mecum pour qui veut se lancer dans le musette. Public impitoyable ! "Si vous voulez faire du bal, il faut absolument jouer le style musette avec un accordéon musette".

3. A l'occasion d'une invitation en Russie, en mars 2008, le démon du jazz l'a, semble-t-il, rattrapé. Création d'un quartet. Succès. Envie de continuer sur cette voie. Le quartet : accordéon, guitare électro-acoustique, basse, batterie. "Je voulais une formule instrumentale acoustique, avec une batterie jouée aux balais, une basse électro-acoustique qui n'a pas le son électrique d'une basse traditionnelle ni les fréquences hypergraves d'une contrebasse. Et une guitare électro-acoustique avec des cordes nylon qui se marient très bien avec les lames de l'accordéon".

4. A certains égards, on a l'impression d'un moment crucial dans sa carrière : la fidélité au musette est intacte, mais, dit-il, "je veux aussi me donner à une autre musique, celle qui me permet de swinguer et d'improviser sans retenue. De m'exprimer à ma façon, comme je le ressens". Et un peu plus loin, cette phrase significative :"Je pense que je ferai toujours la java dans ma vie. Mais je continuerai à faire aussi du jazz, sans me cacher cette fois-ci ! C'est une sorte d'explosion que je revendique".

5. Si j'ai bien compris, si l'on se réfère au triangle "classique / jazz / musette", le musette est égal à lui-même, sa force est constante ; en revanche, le classique a perdu de sa force et c'est le jazz qui est le pôle d'énergie. Les composantes de la personnalité d'A. Musichini sont constantes dans le temps, mais leur dynamique a évolué, polarisée par la création et l'improvisation. Le jazz, quoi !

6. Dernière remarque : j'ai trouvé cette image d'un triangle "musette / classique / jazz" tout à fait intéressante pour définir la personnalité d'un accordéoniste sans en réduire ni en simplifier la complexité. Pour ma part, j'y ajouterais volontiers une quatrième dimension, qui pourrait être la dimension "musiques du monde" pour intégrer l'ouverture ou non à d'autres styles musicaux venus d'autres horizons. Ce schéma me plait bien , intellectuellement parlant ; son potentiel de modélisation me parait tout à fait riche pour classer et situer des accordéonistes les uns par rapport aux autres.






mardi 10 novembre - from billie holiday to edith piaf

L'édition "cd + dvd" de l'enregistrement, live in Marciac, en août 2008, de "From Billie Holiday to Edith Piaf" est donc sortie la semaine dernière. J'en avais écouté la version audio. L'image en modifie profondément ma perception. D'abord, la qualité principale du film, selon moi, est dans sa sobriété, son parti pris minimaliste. Pas de mouvements de louma ou de zooms sophistiqués et parasites. Une prise de vue objective, qui laisse la première place aux musiciens. C'est bien le moins, mais ce n'est pas le comportement le plus courant. Bref, un document que j'ai beaucoup apprécié.

En quoi son visionnement a-t-il modifié ma perception ? Tout simplement par le fait que le cadrage montre les six musiciens, très statiques, se tenant dans un espace limité. A gauche, Galliano, au milieu Marsalis, à droite Walter Blanding au saxophone. Tous les trois avec un pupitre devant eux. Un peu en retrait, à gauche, Dan Nimmer au piano, au milieu, entre trompette et saxophone, la contrebasse de Carlos Henriquez, à droite enfin la batterie d'Ali Jackson. Hervé Sellin intervient comme invité sur "La vie en rose". Dire qu'ils sont statiques, c'est dire qu'ils ne se livrent à aucun mouvement inutile. Simplement se mettre au service de la musique. Ce respect est contagieux. Ce comportement donne une profondeur exceptionnelle aux interprétations.

Et puis, dans cet espace réduit, volontairement restreint, filmé frontalement, sans autre souci que l'enregistrement de ce qui a lieu, ce soir-là, à Marciac, on peut voir la complicité des six musiciens. Un échange de regard, un sourire de connivence, des signes de reconnaissance, un mouvement de détente, qui dit assez la satisfaction de l'instant... Du jazz, quoi ! Ce sont toutes ces petites sensations qui ont modifié ma perception première. Et qui persistent alors même que c'est la version audio qui tourne...

lundi 9 novembre - daniel mille "l'attente"

Le dernier opus de Daniel Mille est donc sorti la semaine dernière. Dès les premières mesures du premier titre, "l'attente", 6:10, on est plongé dans son monde. Une introduction au piano : nostalgie, mélancolie, spleen... L'accordéon. Impossible de s'y tromper : c'est la signature de Daniel Mille lui-même. Des échos d'"Entre chien et loup" et d'"Après la pluie". Au cas où l'on hésiterait encore, l'intervention de Belmondo fait le lien avec "Après la pluie".

De disque en disque, de collaborations en collaborations fidèles (Belmondo, Garay, Maillard, Trintignan, Goyone, etc...), Daniel Mille approfondit son monde, sa manière de nous transmettre une certaine vision du monde. Les mots qui me viennent à l'esprit sont nostalgie, spleen ou mélancolie. En fait , c'est un peu plus subtil. Je dirais plutôt une certaine nostalgie, une sorte de spleen, quelque chose comme de la mélancolie. Une distance, un écart par rapport à ces sentiments, qui fait la spécificité de son inspiration.

Une manière de se tenir en équilibre instable, volontairement instable, entre... Par exemple, "Sur les quais", lieu de départ, de promesses de voyages, déracinement. Aller voir ailleurs. Ou encore, "Le funambule", qui pourrait être emblématique de l'ensemble de son oeuvre. Mise en danger bien contrôlée. Ou "Entre chien et loup". Mais encore "Après la pluie", au bout de la plage, les rêves comme des mirages. "Entre", "Après"... et après, quoi ? "L'attente" !

C'est sûr, Daniel Mille sait composer des mélodies que l'on a envie d'écouter et d'écouter encore. Art de la nuance. Aquarelles. Il sait s'entourer de gens de sa tribu. Fidélité. Il sait aussi choisir les oeuvres d'autres poètes pour les placer sur son album : "Retrato em branco e preto" (Francisco Buarque de Hollanda), écho de l'époque Saravah, ou "Chiquilin de Bachin" (Horacio Ferrer et Piazzolla), dont le disque propose une interprétation subtile et toute en nuances. Tout le contraire de certaines interprétations expressionnistes, tout en noir et blanc violents.

Que dire encore de "Place Sainte-Catherine", trio avec Marcel Azzolla et Daniel Suarez ? Imaginons trois valses légères qui se nouent, se dénouent, se croisent, se décroisent et s'entrecroisent. S'il est vrai que la valse se prête à l'expression de la nostalgie urbaine, alors celle-ci en est comme la quintessence. Quelle rencontre.

Que dire de la lecture par Trintignan du poème de Vian, "Je voudrais pas crever" ? La voix de l'accordéon et celle du lecteur unies. Le piano. Une sorte de voix blanche. Mais quelle émotion ! Et puis, ces dernières secondes où le récitant se retrouve seul, sans musique. Les paroles nues !

Ah, j'oubliais :"Fin d'été" ou "Les beaux jours" avec Minino Garay, entre autres.

Je sens bien tout ce que mes propos ont de superficiel. J'ai bien l'intention d'approfondir mes impressions, mais justement, en cet instant, je suis incapable d'écouter le magnifique "Fin d'été" et de fabriquer les phrases capables de rendre compte de mon plaisir. La clarinette de Stéphane Chausse ! Je choisis d'écouter.

samedi 7 novembre 2009

samedi 7 novembre - trois petits cailloux blancs...

Après trois jours passés à Toulouse pour jouer Papou-Mamou, retour à Pau dans la matinée, entre 10 heures et midi. Après Charlotte grippée pendant toute la durée des vacances scolaires, c'est au tour de Camille d'être agrippée par un sale virus qui ne dit pas son nom. Elle tousse, se mouche cent fois par jour, crache et se dit fatiguée. Françoise qui tousse, se mouche et crache aussi cent fois par jour, et par nuit, depuis bientôt deux semaines, puise dans ses forces pour jouer avec Camille. Pour jouer à l'école. Camille en effet a découvert les plaisirs de la lecture et de l'écriture, ce qui nous remplit de joie, et avec le soutien de sa Mamou elle a lu en trois jours plus de la moitié de son manuel de lecture. Quant aux phrases, elle en produit autant que son imagination fertile lui en fournit, ce qui n'est pas peu dire. Et puis aussi, elle goûte et boit du jus d'oranges pressées.

Dans la matinée donc, retour à Pau. Temps de tempête pendant la presque totalité du parcours. Un vent violent. On roule à peine à 100 kilomètres à l'heure. En file indienne. On passe d'une bourrasque à l'autre ; les arbres sont pliés et tordus, mais ils nous protégent. En terrain découvert, les voitures sont bousculées violemment. Parfois, la densité des grains réduit la visibilité à une distance bien courte, que les anti-brouillards n'augmentent pas.

Arrivée à Pau vers midi. On ouvre les volets, on rebranche la live box, on va manger chez le chinois. Sur le coup de deux heures, quelques courses alimentaires à l'hypermarché. On entend la pluie crépiter sur les vitres du toit. Sur le parking, les voitures stationnent dans dix centimètres d'eau ruisselant comme de petits torrents. On charge le coffre. En principe, deux disques nous attendent au Parvis.

Sur le chemin du Parvis, achat du dernier "Accordéon & accordéonistes". Numéro 91, novembre 2009. En tête d'affiche, Alain Musichini, dont Jean-Marc Licavoli m'a fait connaitre son cd de jazz de 1995 :"Recto-verso". Mais j'avoue que je ne sais rien de lui par ailleurs et donc l'article de Françoise Jallot m'intéresse. Un survol suffit pour me convaincre de son intérêt, avec des considérations que j'ai envie d'approfondir sur le goût d'Alain Musichini pour le musette, le classique et le jazz. Et sur la difficulté à les concilier. Je note au passage, toujours de Françoise Jallot, des pages que l'on a envie de savourer sur les "nuits de nacre" de Tulle.

Au Parvis, les deux disques que j'avais commandés m'attendent :

- "The Wynton Marsalis Quintet & Richard Galliano / From Billie Holiday to Edith Piaf", enregistré le 13 août 2008 à Marciac. Jean-Marc Licavoli m'avait fait connaitre le cd audio ; ici, il s'agit de l'édition cd + dvd. Et je dois dire qu'en effet le dvd apporte beaucoup à l'écoute. Réalisation hyper-sobre. Prise de vue frontale. Sans sophistication. Très lisible. Du coup, j'en apprécie mieux l'écoute.

- "Daniel Mille / L'attente", enregistré et mixé aux studios La Buissonne en juillet et août 2009. Une première écoute suffit à nous convaincre que c'est un beau disque. Mais une première écoute ne suffit pas pour en parler tant les sensations et les impressions sont pour l'instant mélangées. En tout cas, on ne peut s'y tromper, c'est une évidence, c'est un beau disque.

"Accordéon & accordéonistes", "From Billie Holiday to Edith Piaf", "L'attente"... trois cailloux blancs sur mon chemin, trois repères, trois lumières pour éclairer ma route. Trois petits bonheurs.

mercredi 4 novembre 2009

mercredi 4 novembre - la grandeur de la france

Le soir, j'ai l'habitude de me livrer au plaisir du zapping au fil des vagues informatives dispensées en abondance, entre deux tunnels publicitaires, sur BFM, I-télé ou LCI, voire sur la 3 que nous recevons par le pic du Midi (Toulouse) et par la Rhune (Bordeaux). C'est un délice de se plonger ainsi, comme dans un bain tiède, dans le flux des informations. C'est un plaisir, pervers je l'avoue, passant ainsi d'une chaine à l'autre, de voir défiler devant mon inattention cette théorie de clones : journalistes, communicants, députés, ministres. Avec sur les deux canaux de la 3, ces adorables information de proximité : la mère Michel qui a perdu son chat, filmée devant le Capitole, s'il s'agit de Midi-Pyrénées ou devant les quais de la Garonne, s'il s'agit de l'Aquitaine. Voir fonctionner ainsi chaque soir, avant de dîner, la machine à décervelage est un bonheur rare. Mon addiction me ravit.

Bref, l'autre soir, parmi les nouvelles, celle-ci : la Cour des Comptes vient de publier ses observations relatives aux dépenses pharaoniques faites par la France à l'occasion de la réunion des chefs d'Etats de la Méditerranée au Grand Palais ou à l'occasion de la présidence européenne de cette même France. Dépenses financées, je présume, par nos impôts ou par quelques emprunts, ce qui revient au même, en pire. Pour désamorcer les critiques, un conseiller spécial du Président de la République s'indignait des critiques rappelées par le journaliste. Son argumentation : si l'on trouve ces dépenses excessives, c'est que l'on estime que la France n'a plus les moyens de tenir son rang. On peut le faire, mais alors il faut assumer ce renoncement et accepter que la France devienne une nation de second ordre. Il concluait en disant à peu près que lui assumait pleinement le choix de ces dépenses au nom justement de la grandeur de notre nation.

Dont acte.

Un peu plus tard, un reportage montrait un avion sur le tarmac d'un aéroport. Il faisait déjà nuit et l'on n'apercevait que des ombres, en file indienne, disparaissant une à une dans l'appareil. Il était question d'un charter affrété par plusieurs pays européens, il était question de trois afghans. Il était question de la France qui n'avait pas vocation à accueillir toute la misère du monde. J'imaginais alors un autre film : un ministre de la France venait expliquer que la France, que notre nation, eu égard à son passé et à ses principes, ne pouvait pas expulser ces gens, qu'elle leur devait protection. Ou alors il fallait accepter que notre pays renie son Histoire ; il fallait renoncer à l'ambition de grandeur de la France. Et pourquoi pas brader son honneur pour de minables calculs électoralistes ? Mais, bien sûr, ce n'était que rêverie apéritive.

Mais, sortant de ma rêverie, je me disais qu'heureusement, il y a quelques décennies, la France n'avait pas cru bon de reconduire tous ces "ritals" venus s'installer sur notre Terre. Car, si elle l'avait fait, l'identité de notre accordéon national en eût été profondément changée. Pour s'en convaincre, il suffit de recenser tous ces "ritals", fils de "ritals" ou petits-fils, qui nous enchantent et qui contribuent au rayonnement de notre nation. Tout simplement parce qu'ils sont Français et perçus comme tels partout dans le monde.

Bien entendu, je m'en tiens à l'accordéon, mais on pourrait appliquer la même observation aux autres arts, à la recherche, au monde de l'entreprise, etc...

dimanche 1 novembre 2009

mardi 3 novembre - kuolleet lehdet

Dimanche, 1er novembre. 16 heures. 25°. Au sud de la ville, des nuages sombres se forment et enveloppent les sommets. Le soleil déjà bas étire les ombres de toute chose. Les chats des voisins se roulent en boule sur les feuilles craquantes du prunier, des charmes et des bouleaux. Je sens bien qu'en m'approchant je les dérange. Ils me regardent, s'assurent qu'ils ne courent aucun danger, puis, pour manifester clairement leur désapprobation de me voir entrer sur leur terriroire, ils s'étirent, se redressent et, sans un regard pour l'intrus, se déplacent vers un autre coussin végétal.



... de retour du jardin, j'ai écouté "Kuolleet Lehdet", autrement dit "Les feuilles mortes". Explication :
- "Bonjour de Paris", LP 33 t., face A, titre 1, "Kuolleet Lehdet / Les feuilles mortes" (J. Kosma).
Un disque pour lequel j'ai une affection toute particulière. Un disque que m'avait recommandé Joël Louveau. Disque de Marcel Azzolla et Lina Bossatti.
Au dos du LP, on peut lire : "Recorded and mixing TMI-Studio, Kari Hakala. Recorded at Sibelius Academy, Helsinki on August and December 1988. Production Kari Hakala, Matti Rantanen, Heidi Velamo. Cover Teri Velamo. Photo Pierre Gervasoni. Suomen Harmonikkaistituutti, Finish Accordion Institute".
Cette information objective suffit à me faire rêver. Du coup, par association d'idées, j'ai envie maintenant d'écouter Maria Kalaniemi. "Ahma", "Ambra", "Bellow Poetry". Les forêts de la Finlande doivent être somptueuses en automne.
Plus tard, si j'y pense encore j'explorerai l'entrée "Autum Leaves" sur YouTube. Il me semble qu'il y a quelques interprétations fort intéressantes, dont une, si ma mémoire est fidèle, de Miles Davis.